J'étais, je dois le dire, assez curieux et impatient de découvrir cette nouvelle itération de la Justice League car il m'a toujours semblé qu'à l'origine les Teen Titans devaient, dans une histoire dystopique, incarner la relève. Je crois que c'était le souhait de Marv Wolfman et George Pérez à l'époque de leurs New Teen Titans, mais cela n'a jamais été converti (malgré l'intégration à la Ligue de personnages comme Cyborg durant les New 52).
Future State rebat les cartes en mettant en avant des héritiers de sang ou d'esprit des membres de la Ligue de Justice. C'est une autre option, aussi logique, plus organique, plus naturelle diront certains. C'est en tout cas l'ordre de mission qu'a accepté le scénariste Joshua Williamson, qui vient d'achever un très long run sur la série Flash - et qui, peut-être, espérait récupérer la série Justice League en Mars (mais ce sera Brian Michael Bendis).
Pour le soutenir, on lui a adjoint les services de Robson Rocha, qui a brillé sur Aquaman et s'est échauffé avec les membres de la Ligue classique durant les numéros tie-in à Death Metal. DC ne se moque donc pas des lecteurs avec un tandem de cette qualité (même si Rocha ne dessinera pas non plus la JL en Mars : ce sera David Marquez).
Comme Future State : Justice League ne comptera que deux numéros, il ne faut pas perdre de temps pour présenter les protagonistes et exposer l'intrigue. Williamson le fait avec brio : c'est à la fois dense et fluide, très rythmé et bien caractérisé. Il faut attendre les deux dernières pages pour connaître l'identité de ceux qui ont raison de cette nouvelle génération de leaguers, et l'astuce est habile même si elle n'est pas originale.
Williamson se montre surtout très fort pour personnaliser ses héros. On appréciera surtout comment il écrit Yara Flor, bien moins horripilante qu'avec Joelle Jones. Il introduit aussi un nouveau speedster avec Kid Quick, dont la particularité est d'être transgenre (bien que ça n'ait aucune importance majeure, si ce n'est que ce personnage a, apparemment, une relation avec Aquawoman). Ce qui est aussi intéressant, ce sont les codes que s'est imposée cette nouvelle Ligue : persuadée que la chute de leurs prédécesseurs venait de leur trop grande proximité, elle prohibe désormais toute fraternisation ou romance entre ses membres. Williamson joue aussi sur un mystère accrocheur en suggérant qu'un membre de la Ligue a trahi les siens dans le passé, précipitant leur disparition.
Rocha a un style influencé, comme beaucoup d'artistes réalistes, par Neal Adams et, plus récemment, Ivan Reis. Cela se traduit par des personnages en majesté, dotés d'une allure à la fois athlétique et gracieuse. Son trait est expressif, bien mis en valeur par l'encrage de Daniel Henriques avec qui il collabore depuis un moment. Ses planches sont très vivantes, bénéficiant de décors soignés (un plan impressionnant sur la ville futuriste, ou l'intérieur du phare habité par Aquawoman).
Grâce à Rocha, on n'a jamais l'impression de regarder des versions rajeunies des héros classiques, mais bien des héros à part entière, avec un vrai charisme. Pour un peu, ces héritiers voleraient presque la vedette à leurs parents ou leurs inspirateurs. Et les méchants ne manquent pas de gueule non plus, d'autant que Williamson a donné du biscuit à Rocha avec deux Légions Fatales.
Quand c'est ainsi, si bien maîtrisé, on regretterait presque que l'opération Future State ne dure que deux mois. Mais le succès de la première salve de numéros aurait, parait-il, incité DC à avoir des projets pour tous ces nouveaux héros au-délà du mois de Février...
Ram V doit être un peu partagé concernant le sort de Justice League Dark : il a repris le titre à la suite de James Tynion IV, qui lui a laissé une intrigue à conclure (et donc peu de liberté), DC lui laisse la direction du titre pour Future State, mais en back-up de Justice League et cette situation ne bougera pas en Mars puis que la série perd sa revue.
Pourtant le scénariste ne se plaint pas, au contraire, il semble inspiré par ces contraintes et prévoit déjà de se servir de ces deux épisodes pour préparer le retour de la JLD au présent. Et il se montre inspiré car désormais débarrassé des éléments narratifs abandonnés par Tynnion IV.
Située dix ans avant celle de Justice League, son intrigue permet d'abord d'apprécier une période de transition. Les héros de la magie sont persécutés, victimes d'une nouvelle chasse aux sorcières menée par Merlin. On est donc dans une ambiance proche de celle de The Next Batman, mais avec la certitude que les lendemains seront meilleurs comme le montre Justice League.
Comme Joshua Williamson, Ram V n'a pas beaucoup de temps ni de place pour nous présenter les faits. Il décide donc de se concentrer sur peu de personnages, avec Zatanna et Bobo au premier plan. Il introduit des seconds rôles qu'il apprécie visiblement, comme Etrigan (dont Bobo est désormais l'hôte !) ou Ragman (avec une transformation spectaculaire à la clé). John Constantine est également dans les parages, comme Madame Xanadu et enfin Dr. Fate.
Tout l'épisode procède ainsi : avec chaque nouveau personnage,, l'intrigue avance, rebondit. L'ennemi est connu : Merlin. La menace aussi : le magicien veut tous les pouvoirs de ses semblables. La solution : le Dr. Fate, qui a réfléchi à une contre-attaque en se cachant habilement. Ram V est décidément malin : il ne révolutionne rien mais à l'art et la manière de vous prendre par la main et ne plus vous lâcher.
Avant l'arrivé en Mars de l'excellent Xermanico au dessin, DC a confié à Marcio Takara le soin d'illustrer cette histoire. Takara va et vient ainsi de Marvel à DC pour dépanner les éditeurs sur des titres dont l'artiste régulier a du mal à tenir les délais ou est placé ailleurs.
Sa prestation est très satisfaisante même si on pourra toujours lui reprocher de manquer un peu de finitions, notamment dans les décors. L'encrage chez Takara pèche toujours, on sent que ce n'est pas ce sur quoi il passe le plus temps, et c'est dommage car son dessin est agréable, capable de s'adapter à n'importe quel genre. Il suffit de voir comment il compose une pleine page quand Bobo invoque Etrigan ou découpe une double page lorsque Ragman se déchaîne contre les chasseurs de Merlin pour savoir que Takara a un vrai bon coup de crayon.
C'est en tout cas un excellent complèment de programme.
Pas de doute, Future State s'impose déjà dans le top des publications de ce projet.
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