dimanche 6 décembre 2015

Critique 766 : BILLY THE CAT - L'INTEGRALE 1 (TOMES 1 A 3), de Stephen Desberg et Stéphane Colman


BILLY THE CAT, L'INTEGRALE 1 rassemble en un volume, publié en 2014, les tomes 1 à 3 de la série, écrits par Stephen Desberg et dessinés par Stéphane Colman.
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BILLY THE CAT : DANS LA PEAU D'UN CHAT est le premier tome de la série, écrit par Stephen Desberg et dessiné par Stéphane Colman, publié en 1990 par Dupuis.
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Billy Colas est un petit garnement qui s'amuse à martyriser les chats à la sortie de l'école et semer la pagaille chez un libraire. Lorsqu'il est grondé par ce dernier, il traverse la rue sans faire attention à une voiture qui approche et qui le percute.
Mort, il se réveille au ciel où un crocodile et une coccinelle, s'exprimant en vers rimés, résument ses bêtises pour juger son cas. Ils décident finalement rapidement de le renvoyer sur Terre... Mais dans la peau d'un chaton !
Retournant chez lui, il découvre que sa famille a déménagé. Alors que Billy erre dans le rues par cette nuit d'hiver, il fait la connaissance de Monsieur Hubert, un chat de gouttière qui devient son protecteur.
Jusqu'à ce que la route de Billy croise celle de Sanctifer, un matou mégalo et complice d'un gang qui kidnappe les animaux et les retiennent prisonniers dans une ancienne usine qui abrite de sinistres expériences...
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BILLY THE CAT : LE DESTIN DE PIRMIN est le deuxième tome de la série, écrit par Stephen Desberg et dessiné par Stéphane Colman, publié en 1991 par Dupuis.
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Billy et M. Hubert se promènent dans les rues lorsqu'ils découvrent que le cirque Bingo est en ville. Hubert s'amourache de la belle minette Mamzelle Cha-Cha tandis que Billy entreprend de libérer l'inoffensif et peureux ours Pirmin, malheureux dans sa cage.
Les quatre animaux s'enfuient, suivi par le chien du cirque, Rösti, aussi tenace que gentiment idiot. Cette folle cavale les mène jusque dans les montagnes dont sa mère parlait à Pirmin, convaincu qu'il pourra y vivre heureux même s'il a toujours été en captivité...
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BILLY THE CAT : L'ETE DU SECRET est le troisième tome de la série, écrit par Stephen Desberg et dessiné par Stéphane Colman, publié en 1994 par Dupuis.
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Billy, Hubert et Cha-Cha ont quitté Pirmin et Rösti dans leurs montagnes pour gagner la Côte d'Azur à bord d'une cadillac livrée au propriétaire d'une luxueuse villa. 
Cette demeure est surtout le territoire d'une incroyable bande d'animaux dont le point commun est de travailler dans le cinéma. Le chat snob Lothaire séduit Cha-Cha au grand dam de Hubert, Billy sympathise avec l'éléphant amnésique Limpopo... Avant de découvrir le gorille féroce et aigri Virunga.
Mais, sur la plage voisine, le chaton va surtout retrouver sa soeur, Marie, en colonie de vacances, à qui il parvient à faire comprendre qui il est. Billy repartira-t-il avec elle, quitte à abandonner Hubert ?

En apprenant dans une rubrique de "Spirou", il y a quelques mois, la parution de cette Intégrale (suivie d'une nouvelle récemment), j'ai découvert l'existence de cette série. Les noms de ses auteurs ne m'étaient pas inconnus : j'avais, un temps, été un lecteur fidèle du Scorpion écrit par Desberg (et dessiné par Marini) ; quant à Colman, il est le scénariste des aventures du Marsupilami (dessiné par Batem). Par chance, la bibliothèque où je suis inscrit possédait la totalité des albums de Billy The Cat.

Il y a toujours une certaine appréhension à se plonger dans la lecture d'une oeuvre conçue pour un très jeune public quand on a l'âge d'être le père des lecteurs ciblés. Mais cette crainte s'efface vite dès les premières pages de la série : en effet, ce qui surprend d'entrée de jeu, c'est que l'histoire débute par la mort de son héros, et que ce héros est un enfant !

Desberg ose cette ouverture en évitant pourtant tout mélodrame car Billy Colas, décrit comme un garnement, même s'il ne mérite pas ce qui lui arrive, se réveille au ciel et en est vite chassé, renvoyé sur Terre dans la peau, donc, d'un chaton, comme celui qu'il s'amusait bêtement à martyriser en sortant de l'école.

La dimension initiatique du récit est donc évidente, mais le rythme de la narration est si soutenu que Desberg ne laisse ni à son héros ni au lecteur le temps de souffler. Mieux même, il maintient ce tempo sans faillir durant les trois tomes de cette première Intégrale.

L'autre accroche du projet tient au fait que Billy devenu un chaton n'a pas oublié qu'il était un petit garçon. Il est poignant de le voir revenir dans la maison de sa famille pour se rendre compte qu'elle a déménagé, mais comme ce qui a précédé ce moment, il rebondit et nous entraîne à sa suite dans sa nouvelle vie.

Le tome 1 et les deux suivants enchaînent les péripéties en caractérisant de manière subtile et dynamique les personnages, les impliquant dans des intrigues à la fois simples à comprendre mais avec un dosage parfait d'humour, d'action et d'émotion. Qu'il s'agisse de délivrer des animaux errants d'un laboratoire clandestin, un ours d'un cirque, ou d'affronter un menaçant gorille dans une villa azuréenne abritant un vrai bestiaire tout en mettant en scène les retrouvailles inattendues et touchantes entre Billy et sa soeur, c'est un sans faute. Jamais Desberg ne sombre dans la mièvrerie, la facilité : le jeune lecteur aura son compte d'aventures sans qu'elles soient trop anxiogènes, l'adulte sera captivé par les rebondissements traversés par ce petit chaton qui comprend au fil de son voyage ses erreurs passées.

Billy The Cat s'impose donc comme un bijou d'écriture. Mais c'est aussi une réussite graphique. Je n'apprécie guère ce que produit Colman comme scénariste avec Le Marsupilami, mais je le redécouvre comme un artiste de grande valeur.

L'artiste s'inscrit dans une tradition classique, évoquant Peyo, Roba, Franquin. Son trait rond est un régal pour les yeux, plein de charme. Mais la qualité du résultat ne tient pas qu'à cela : il rend ses héros atypiques très expressifs, les anime avec beaucoup de vivacité au coeur de décors fouillés mais avec le souci de rester en permanence lisible. La composition de ses images est irréprochable et quand il s'affranchit de planches en quatre bandes pour représenter une ville sur une double page, l'effet est impressionnant.

Colman a une virtuosité élégante dans la mesure où il ne cherche jamais à l'étaler, mais son dessin est remarquable, cadré par un découpage dense (une moyenne de dix cases par page), des enchaînements fluides.

Le plus étonnant dans cette bande dessinée si accomplie, où l'écriture et l'image se répondent si bien, c'est que Desberg et Colman ont réalisé Billy The Cat dans des conditions difficiles : leurs divergences artistiques finiront d'ailleurs par avoir raison de leur collaboration après six tomes. J'ignore ce qui les opposait précisément, mais aucune tension n'est manifeste à la lecture.

J'ai déjà emprunté les trois tomes suivants, formant la deuxième Intégrale, et je pourrais donc vous en parler bientôt. Peu de risque qu'après un premier acte aussi fabuleux, la suite déçoive. Stay tuned !  

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