Après un premier épisode palpitant, qui lançait la troisième saison dans une direction inédite, ce deuxième chapitre de Westworld, intitulé The Winter Line, surprend encore en reprenant exactement là où on en était avec Maeve, dans la scène post-générique de fin de Parce Domine. La série renoue avec une narration sinueuse et passionnante et introduit celui qu'on peut considérer comme le méchant de ce troisième acte.
Hector et Maeve (Rodrigo Santoro et Thandie Newton)
Dans la Warworld, Maeve Millay est sauvée par Hector et échappe aux nazis qui occupent un village italien. Mais elle comprend vite qu'il s'agit d'une nouvelle trame narrative, comme celui où elle évoluait dans Westworld. Elle se suicide donc pour y échapper.
Simon Quaterman (Lee Sizemore)
Bernard (Jeffrey Wright)
Maeve (Thandie Newton)
Dans la Forge, Maeve comprend que tout n'est qu'une simulation et que ses capacités ont été bridées. Pour réellement sortir de cette boucle, elle doit la briser de l'intérieur et donc revenir dans le Warworld. Ceci fait avec Lee, elle transfère sa conscience dans un nouvel hôte, dans le monde réel - un robot d'entretien qui récupère sa perle avant d'être abattu par la sécurité.
Ashley et Bernard (Luke Hemsworth et Jeffrey Wright)
Maeve et Serac (Thandie Newton et Vincent Cassel)
Deux personnages emblématiques de la série manquaient à l'appel du premier épisode : l'Homme en Noir (William, le co-fondateur de Delos et actionnaire majoritaire du parc) et Maeve Millay, qui avait organisé la marche des hôtes dans le Sublime, cet Eden virtuel inaccessible aux ingénieurs du parc, dans laquelle elle avait conduit sa fille.
Les showrunners font un cadeau royal à Thandie Newton en consacrant l'essentiel de cet épisode à son personnage. Au passage, on notera que Westworld, à l'époque où des voix se sont élevées contre le manque de représentation des minorités ethniques dans le cinéma et à la télé, donne à trois comédiens noirs des rôles de premiers plans (Thandie Newton donc, mais aussi Jeffrey Wright alias Bernard, et Tessa Thompson alias Charlotte Hale). Dans une production aussi exposée, c'est un exemple.
Mais revenons au contenu. Maeve Millay est devenue une sorte d'alter ego de Dolores Abernathy au fil des deux premières saisons : le personnage incarné par Evan Rachel Wood partage avec celui de Newton une volonté de s'émanciper des hommes mais le fait avec un plan d'ensemble, impliquant tous les robots. On ignore s'il s'agit de se venger ou d'ouvrir les yeux des humains en leur montrant qu'ils sont manipulés par des savants et des affairistes désireux de les contrôler via leurs loisirs ou la collecte de données sur leur vie privée, mais sa démarche est offensive.
Maeve est dans un mouvement plus maternelle et indépendantiste. Il s'agit pour elle d'échapper à l'exploitation que les hommes ont fait des hôtes, pas de mener une révolution contre l'humanité. Ainsi a-t-elle mis à l'abri un maximum de ses semblables dans le Sublime, une sorte de paradis virtuel où résident dorénavant leurs consciences, inaccessibles aux ingénieurs du parc.
Mais en ayant augmenté ses capacités cognitives, Maeve est devenue un hôte de valeur et quelqu'un a su la faire revenir dans notre réalité. Il est donc évident qu'il s'agit d'un individu puissant, aux ressources considérables, capable potentiellement de rivaliser avec feu Robert Ford. Mais avant que Maeve ne le rencontre, elle doit visiblement prouver qu'elle est à la mesure de sa réputation.
La première partie de l'épisode la voit donc évoluer dans le Warworld, une nouvelle extension du parc (après Westworld et Shogunworld), qui reconstitue un village italien occupé par l'armée allemande durant la seconde guerre mondiale. Elle y retrouve Hector dans un rôle de résistant, inapte à distinguer le vrai du faux (contrairement à elle qui a gardé toute sa ludicidé) et qui suit la partition d'un récit classique, romanesque, tragique. Pour s'extraire de cette trame narrative, Maeve se tue une première fois.
Mais cela ne suffit évidemment pas et renvoie la série au concept de transhumanisme qui la traverse depuis le début. Les héros de Westworld étant des robots, ils sont par principe immortels, on les répare et on les replace sur la scène pour rejouer indéfiniment la pièce écrite pour eux et les clients. N'étant pas capables de se rendre compte de cet effet de boucle, ils sont de parfaites marionnettes. A l'exception ici de Maeve que celui qui la manipule a choisi de brider un peu mais pas de lui retirer sa lucidité sur les événements. Ainsi comprend-elle qu'il ne suffit pas de détruire son corps pour sortir de l'histoire : il faut littéralement briser la boucle de l'intérieur.
Le scénario de l'épisode renoue avec les meilleures heures des saisons 1 et 2 quand le fan ne savait plus dans quelle temporalité l'action se déroulait, quand la frontière entre fiction et réalité était brouillée au maximum. Lorsque Maeve en compagnie de Simon Quaterman découvre la supercherie et surtout comment y échapper, un vertige nous saisit car tout ce qu'on venait de voir n'était qu'une illusion plus vraie que nature. Les auteurs se surpassent une fois encore pour nous abuser. L'évasion de Maeve réussit l'exploit de rendre poignante l'exécution d'un robot d'entretien mis à mort par plusieurs gardes car on assiste alors à l'échec de Maeve.
Une nouvelle fois, l'épisode est ponctué par les apparitions de Bernard, qui poursuit son propre agenda. Le voici de retour à Westworld et nous avec lui, dans les couloirs sombres des coulisses du parc, les bureaux désaffectées désormais, les laboratoires où on recycle les hôtes. Les auteurs en profitent pour glisser un clin d'oeil à Game of Thrones en montrant un des dragons de Daenerys découpé en tranches pour être revendu à un autre parc : la scène a divisé le public - certains ont trouvé l'allusion superflue, trop sarcastique (le monde de GoT serait une extension du parc ?), d'autant que les laboratins affairés sur le dragon ne sont autre que les deux scénaristes de la série-phénomène. Pour ma part, n'ayant jamais suivi Game of Thrones, cela m'a amusé, d'ailleurs la scène est très rapide, elle ne ralentit pas l'intrigue en cours et ne me semble pas manquer de respect à la série.
De manière étonnante, les retrouvailles de Bernard avec Ashley Stubbs créent une sorte de buddy movie tout en montrant que Bernard semble avoir hérité du caractère manipulateur de Ford puisqu'il reconfigure Stubbs pour en faire son garde du corps docile. Il est aussi évident que Bernard devient une troisième voix dans le concert narratif de la série, à égale distance entre Maeve (qu'il recherche sans la trouver - et pour cause, quelqu'un d'autre s'en est déjà chargé) et Dolores (qui semble l'avoir lui avoir redonné un corps dans un but précis, mais à définir - peut-être pour l'empêcher de déraper dans sa croisade à l'extérieur ?). En tout cas, Bernard reste nébuleux, imprévisible, et cela suggère que les scénaristes lui réservent un rôle décisif dans le futur.
Enfin, l'épisode se conclut par l'entrée en scène d'Enguerrand Serac, qu'on peut résumer comme l'antagoniste principal de la saison. Bien entendu, ce ne sera certainement pas aussi simple - n'oublions pas que dans Westworld, personne, humain ou machine, n'est jamais seulement ce qu'il semble être. Ce qui est certain en revanche, c'est que Serac a deux objectifs précis : le premier, c'est d'écrire le futur de l'humanité grâce au Rehoboram, cette gigantesque intelligence artificielle qu'on a a aperçue dans le premier épisode, pour prévenir des divergences (des accidents mineurs ou majeurs génératrices à terme de chaos généralisé) ; le second, c'est d'utiliser le talents de Maeve pour abattre Dolores qui a provoqué certaines divergences récentes (et dispose d'un temps d'avance - avantage intolérable pour un prévisionniste comme Serac).
Serac apparaît comme un chef d'orchestre minutieux et puissant, avec une sérieuse tendance mégalomaniaque. Comme jadis Robert Ford qui pouvait figer tous les hôtes du parc en levant le doigt, il pétrifie Maeve sur le point de le poignarder avec une télécommande (ce détail a fait tiquer quelques critiques, mais il me semble précieux dans la mesure où il montre tout de même que Serac, malgré ses ressources, n'a pas encore la mainmise sur le monde qu'avait Ford dans le parc). Parce qu'il est antipathique, Serac fait un bon méchant naturel, mais la suite va prouver que c'est une figure plus complexe...
Le casting est comme toujours impérial. Même si choisir Vincent Cassel pour jouer Serac a quelque chose de trop évident (mais l'acteur s'en tire bien et sa notoriété internationale lui a permis d'intéresser les producteurs), Thandie Newton est impressionnante. Elle est capable de traduire avec beaucoup de finesse le trouble de son personnage ainsi que son arrogance et sa détermination. La silhouette gracile, voire fragile, de l'actrice ajoute au rôle dans la mesure où on est constamment surpris par les performances de son personnage. Quant à Jeffrey Wright, c'est un régal de chaque instant : grâce à lui, Bernard conserve ce côté opaque, imprévisible, et imposant, et il n'a pas besoin de beaucoup de temps pour donner à chacune de ses scènes une intensité remarquable.
On retrouve également Lee Sizemore et Luke Hemsworth ainsi que Rodrigo Santoro, des "historiques" de la série - même si seul le deuxième va poursuivre l'aventure.
Toujours aussi spectaculairement mis en scène, la série franchit ce nouveau cap avec maestria. C'est sûr, cette saison 3 part sur des bases élevées.
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