JOHAN ET PIRLOUIT : LA PIERRE DE LUNE est le 4ème tome de la série, écrit et dessiné par Peyo, publié en 1956 par Dupuis.
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Au château du bon Roi, on attend la visite du Comte de Tréville lorsqu'un cavalier approche et chute de son cheval avant d'atteindre les portes. Celui-ci, blessé et inconscient, est transporté à l'intérieur où Johan lui prodigue les premiers soins.
Dans la soirée, un nouvel invité imprévu fait son apparition, le Sire de Boustroux, à qui le Roi offre le gîte et le couvert, et qui offre d'examiner le cavalier blessé quand il apprend qu'il est dans les murs. Mais Johan et Pirlouit assiste au réveil de ce dernier qui se prénomme Olivier et leur raconte être l'assistant de l'enchanteur Homnibus pour lequel il a cherché et trouvé une pierre rare, convoitée par Boustroux. L'homme confie la pierre à Johan et Pirlouit.
Dans la nuit, Boustroux, qui a entendu le récit d'Olivier, tente de dérober la pierre à Johan et Pirlouit mais il échoue et disparaît au petit matin. Les deux amis gagnent alors le lieudit du "Blanc-Caillou" près du bourg d'Abégalot où vit l'enchanteur, mais en atteignant la chaumière d'Homnibus, ils voient Boustroux fuir après y avoir volé un grimoire.
Johan et Pirlouit vont alors s'employer à récupérer le livre tandis que Boustroux et ses hommes essaient de reprendre la pierre qui, associée à un sortilège, confère force et invulnérabilité à son détenteur...
Pour la deuxième aventure de Johan et Pirlouit, Peyo a dû s'adapter sur plusieurs points : d'abord, la revue Spirou voit sa pagination augmenter, ce qui impacte le rythme de parution des séries à partir de 1954. Entre la fin du feuilleton du Lutin du Bois aux Roches et le début de celui de La Pierre de Lune va donc s'écouler six mois.
Ensuite, Peyo compose son histoire autour du duo formé par Johan et Pirlouit, ce denier ayant été tout de suite adopté par les lecteurs alors que l'auteur n'avait pas prévu de le réutiliser. Pourtant, en intégrant ce personnage, sa série va prendre une nouvelle ampleur, trouver sa véritable identité et devenir le classique que l'on sait.
Enfin, pour la première fois, Peyo réussit à créer un véritable méchant charismatique autour duquel s'articule toute l'intrigue. Toutefois, le Sire de Boustroux va compliquer la vie de l'auteur car la censure n'approuve pas ce personnage et Charles Dupuis, prudent, exige que son look soit repensé pour ne pas trop impressionner les jeunes lecteurse. Malgré ces contraintes, Peyo fait preuve d'une réelle audace en donnant de la place à cet adversaire coriace, en suggérant qu'il a pactisé avec le diable, et surtout en n'hésitant pas (pour la première et dernière fois) à le tuer à la fin de l'histoire. Un châtiment radical, même si on ne voit pas Boustroux mourir à l'image (il se noie hors champ).
On peut ajouter que c'est dans ce 4ème tome qu'apparaît aussi pour a première fois le personnage de l'enchanteur Homnibus, qui ajoute une note de fantastique à la série (même si la sorcière Rachel est apparue auparavant). Il est alors décrit comme un vieillard lunatique (à cause de nombreux coups reçus à la tête durant l'aventure) mais deviendra un allié récurrent de Johan et Pirlouit et permettra l'introduction plus tard des Schtroumpfs.
Le résultat de tout cela, c'est un récit plaisant, mené sur un bon rythme, même si on sent que Peyo cherche encore le bon tempo, le dosage juste avec ces personnages. Néanmoins, il utilise son casting avec habileté et les péripéties s'enchaînent. On notera juste que l'auteur a recours à des bulles importantes pour expliquer des évènements antérieurs afin que Johan et Pirlouit et le lecteur comprennent bien les tenants et aboutissants de l'histoire : ce procédé, Peyo saura très vite s'en passer pour parvenir à construire des intrigues fluides et immédiatement accessibles.
Visuellement aussi, l'oeuvre est en devenir : Peyo recourt régulièrement à des pages découpées comme des "gaufriers", toujours très denses (une de ses marques de fabrique : une douzaine de plans par planches en moyenne, de très rares vignettes dépassant les dimensions traditionnelles comme les dernières des pages 15, 18, 37).
Cependant, comme le disait Franquin à propos de son collègue et ami, la lisibilité des planches de Peyo, son sens du mouvement sont exemplaires : l'image n'est jamais saturée d'informations mais la page en elle-même produit un effet de plénitude, avec des compositions toujours intelligentes.
Le trait est encore un peu gras à l'encrage, Peyo se cherche mais il "tient" déjà bien ses deux héros, qu'il fait évoluer dans des décors magnifiquement traités (qu'il s'agisse des édifices, maisons ou de la nature).
Une aventure très divertissante qui annonce la maturité imminente de la série.
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