Avec Ram V et Otto Schmidt aux manettes de ce Future State : Catwoman, peu de risque de tomber sur une mauvaise surprise. Et c'est effectivement un plaisir à lire. Bien que cette mini-série ne bouleverse pas les habitudes prises pour cet événement, on n'en veut pas aux auteurs qui maîtrisent parfaitement leur sujet. C'est parti pour la première partie d'une aventure mouvementée.
2025. Gotham. Les habitants du quartier de Alleytown sont déportés sur ordre du Magistrat car considérés comme potentiellement dangereux. En effet, dans cette zone de la ville, on croit encore que Batman est en vie et certains se révoltent jusqu'au bout contre ce déplacement.
Mais dans le train qui embarque ces passagers cette nuit-là se trouve quelque chose que convoîte Catwoman, qui continue d'agir dans la clandestinité. Elle s'appuie sur deux complices et, en moto, via un tremplin, elle atterrit sur le toit du véhicule, dans lequel elle pénètre en neutralisant deux gardiens.
Grâce à des comparses à l'intérieur, elle peut progresser vers un compartiment mais doit affronter plusieurs autres gardes, dont elle a peu de mal à se défaire. Elle libère un détenu qui l'aide à repousser d'autres vigiles. Mais désormais sa présence est repérée par le responsable du convoi.
C'est dur de ne pas spoiler l'identité réelle de Mme Canorus, mais je me retiens car la surprise vaut la peine d'être préservée. Ce qu'on peut dire, en revanche, c'est que Ram V accomplit une fois encore un sans-faute avec cet épisode.
Depuis qu'il a pris en main la destinée de Catwoman dans sa série normale, le scénariste a fait rapidement la preuve qu'il était l'homme de la situation. Malgré tout, on pouvait s'interroger sur sa faculté à conserver son inspiration dans le contexte futuriste imposé par Future State.
Parce qu'on ne change pas une formule qui gagne, Ram V va droit au but. Pour la plupart des titres de cet event, l'exercice d'écriture s'apparente à celui d'une nouvelle, tout doit être dit en deux, voire quatre épisodes, donc il ne faut pas traîner mais quand même élaborer une intrigue qui captivera les lecteurs et les surprendra parce que l'époque à laquelle elle se déroule modifie la perspective.
Le pitch est simple et c'est un classique du genre : on est dans une heist story, un braquage en bonne et due forme, mais l'originalité ici réside dans le fait que Catwoman ne va pas attaquer un train avec un butin mais avec un passager bien précis. C'est donc aussi une opération de sauvetage. Pour coller à la période, l'héroïne est désormais habillée d'une combinaison gadgetisée adaptée au défi qu'elle s'est lancé. Toutefois, les fondamentaux sont respectés et ce sont surtout ses talents d'acrobate et de combattante qui vont permettre à la féline de briller.
Il y a quelque chose de grisant dans la manière dont Ram V écrit Catwoman, il ne force jamais le trait et réussit à faire en sorte que l'héroïne soit naturellement féminine, séduisante mais aussi efficace, dominant son sujet. Comme quoi, contrairement à cette mode stupide qui pousse les éditeurs à confier des héros noirs à des auteurs noirs, des héroïnes à des scénaristes féminines, etc, Ram V démontre qu'il s'agit surtout de bien comprendre son personnage pour le traiter à sa juste valeur. Ce n'est pas une question de sexe mais de compétence narrative.
On peut dire la même chose à propos d'Otto Schmidt. Pour le fan que je suis, qui suis son travail sur Twitter et qui se régale de chacun de ses dessins, Schmidt figure parmi les tout meilleurs artistes du moment, en particulier quand il s'agit d'animer un personnage féminin. Le dessinateur sait, avec une facilité déconcertante, les représenter avec ce qu'il faut de classe et de malice, de force et de grace, grâce à un trait léger, aérien, incroyablement fluide et spontané.
Les images de Schmidt ont la fraîcheur des esquisses mais la solidité d'une narration graphique éprouvée. Il est capable de poser un décor en un plan d'ensemble et une ambiance puissante. La vision de ces habitants du quartier d'Alleytown qu'on pousse dans des wagons de train est glaçante car elle renvoie aux convois de déportés. L'ambiance est posée.
Mais, parce qu'on reste dans du divertissement, au lieu de sombrer dans une noirceur complaisante, suivant le script, Schmidt évolue ensuite dans un registre bondissant qu'il adore. Les pirouettes et les corrections qu'administre Catwoman aux méchants gardiens du train sont chorégraphiées à merveille, sans effort apparent. On progresse avec Selina Kyle dans les couloirs du véhicule sans savoir ce qu'on va y croiser ni ce qu'elle cherche. Quand, enfin, on découvre que Mme Canorus touche au but avant Catwoman, on saisit ce que les deux femmes ciblent - mais sans être sûr de savoir si elles travaillent ensemble, ce qui donne envie de lire la suite.
Bref, on se régale. Et on se dit aussi que les plus belles réussites de Future State sont certainement ces titres en marge de l'event, excentrés, qui jouent la carte du divertissement pur ou du hors sujet. L'ombre du Magistrat plane dessus sans les écraser et laisse ainsi les auteurs plus libres.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire