JOHAN ET PIRLOUIT : LA GUERRE DES 7 FONTAINES est le 10ème tome (et la 17ème histoire) de la série, écrit et dessiné par Peyo, publié en 1961 par Dupuis.
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Egarés dans un territoire sec et hostile, Johan et Pirlouit, pour échapper à un orage, se réfugient dans un château abandonné. Mais des bruits suspects et le son de la cloche à minuit empêchent Pirlouit puis Johan de trouver le sommeil, et les deux amis partent à la recherche de l'importun.
C'est ainsi qu'ils vont rencontrer le fantôme de Sire Aldebert de Baufort, l'ancien seigneur de l'endroit, mort depuis cent ans, et responsable de l'état désolé de la région. En effet, après avoir croisé la vieille sorcière Sara, cet amateur de vin, dont le vignoble finit par ne plus produire qu'une infâme piquette, fut exaucé d'un voeu : transformer toutes les sources d'eau du pays en rivières de vin.
Tous ses sujets sombrèrent comme lui dans l'alcoolisme, et le domaine dans l'anarchie. Aldebert retourna voir Sara pour qu'elle rétablisse la situation mais elle refusa au prétexte qu'il n'avait droit qu'à un souhait. Il insista mais sa colère provoqua celle de la sorcière qui assécha alors toutes les courants. Le pays déclina et ses habitants en partirent.
A sa mort, les aïeux d'Aldebert lui refusèrent sa place au ciel et le condamnèrent à hanter son château jusqu'à ce que son descendant légitime lui succède sur le trône.
Avec l'aide de la sorcière Rachel et des Schtroumpfs, Johan et Pirlouit entreprennent de rendre l'eau au pays tout en devant composer avec une douzaine de Baufort et Beaufort prétendant régner sur place. Le véritable héritier, Jean, devient alors l'homme à abattre et celui à protéger pour les deux héros...
Peyo commence la réalisation de ce 10ème tome dans les pages de Spirou en 1959, après la publication de La Flûte à Six Schtroumpfs. Comme son éditeur le lui permet désormais, il développe une longue histoire de plus de 60 pages, qui, avec le temps, sera reconnue comme un (sinon le) sommet de la série. C'était en tout cas le récit que préférait l'auteur.
Il est vrai qu'avec cette Guerre des 7 Fontaines, on trouve réunies toutes les qualités de Peyo et assemblés les éléments majeurs de son oeuvre : beaucoup d'action, un zeste d'humour, l'inspiration fantastique, un brin de poésie, un tempérament de fabuliste (avec une morale malicieuse sur les méfaits de la boisson et le bon usage du pouvoir).
Surtout, l'aventure est menée sur un rythme soutenu, ce qui permet aux nombreux évènements de se dérouler sans jamais ennuyer. Il y a trois actes distincts mais qui s'enchaînent avec fluidité : dans un premier temps, la rencontre entre les deux héros et le fantôme, la découverte de la situation ; dans un deuxième temps, l'arrivée des prétendants et la menace qui pèse sur l'héritier légitime ; puis dans un troisième et dernier temps, le retournement de situation avec l'alliance entre les deux héros et le descendant et leur bataille contre leurs adversaires.
La limpidité de cette construction associée à la densité du récit assurent une lecture riche et divertissante, aux climats variés, aux coups de théâtre fréquents, avec de vrais morceaux de bravoure. Les personnages sont tous bien campés, et on peut même s'amuser du fait que l'histoire commence de manière similaire au tome 5 (Le Serment des Vikings, critique 507) - avec Johan et Pirlouit fuyant le mauvais temps et impliqués dans une intrigue à cause de cela - mais infiniment mieux développée. Même la figure du fantôme de Sire Aldebert est finement écrite, Peyo ne l'employant pas dans le but de susciter l'épouvante (ou alors de manière détournée, ironique) mais plutôt de la compassion pour ce pauvre damné.
Les dessins proposent sans doute ce que Peyo a accompli de plus impressionnant dans la série, notamment dans le dernier tiers de l'album : la séquence où Jean de Baufort, avec Johan et Pirlouit, et ses troupes prennent d'assaut le château et la lutte très disputée que se livrent les deux camps est éblouissante.
Franquin avait longtemps regretté ne jamais avoir réussi à animer la foule dans Spirou et Fantasio, estimant ne jamais parvenir à un résultat à la fois assez clair, assez vif et assez impressionnant visuellement. Hé bien, ce tour de force, Peyo l'accomplit ici, en particulier pages 32, 41 et 57, avec des plans bluffants, au sein de planches incroyablement denses (toujours plus de dix cases !).
L'artiste réutilise un casting très fourni, avec tous les Baufort/Beaufort, mais aussi les Schtroumpfs, les sorcières Sara et Rachel (il ne manque guère que l'enchanteur Homnibus dans cette galerie magique).
Un album impressionnant, qui ne vole pas son titre de grand classique.
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