JOHAN ET PIRLOUIT : LE LUTIN DU BOIS AUX ROCHES est le 3ème tome de la série, écrit et dessiné par Peyo, publié en 1955 par Dupuis.
L'album comporte cinqs histoires : LE LUTIN DU BOIS AUX ROCHES (44 pages, 1955) ; ENGUERRAN LE PREUX (4 pages, 1956, parue à l'origine dans Risque-Tout n° 9) ; SORTILEGES AU CHÂTEAU (4 pages, 1956, parue à l'origine dans Risque-Tout n° 22) ; A L'AUBERGE DU PENDU (4 pages, 1956, parue à l'origine dans Risque-Tout n° 25) et LES MILLES ECUS (3 pages, 1957, parue à l'origine dans Spirou n° 1000).
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- Le Lutin du Bois aux Roches (44 pages, 1955). De retour au château du Roi, Johan trouve François le bûcheron bien déprimé à cause d'un certain Pirlouit, qu'il décrit comme un lutin démoniaque, vivant dans le Bois aux Roches voisin et qui vole des provisions aux gens de la région. Personne n'a pu jusqu'ici le capturer.
Peu après, Johan reçoit du Roi une importante mission : il doit préparer l'arrivée de sa nièce, la princesse Anne, et aussi neutraliser Pirlouit. Dès le lendemain l'écuyer se met a la recherche de
ce dernier dans le Bois aux Roches et lui tend un piège avec de la nourriture. La ruse fonctionne et le lutin est attrapé. Mais Johan se rend compte que Pirlouit n'est pas un mauvais bougre et devient son ami en lui promettant de le recommander au Roi pour qu'il devienne son bouffon.
Mais quand il revient au château, Johan apprend par le Roi que la princesse Anne a été kidnappée et que deux de ses escortes, Philibert et Angelot (en vérité deux traîtres à
la solde de Girard de Watriquet), accusent
Pirlouit du forfait. La tête du lutin est mise à prix.
Johan parvient à prévenir Pirlouit qui jure qu'il n'est pour rien dans cette histoire et pense au contraire que les deux gardes sont mêlés à l'affaire. Ensemble, l'écuyer et le lutin découvrent qui sont les vrais coupables et leur mobile (piéger le Roi pour le détrôner) et s'emploient à sauver la demoiselle et sauver le souverain.
- Enguerran Le Preux (4 pages, 1956). Enguerran de Bauvallon arrive au château du Roi et se vante de plusieurs exploits. Johan et Pirlouit doute de leur véracité et mettent au point un plan pour tester la bravoure du chevalier.
- Sortilèges au Château (4 pages, 1956). En revenant au château du Roi, Johan et Pirlouit croisent un marchand ambulant qui quitte l'endroit, l'air préoccupé. Les deux amis trouvent ensuite tous les habitants de la forteresse endormis, comme drogués. Le marchand est leur suspect mais la vérité relève d'une malencontreuse étourderie.
- A L'Auberge du Pendu (4 pages, 1956). Johan et Pirlouit s'arrêtent pour la nuit dans une auberge dont le tenancier leur raconte que la région est terrorisée par une bande de brigands. Le lutin va découvrir que leur hôte n'est pas innocent dans cette affaire et, avec l'écuyer, mettre un terme aux agissements des vilains.
- Les Mille Ecus (3 pages, 1957). Le Roi et Johan élaborent un stratagème pour que Pirlouit cesse de les importuner en chantant (aussi fort que faux). Mais leur plan va aboutir à une situation inattendue et encore pire.
Tout comme ce sera plus tard le cas avec les Schtroumpfs (dans La Flûte aux Six Schtroumpfs, tome 9 - critique 502), Peyo a eu pour l'histoire principale de cet album une idée qu'il ne comptait pas développer et qui transformera toute la série. En effet, le personnage de Pirlouit ne devait pas revenir après cette histoire, qui d'ailleurs fut initialement publiée comme la troisième aventure de Johan seul.
En lisant ce récit, cependant, on peut se douter que Peyo avait deviné le potentiel de son lutin : il prépare tout d'abord son apparition en ne faisant qu'évoquer les méfaits de Pirlouit, décrit comme un démon, puis à la planche 7, on découvre enfin à quoi il ressemble mais il ne s'exprime d'abord que par borborygmes et en grimaçant. Néanmoins, on sait que c'est juste un petit bonhomme véloce et qui, malgré un caractère bien trempé, volontiers râleur, est plutôt facétieux, vivant dans les bois pour subsister après être allé de ferme en ferme d'où on le chassait en se moquant de lui. Difficile de ne pas éprouver de la sympathie à son égard : comme Johan, nous devenons son ami, et Peyo nous a bien eus.
L'intrigue peut ensuite se déployer autour de l'enlèvement de la princesse Anne (dont le prénom a peut-être inspiré l'héroïne du Royaume de Benoît Féroumont) : cette trame est classique et d'ailleurs Peyo dévoile l'identité des coupables et leur mobile dès la planche 21 (soit avant la moitié du récit) pour offrir aux lecteurs une succession de péripéties haletantes, qui deviendra sa marque de fabrique sur la série.
Bien qu'appartenant à "l'école de Marcinelle" (comme on surnommait les auteurs oeuvrant pour la revue Spirou), Peyo est aussi un héritier de Hergé pour son goût de l'aventure au-delà du suspense. Ce qu'il privilégie, c'est l'action, le mouvement, traduits par des scènes de courses, de poursuites, de bagarres, de batailles. Et même s'il n'a pas encore atteint les sommets narratifs qu'on lui connaîtra ensuite, cette histoire montre déjà un auteur au savoir-faire épatant.
Visuellement, le trait est encore un peu épais et naïf : Peyo cherche encore ses personnages, il en a défini les grandes lignes mais il va les affiner progressivement, cela se remarque à quelques détails (par exemple, Johan est plus grand qu'il ne le sera par la suite).
Sa narration est aussi encore stéréotypée avec un usage abondant du "gaufrier", ses planches sont très denses, avec de petites vignettes (souvent plus d'une douzaine), et quand il ose un plan général avec un cadre aux dimensions plus grandes, c'est exceptionnel (voir page 40, quand les troupes du Roi assiègent le château de Watriquet - un plan superbe d'ailleurs).
Toutefois, la manière dont Peyo orchestre ses séquences de combat est déjà impressionnante, comme en témoignent les pages 32 à 34 puis 42 à 45, quand Johan et la princesse Anne s'enfuient, puis avec Pirlouit courent après Guillaume de Basenhau.
Pour compléter le programme, Dupuis a greffé à l'histoire qui donne son titre à l'album quatre courts récits réalisés par Peyo ultérieurement : les trois premiers furent publiés à l'origine dans les n° 9, 22, et 25 de la revue Risque-Tout en 1956. Il s'agit des 4ème, 8ème, et 9ème aventures de Johan et Pirlouit : ce sont des fables joliment menées, l'une sur la vantardise d'un chevalier, l'étourderie d'un commerçant, et la duplicité d'un aubergiste. Peyo y démontre une nouvelle fois sa capacité à animer des formats très courts sans sacrifier à l'action, au mouvement, en s'appuyant sur la parfaite complicité de ses deux héros.
Les Mille Ecus, paru à l'origine dans le millième numéro de Spirou, tient en trois pages et dispense une morale malicieuse à souhait, encadrée par un découpage incroyablement dense (29 cases !) et dynamique : du grand art.
Un album-clé pour la série et un menu copieux donc.
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