Daredevil by Mark Waid, volume 4, collecte les épisodes 16 à 21 de la série écrite par Mark Waid et dessinée par Mike Allred (#17) et Chirs Samnee (#16, 18-21), publiés en 2013-2013 par Marvel.
La série entame, mine de rien, sa deuxième "saison" sous la direction de
Mark Waid avec ces épisodes : 21 épisodes et un sans-faute (à
l'exception des numéros dessinés par Koi Pham, une erreur de
casting vite corrigée), par un scénariste qui a su s'approprier le
concept du titre tout en conservant des éléments disposés par ses
prédécesseurs. Mark Waid a ainsi revitalisé Daredevil de manière spectaculaire.
Le premier chapitre de ce recueil, l'épisode 16, explore la suite
directe des évènements traversés parle héros lors de son séjour en
Latvérie où les expériences du Dr Fatalis l'ont privé de ses sens.
L'histoire est un hommage directe à L'Aventure intérieure de Joe Dante,
avec Ant-Man qui se balade littéralement dans la tête de Daredevil pour
détruire les implants électroniques que Fatalis y a installé, tandis
que Tony Stark/Iron Man et le Dr Strange supervisent l'opération.
Au passage, Waid établit un parallèle (à ma connaissance) inédit entre
les parcours personnels de Daredevil et Ant-Man, prémisse à une
collaboration entre les deux héros qui sera exploité ensuite. C'est
inattendu mais parfaitement bien vu, comme tout ce qu'a entrepris le
scénariste depuis le début de son run (où il a surpris aussi en
renouvellant la galerie des adversaires du héros).
Puis on assiste à un coup de théâtre macabre et imprévisible lorsque
Foggy Nelson met Matt Murdock devant le fait accompli : ayant trouvé
quelque chose de compromettant sur sa santé mentale, il congédie son ami
et partenaire de leur cabinet juridique. Waid semble indiquer
qu'effectivement le personnage a bel et bien perdu la tête après des
années de traumatismes.
L'épisode suivant (le #17) est un peu spécial : il revient sur un moment
passé, au début de leur carrière commune, de Foggy et Matt, où l'on
devine que ce qui les sépare aujourd'hui prend ses racines dans des
tensions plus anciennes, malgré une forte amitié.
Pour l'anecdote, il faut savoir que le dessinateur Mike Allred
avait exprimé dans le courrier des lecteurs de la série son enthousiasme
par rapport à la contribution de Mark Waid, et c'est ainsi que Marvel,
profitant du départ de l'artiste de chez DC (où il réalisait, avec Chris Roberson, la série I, zombie, pour le label Vertigo), lui a offert de participer à ce chapitre.
Waid a taillé un épisode sur mesure pour le style surréaliste d'Allred
en convoquant Stilt-Man (l'Homme aux échasses), un des vilains les plus
grotesques de la série. La bataille qui l'oppose à Daredevil occupe une
bonne partie de l'histoire, mais son épilogue demeure touchante.
Il est alors temps de passer au plat de résistance de l'album avec un
arc en quatre parties (#18 à 21), à nouveau illustré par Chris Samnee.
A la manière du récit qui vit s'affronter Daredevil à Mole-Man
(l'Homme-Taupe) dans le volume 2, Mark waid orchestre un haletant
suspense, riche en rebondissements, et qui emprunte volontiers au genre
horrifique.
L'argument que creuse le scénariste consiste à faire croire au lecteur
mais aussi aux proches de Matt Murdock et à Daredevil lui-même qu'il
perd la raison. C'est suffisamment bien fait pour qu'on n'ait pas envie
d'y croire alors que tout le laisse penser, mené à un rythme d'enfer,
avec le retour d'Ant-Man en guest-star, ou de l'assistance du procureur,
Kirsten McDuffie, avec laquelle Matt flirte depuis peu, mais aussi la
réapparition d'un ancien personnage issu des runs de Brian Bendis et Ed Brubaker.
Des apparitions, réapparitions et disparitions, il en est beaucoup
question dans cette histoire où le méchant, Coyote (une nouvelle
création, au design conçu par Paolo Rivera, très réussi), possède un pouvoir relatif à la téléportation, et dont Waid tire des effets très inventifs et affreux.
Jusqu'à présent, Daredevil semblait dans un déni complet des traumas qu'il avait vécus (et ce depuis les runs de Frank Miller, Ann Nocenti jusqu'à Bendis, Brubaker et Andy Diggle).
Waid semait pourtant des indices discrets sur la possibilité qu'il ne
les avait pas surmontés (comme quand il le montrait souriant dans une
cage aux lions dans l'épisode 4 ou appréciant visiblement d'être devenu
l'homme le plus dangereux du monde pour plusieurs organisations
criminelles à la fin de l'épisode 6).
Pour précipiter la chute du héros, Coyote, par la main de Waid, organise
la rupture de Murdock et Nelson, puis s'en prend à la pègre locale via
le meurtre d'un de ses barons dont est accusée son innocente infimière,
fait resurgir un être cher pourtant incapable d'être là où elle
apparaît... Autant d'éléments qui dirige les soupçons de Daredevil
contre un des premiers adversaires qu'il a rencontré depuis que Waid
écrit ses aventures. Mais là encore, l'auteur réserve une surprise à son
héros et ses lecteurs.
La confrontation finale entre Daredevil et Coyote est spectaculaire et
jubilatoire à souhait, mais s'avère n'être qu'une étape supplémentaire
dans ce qui est désormais clairement une saga plus ample, plus
souterraine : nous devinons en effet que tous les ennuis que traverse
"Tête à cornes" depuis son retour à New York et la reprise de ses
activités de juriste et de justicier est une opération dirigée par un
mystérieux comploteur. Comment ne pas avoir envie de connaître la suite
(et fin) de cet acte ?
Encore une fois, Mark Waid et le dessinateur Chris Samnee délivre une leçon de narration avec ces épisodes palpitants et sombres, mais qui savent se détacher des imposantes ombres tutélaires de Miller, Nocenti, Bendis et Brubaker.
Encore une fois, Mark Waid et le dessinateur Chris Samnee délivre une leçon de narration avec ces épisodes palpitants et sombres, mais qui savent se détacher des imposantes ombres tutélaires de Miller, Nocenti, Bendis et Brubaker.
Ce qui distingue ce run des précédents, c'est justement un goût plus
prononcé pour l'action, l'aventure, au-delà de l'influence "série
noire". Cet arc en est la brillante démonstration avec ces éléments
fantastiques intégrés à une intrigue perverse, ses effets savamment
dosés qui empruntent plus aux codes traditionnels des super-héros qu'à
ceux du polar déguisé par le folklore super-héroïque.
Une grande part du mérite de cette réussite est dûe à la contribution de
Chris Samnee, qui produit un fantastique travail depuis son arrivée sur
le titre (tout en permettant, au passage, à la série, d'avoir un
artiste capable d'aligner plus de trois épisodes d'affilée - et ce en
les dessinant mais aussi en les encrant, à partir d'un script écrit
selon la méthode Stan Lee, soit un découpage très libre sur lequel sont ajoutés des dialogues).
Une des raisons pour lesquelles je crois qu'on tient là un des meilleurs
comics actuels, meilleur même que durant les épisodes illustrés par
Paolo Rivera et Marcos Martin (qui, ne vous méprenez pas sur mon
jugement, sont quand même deux très grands artistes), c'est qu'il existe
entre Waid et Samnee cette alchimie qui fait les grandes séries, qui
signe les grands runs : ils travaillent simplement mieux ensemble, ils
donnent le meilleur d'eux-mêmes ensemble. Il s'agit davantage d'une
synergie et d'une énergie produites par ces deux créateurs que d'une
simple et belle collaboration comme lorsque Rivera et Martin
accompagnaient Waid. C'est, disons-le, même si l'expression est un
cliché, la magie de la bande dessinée en action quand un auteur et un
artiste sont si évidemment sur la même longueur d'ondes, le scénariste
stimulant le dessinateur qui cherche à servir au mieux le script.
Le cliffhanger de l'épisode 21, qui clôt ce recueil, ajoute à
l'impatience de découvrir la suite. Chaque épisode est bon (très bon
même), rien n'est en trop mais rien ne manque, la piste que suivent les
auteurs donne envie de connaître le prochain chapitre, la trame générale
qui se révèle progressivement est très prometteuse. Que demander de
plus - sinon que ça dure !
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