vendredi 14 février 2014

Critique 412 : DC SAGA #18 / JUSTICE LEAGUE SAGA #1-2-3

En préambule : comme ceux qui me lisent ont pu le constater, je me suis remis récemment à lire des publications DC Comics avec des séries comme Aquaman, Flash, Justice League ou Justice League Dark, issues du "New 52". Je poursuis donc le mouvement avec les revues traduites en France par Urban Comics Editions, d'abord "DC Saga" puis "Justice League Saga" (titre qui a remplacé le précédent, avec un sommaire ajusté). Je critique donc ici les épisodes suivants les derniers que j'ai lus en tpb.

 DC SAGA 18
 JUSTICE LEAGUE SAGA 1
 JUSTICE LEAGUE SAGA 2
 JUSTICE LEAGUE SAGA 3
- Justice League #18-19-20 : (in Justice League Saga 1-3)
Après la bataille qui l'a opposée aux Atlantes (dans le crossover avec Aquaman Throne of Atlantis), la Justice League décide d'ouvrir ses rangs à de nouveaux membres recensés par Cyborg, qui collecte toutes les infos sur les surhumains émergeants. Certains leur ont déjà prêtés main forte contre les Atlantes (Black Canary, Firestorm, Zatanna, Vixen, Black Lightning), d'autres répondent à l'invitation sans être sûrs de s'engager (Blue Devil, Platine, Goldrush, Nightwing, Element Woman), Batman exigeant que les nouveaux se consacrent à temps plein à la Ligue. La réunion est perturbée par le piratage de Platine (un robot conçu par le Pr Magnus) puis du système de sécurité du QG de l'équipe, la Tour de Garde.
The Operative, un membre de l'équipe des Others (liée à Aquaman), dérobe dans la Batcave un échantillon de kryptonite sans être identifié. Batman gardait là d'autres reliques capables de neutraliser les Justiciers, au cas où ceux-ci deviendraient dangereux. Superman et Wonder Woman interviennent de leur propre chef au Khandaq, ce qui irrite Batman, au courant de leur liaison, et soucieux de l'image de l'équipe déjà bien entamée. Cependant, à la Tour de Garde, Eclipso surgit et seuls Firestorm, Atomica et Element Woman sont présents pour l'affronter.
Le Limier Martien, qui a déjà combattu Eclipso dans le passé avec la Ligue, prête main forte aux recrues et le neutralise. Mais à l'insu de tous, Atomica s'est servi des derniers évènements auxquels elle vient d'assister pour compléter des dossiers sur les membres de la Ligue...

Geoff Johns livre trois épisodes très faibles après le crossover palpitant entre Justice League et Aquaman : c'est donc une déception. D'abord, les nouveaux membres intégrant l'équipe sont peu intéressants, voire même franchement horripilants (en particulier Element Woman, mais Firestorm n'est guère plus gâté). La seule bonne surprise est Atomica, dont le secret est révélée in fine dans le #20. Mais on peut être perplexe : Johns n'a déjà pas utilisé tout le groupe initial (Green Lantern est même parti depuis un moment et Flash a été absent), alors ajouter pour ajouter ou pour remplacer est curieux, et la caractérisation de certains personnages laisse déjà à désirer.
Mais cette fameuse révélation souligne en vérité pourquoi ces trois épisodes auraient pu être mieux et plus rapidement traités : il s'agit pour Johns de préparer le prochain crossover, plus important puisqu'il impliquera trois séries (Justice League, Justice League of America et Justice League Dark), Trinity War, et la saga évènement Forever Evil. Trois chapitres pour un prologue, ça fait un peu long.
L'autre point qui demeure inexpliqué concerne le cambriolage commis par the Operative, personnage vu dans le deuxième tpb de la série Aquaman. Où cet autre subplot nous ménera-t-il ?

Ce qui n'arrange pas l'ensemble, c'est la succession de dessinateurs : Ivan Reis revient illustrer le #19, sans faire d'étincelles (hormis, il est vrai, une double page superbe). Jesus Saiz signe le #18, très bien d'ailleurs (il mériterait la place de remplaçant officiel de Reis, à défaut d'une série à temps plein). Mais Gene Ha, en petite forme, doit être épaulé par le médiocre Andres Guinaldo pour le #20.
Tout ça ne rend pas la lecture très agréable.

Espérons que la suite soit de meilleure qualité, aussi bien pour le scénario que la partie graphique.  

 - Justice League of America #1-2-3 : (in Justice League Saga 1-3)
Le gouvernement américain, représenté par l'agent Steve Trevor, n'a plus de contact avec la Justice League, dont l'opinion se méfie désormais. Amanda Waller prend les choses en main et a carte blanche pour former sa propre équipe de surhumains avec l'aide de Trevor. L'idée est d'avoir à disposition non seulement des héros maniables mais aussi capables, si besoin est, de vaincre la Justice League. Sont engagés Catwoman (pa rapport à Batman), le Limier Martien (par rapport à Superman), Katana (par rapport à Wonder Woman), le Green Lantern Simon Baz (par rapport au GL Hal Jordan), Vibe (par rapport à Flash), Stargirl (par rapport à Cyborg) et Hawkman (par rapport à Aquaman).
Leur première mission les entraîne sur la piste de la mystérieuse Société des Super-Vilains, découverte par l'espion de Trevor, Green Arrow (refoulé de la JL autrefois).

Le succés remporté par les séries Justice League et Justice League Dark a conduit naturellement DC et Geoff Johns à relancer le titre Justice League of America. Mais il s'agit également (surtout ?) de préparer le crossover Trinity War, où les trois Ligues vont s'affronter.
Pourquoi pas ? Sauf que le prétexte semble bien artificiel, les ficelles bien trop grosses et visibles, et l'idée de monter une équipe officielle, capable de rivaliser avec la JL, se perd dans des raccourcis qui ne sont pas toujours pertinents. Par exemple, Waller veut des héros plus dociles mais ne recrute (fait recruter par Trevor) qu'une bande d'électrons libres, asociaux (Hawkman, le Limier Martien, Katana, Catwoman) ou inexpérimentés (Stargirl, Vibe, Simon Baz). On ne croit pas une seconde que de tels individus, même en échange de contreparties diverses, acceptent de collaborer avec les autorités et avec d'autres héros, contre les membres de la JL qu'ils ont, pour certains, aidé sans problème lors de la guerre contre les Atlantes.
L'idée de faire de Green Arrow une sorte d'agent indépendant est un peu meilleur (il a la motivation et le caractère pour cela), mais bon, avec Trevor, on arrive à une équipe de 9 membres, ce qui est considérable. Johns est doué pour les rassembler rapidement (même si le #1 est un épisode plus long) et les envoyer en mission, par contre la caractérisation de tous ces personnages est taillée à la serpe (et parfois, il faut le dire, consternante, comme dans le cas de Catwoman, désignée comme une allumeuse qui se balade avec un décolleté jusqu'au nombril). En vo, le titre a déjà changé deux fois de scénariste (Johns passant le bébé à Matt Kindt puis Jeff Lemire, qui va refonder la série prochainement) et plusieurs fois de dessinateurs.

Le dessin, parlons-en : il revient à David Finch, débauché de Marvel il y a plusieurs mois. Son style, chargé en détails et en ombres, convient plutôt bien à la tonalité du titre, et il réussit même à glisser quelques idées, simples mais efficaces, dans le découpage. Malgré tout, on retrouve ses faiblesses rapidement et de manière prononcée, avec des personnages masculins très musclés et inexpressifs, et des personnages féminins aux courbes et aux attitudes souvent vulgaires (la seule qui échappe à ce traitement est Katana).

Pas très convaincant pour un début.

- Justice League Dark #14-15-16-17-18-19 : (in DC Saga 18 & Justice League Saga 1-3)
Alors qu'elle avait vaincu Nick Necro, Felix Faust et le Dr Mist, et mis la main sur les grimoires magiques, la Ligue des Ténèbres a vu, stupéfaite, disparaître Zatanna et le jeune Tim Hunter au moment où celui-ci a ouvert les fameux ouvrages.
Zatanna et Tim surgissent dans un monde parallèle, Epoque, où créatures magiques et hommes dévoués à la technologie s'affrontent depuis des lustres. Dans notre dimension, John Constantine, Deadman, Frankenstein, Madame Xanadu et Black Orchid cherchent un moyen de récupérer leurs amis et quand ils vont le trouver, vont provoquer d'importantes perturbations entre les mondes.

Justice League Dark a été une de mes coups de coeur dans les titres issus du "New 52". Jeff Lemire, assisté désormais de Ray Fawkes au scénario, allait-il transformer l'essai avec son 3ème arc narratif ?
Les deux auteurs ont vu les choses en grand et nous entraîne dans une épopée en 4 parties, La Mort de la Magie, qui a tout d'une saga évènementiel. Les rebondissements s'enchaînent à un rythme infernal, de nouvelles révélations sur les personnages, leurs pouvoirs, les dimensions mystiques s'accumulent à tout-va : il faut se montrer disponible pour tout absorber et profiter pleinement de l'aventure.
Lemire et Fawkes n'évitent pas toujours la répétition des erreurs des histoires précédant celle-ci, mais la série possède un souffle, une imagination, de l'humour, du spectacle. En vérité, JLD réussit souvent là où Justice League de Johns peine (ou échoue) en embarquant le lecteur, en ne le laissant pas souffler, mais aussi en soignant chaque personnage, en lui offrant son grand moment.
Le dénouement est certes un peu facile, avec l'intervention bien pratique d'un deus ex machina, mais le récit inspire de l'indulgence car il est dépaysant, dense, et bien bâti.

A l'exception du #14, découpé par Graham Nolan et peaufiné par Victor Drujiniu, mais néanmoins d'une bonne qualité, tout le reste est encore dessiné et encré par le prodigieux Mikel Janin. Il produit des planches superbes, avec un soin apporté aux décors supérieur à la moyenne, et des personnages bien campés, expressifs. Cet artiste est vraiment une révélation impressionnante : régulier aussi bien dans la livraison que précis dans l'exécution.

A partir du #19, Lemire, Fawkes et Janin (encré par Vicente Cifuentes, qui a la fâcheuse manie de chager inutilement le trait de son dessinateur avec des fioritures. J'espère qu'il ne fait que passer) entament un nouvel arc, La Cité de l'Horreur, tout aussi prometteur, mais il est encore trop tôt pour juger.

- Green Arrow #1-2-3 : (in Justice League Saga 1-3)
Oliver Queen a hérité d'une fortune considérable mais il néglige ses affaires en se consacrant à son activité de justicier masqué sous le masque de Green Arrow, désapprouvée par la police. C'est ainsi qu'il se trouve en peu de temps dans une situation difficile : l'entreprise familiale a été rachetée, ses collaborateurs les plus proches (qui couvrent sa double vie) sont (apparemment) tués, et un autre archer, Komodo, veut également le supprimer. C'est alors que le mystérieux Magus apparaît et fait comprendre au héros que toute l'affaire prend sa source dans le passé de son père et le sien...

Après 16 numéros peu concluants (aussi bien en termes artistiques qu'en chiffres de vente), DC a décidé de rediriger radicalement la série consacrée à Green Arrow. Dans le "New 52", le personnage n'est plus l'archer aguerri, bougon et barbichu, mais encore un jeune homme arrogant, dont les actions de justicier déplaisent aux autorités.
Jeff Lemire, déjà aux commandes de l'excellente JLD, a fait, semble-t-il, un important ménage et lance l'archer dans une saga qui démarre sur les chapeaux de roue. Ce qui frappe, c'est effectivement le rythme effréné de cette série où Ollie Queen n'a pas plus de répit que le lecteur : ce parti pris joue beaucoup dans la séduction du titre, surtout qu'on n'en sait pas plus que Green Arrow sur le mobile de son ennemi et la manière dont il pourra s'en sortir. On est captivé.
L'autre point fort, c'est que le héros est vraiment livré à lui-même : pas de sidekick, pas (ou presque pas) de renfort providentiel, pas de petite amie pour le réconforter, pas de brave flic pour le soutenir. Et Komodo est un adversaire redoutable. On est pris à la gorge, désireux que GA s'en tire tout en savourant les dérouillées qu'il subit car, et c'est l'audace de Lemire, il n'est pas franchement sympathique, notre archer, plutôt suffisant, impatient, impulsif, têtu. Voilà une bd qui a du caractère.

Et de l'allure, une sacrée allure ! Car elle est superbement mise en image par Andrea Sorrentino, là encore une découverte (comme Mikel Janin). Pour résumer, on pourrait dire qu'il est le croisement de Jae Lee et David Aja, avec en plus une capacité à enchaîner les épisodes impressionnantes (cela fait un an, en vo, qu'il dessine la série, sans avoir été une seule fois remplacé !).
De Jae Lee, il a hérité le goût des compositions audacieuses et des éclairages expressionnistes, sans céder à des représentations trop figées. A David Aja, il a emprunté des gimmicks dans le découpage, cette manière de construire des séquences avec des inserts de petites vignettes dans des cadres plus grands par exemple, une façon de s'amuser avec la page, le flux de lecture.
Après avoir colorisé son premier épisode, il est ensuite assisté par Marcelo Maiolo, qui utilise une palette très inventive, jouant souvent sur des parties en noir et blanc où seul un élément est traité. On pense bien sûr à ce que fait Matt Hollingsworth avec Aja là aussi : une gamme réduite de teintes mais savamment répartie, et qui compense intelligemment des décors rajoutés numériquement.

Green Arrow confirme en tout cas que Jeff Lemire est le scénariste à suivre, et que Andrea Sorrentino fait partie des artistes à surveiller.
  
- Flash #20 : (in Justice League Saga 3)
Le séjour dans la dimension de la Force Véloce, d'où il tire ses pouvoirs, a permis à Flash de mieux mesurer ses capacités mais aussi de découvrir que cela avait laissé des séquelles sur d'autres personnes. Lorsque plusieurs d'entre elles sont assassinées dans des conditions mystérieuses, le speedster sait qu'il ne s'agit pas d'une coïncidence et mène l'enquête...

Le duo Francis Manapul-Brian Buccellato, qui assure l'écriture et la mise en images de la série, ouvre donc avec ce 20ème épisode un nouvel arc (dédié d'ailleurs à Carmine Infantino, qui est mort en Avril 2013, quelques mois avant ce numéro, daté de Juillet).
Dans l'épisode précédent, on avait pu voir brièvement un curieux personnage ressemblant à Flash mais animé de mauvaises intentions. Il frappe à nouveau ici et oblige Flash à enquêter. Il s'agit aussi bien de neutraliser un assassin que de continuer à investiguer sur la Force Véloce.
Le scénario offre quelques scènes spectaculaires (le déraillement du métro) et intrigantes (l'espèce d'enregistreur grâce auquel Flash reconstitue le crime) : tout cela est très accrocheur et promet d'enrichir un peu plus la mythologie de la série.

Mais, une fois encore, c'est surtout visuellement que la série est la plus impressionnante : après un peu de repos, Francis Manapul revient très en forme et livre des planches formidables, qui traduisent à merveille les pouvoirs de Flash, les menaces qu'il affronte. La mise en couleurs de Buccellato achève d'enchanter.

Le titre n'est peut-être pas exceptionnel pour ce qu'il raconte, mais la façon dont c'est raconté est un pur bonheur.

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