Comme ce n'est pas le temps libre qui manque, j'ai donc décidé de rédiger la critique de la saison 3 de Westworld (qui comptera seulement huit épisodes). Mais plutôt que d'attendre la fin de la diffusion, j'ai préféré consacrer une entrée pour chaque épisode. J'ai de l'avance puisque je viens de voir le quatrième chapitre hier. J'espère surtout que ce format critique permettra de rendre la lecture de ces articles plus digeste, même si cette saison semble moins touffue, moins complexe que la précédente.
En avant donc pour Westworld III;
En avant donc pour Westworld III;
Le show créé par Jonathan Nolan et Lisa Joy revient après une longue absence et dans un contexte particulier. En effet, pour HBO, désormais sans Game of Thrones, Westworld est un peu la série de prestige de référence. Mais c'est aussi un défi pour ses auteurs car, au terme de la saison 2, les hôtes du parc se sont rebellés dans un bain de sang et Dolores Abernathy s'en est échappée avec le projet de se venger des humains. La série va-t-elle réussir à rebondir dans cette nouvelle configuration ? Ce premier épisode prouve en tout cas que l'histoire est loin d'être terminée et a de la ressource.
Dolores Abernathy (Evan Rachel Wood)
Caleb Nichols (Aaron Paul)
Bernard Lowe (Jeffrey Wright)
Charlotte Hale (Tessa Thompson)
Dolores
Scène post-générique de fin : Maeve se réveille dans Warworld, une nouvelle extension du parc, reconstituant l'occupation allemande d'un village en Italie, dans lequel elle joue une résistante.
Même si j'avais été impressionné par le niveau de la fin de la saison 2, il faut bien avouer qu'il fallait s'accrocher pour ne pas s'y perdre, avec des substitutions d'êtres humains par des répliques androïdes, l'évasion de Dolores avec la conscience de plusieurs hôtes dans des perles, la disparition de Maeve dans le Sublime (une sorte d'Eden virtuel pour la conscience des robots du parc).
On n'était sûr que de quelques éléments : Dolores Abernathy donc réussissait à quitter le parc au nez et à la barbe de tous, Charlotte Hale était remplacée par une réplique androïde à son image mais avec la conscience de quelqu'un d'autre, Bernard était accusé d'avoir organisé le massacre et était en cavale, l'Homme en Noir/William semblait avoir perdu la raison en ne distinguant plus les vrais humains des robots.
Encore plus certain : la saison 3 de Westworld se déroulerait donc hors du parc. Un pari risqué tant l'identité de la série s'appuyait sur son décor. Mais aussi une formidable opportunité pour entrainer l'intrigue sur un nouveau terrain, avec de nouveaux enjeux.
Jonathan Nolan et Lisa Joy, les showrunners de la série, prouvent avec ce premier épisode qu'ils ont su rebondir et qu'ils ont encore des cartouches à tirer. Surtout ils osent effectivement emmener leur saga ailleurs, avec un ton différent, plus direct, plus tourné vers l'action, même si on se doute qu'ils ne se contenteront pas de dérouler simplement le fil de leur récit (après avoir vu le quatrième épisode hier, je peux déjà vous confirmer que de jubilatoires surprises sont au programme...).
Cette volonté manifeste de faire plus simple se traduit aussi par le format de cette saison 3 qui ne compte que huit épisodes. J'ignore si cette réduction a été imposée par HBO, échaudée par les critiques concernant la conclusion de la saison 2 (et sa complexité), ou bien résulte d'une envie de resserrer les boulons, mais je penche pour la seconde option.
Ce premier épisode, dont le titre en latin veut dire "Pardonnez à votre peuple", se concentre largement sur le personnage de Dolores Abernathy, la plus ancienne hôte de Westworld, qui a mené la révolution des robots contre les hommes dans le parc, en ayant été "upgradé" par son co-fondateur, l'ingénieur en chef Robert Ford (joué par Anthony Hopkins) - qui désirait offrir à ses créatures leur émancipation. La jeune androïde est sortie du parc en emportant avec elle cinq perles - cinq petites sphères contenant la conscience de cinq hôtes, avec un projet suggérant son envie de se venger de la race humaine. Jusqu'à quel point ? Mystère. A moins qu'il ne s'agisse moins de vengeance que d'émancipation là encore : Dolores prolongerait le rêve de Ford en libérant les humains de leur asservissement à la technologie et en leur enseignant le respect des machines.
La caractérisation du personnage de Dolores est une série dans la série et cette saison 3 nous la montre comme une sorte d'ange exterminateur, qui a élaboré un plan sophistiqué, résolue à le mener à bien en usant de tous ses atouts. Elle séduit, tue, manipule, conspire, et dispose à l'évidence d'une avance redoutable sur des adversaires encore invisibles mais bien présents. Sa première cible est la compagnie Incite, qui collecte les fichiers des clients du parc, et dont plusieurs actionnaires avaient investit dans l'exploitation de Westworld.
Le chemin de Dolores croise sur la fin celui de Caleb Nichols, un nouveau venu dans la série. Il s'agit d'un vétéran de l'armée américaine, ayant été confronté à la mort et à la maladie, et qui survit en devant à la fois s'occuper d'une mère diminuée et composer avec la perte d'un ami militaire. Il travaille sur des chantiers de BTP en compagnie d'un assistant robot mais n'a aucune vie privée. Pour payer les frais médicaux de sa mère, il accepte des contrats criminels via une application, Rico. Ce dernier point est important car c'est par ce biais qu'il croisera Dolores en fâcheuse posture. La manière dont le script organise la rencontre des deux personnages est virtuose, d'une fluidité imparable, dans une séquence spectaculaire, avec une réalisation exceptionnelle.
Comme des ponctuations, l'histoire permet de retrouver deux autres évadés de Westworld. Le premier est Bernard, le bras-droit androïde de Ford, qui est désormais en cavale car soupçonné d'avoir mené la révolte sanglante dans le parc. Il se cache en Asie du Sud-Est sous un faux nom mais doit vite reprendre la fuite et se résoudre à retourner à Westworld pour contrarier les plans de Dolores. Néanmoins, on le devine affaibli, ou au moins altéré par les expériences passées : muni d'une télécommande, il se déchaîne violemment quand il sait sa vie en danger, et surtout il est devenu l'ennemi public numéro un, obligé de manoeuvrer dans la clandestinité. En peu de scènes, les scénaristes parviennent là aussi à donner une densité incroyable au personnage.
Le second fugitif de Westworld est dans une position nettement plus favorable puisqu'il s'agit de Charlotte Hale. Ou du moins celle que l'ont prend pour Charlotte Hale puisqu'à la fin de la saison 2, Dolores a tué l'administratrice de Delos et a fabriqué une réplique à son image en la dotant d'une conscience. Mais la conscience de qui ? Le msytère reste entier (mais la réponse est donnée dans l'épisode 4 et s'avère diablement jouissive). En l'absence de William, "l'Homme en Noir", elle dirige donc Delos et, à la surprise du conseil d'administration, parle déjà de rouvrir le parc en justifiant ce choix par le fait que ce ne sont pas des hommes qui ont tué le personnel de Westworld mais des robots. On appréciera l'ironie puisque Charlotte Hale est actuellement un robot. Bien qu'on ne la montre à aucun moment en contact avec Dolores, il est évident que cette Charlotte agit avec elle, à découvert puisque à l'insu de tous, insoupçonnable, et donc pour un projet d'envergure, en profitant des ressources considérables de Delos (même si la société a été impactée économiquement et médiatiquement par le massacre dans son parc).
Fidèle à ses fondamentaux, malgré une tonalité différente, un cadre inédit, des enjeux encore nébuleux mais ambitieux, la série se déploie dans ce troisième acte à un rythme très soutenu, avec une part belle à l'action. On suit Dolores en se questionnant sur son objectif, mais on apprécie aussi la disposition des pièces de cet échiquier. C'est passionnant, comme si la série se "rebootait", redémarrait.
La production est somptueuse et on mesure la qualité HBO, sans commune mesure avec les autres médias. A côté, les séries originales Netflix font pâle figure (seule The OA tenait la comparaison et la plateforme a annulé ce show de manière brutale et inexpliquée). Tout ici témoigne d'une exigence folle, le spectateur n'est pas pris pour un demeuré mais en prend plein les mirettes. Les effets spéciaux sont superbes et les décors naturels (le tournage a eu lieu à Singapour mais aussi à Valence, l'architecture des deux villes créé un futur - on est en 2058 - fascinant et crédible, jusqu'au vertige). La réalisation, je le répète, est extraordinaire (voir la séquence finale avec Dolores qui règle leur compte aux sbires de Connels).
Et puis, bien entendu, il y a la classe inégalable du casting. Même si la série a perdu, en sacrifiant massivement des personnages, plusieurs de ses vedettes, il y a encore du beau monde. Et d'abord il y a Evan Rachel Wood : l'actrice est renversante une fois de plus, glaçante en tueuse, glamour en séductrice, implacable en complotiste. Il faudrait un Emmy pour saluer sa composition (et ce, depuis le début).
Nouveau dans la série, Aaron Paul (plébiscité pour son rôle dans Breaking Bad) y fait une entrée en force. Fragile, tendu, il électrise chacune de ses apparitions dans la peau de cet soldat abîmé par la vie, écrasé par ses conditions de vie. Son tandem avec Wood, qui est une attraction attendue de cette saison, promet énormément.
Enfin, Jeffrey Wright et Tessa Thompson complètent le tableau. Le premier en impose sans forcer dans la peau de Bernard, opaque à souhait mais impressionnant quand il se déchaîne. Quant à la seconde, les producteurs semblent avoir compris qu'il avait avec elle une comédienne promise aux sommets au cinéma et à laquelle il fallait impérativement donner plus de biscuit. Elle instille un trouble épatant en jouant une copie de son personnage initial.
Certains regrettent le cadre western et décrocheront sûrement, par paresse ou nostalgie, avec cette nouvelle saison. Pourtant, je vous le dis, ce serait une erreur car Westworld revient fort, très fort, se réinvente tout en se prolongeant. C'est bluffant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire