Le pénultième épisode de la saison 3 de Westworld est celui des explications, à tous les niveaux. On apprend tout du passé de Caleb (qui a alimenté bien des discussions dans la communauté des fans de la série), mais c'est aussi l'heure du duel attendu entre Dolores et Maeve. Le sort de William est, lui, plus sujet à l'interprétation de chacun et va donc prêter à de nouveaux débats. En tout cas, cela annonce et promet un final palpitant. Avant la saison 4, officiliasée par HBO !
Musashi/Sato et Clementine (Hiroyuki Sanada et Angela Sarafyan)
Jakarta. Musashi/Sato (un hôte de Dolores) reçoit un appel de Charlotte Hale qui l'informe qu'elle a changé de camp et suivre son propre plan. Il comprend qu'elle l'a trahi et il s'éclipse du restaurant où il se trouve. Mais Clementine et Hanaryo (la version Shogunworld d'Armistice), toutes deux refaçonnées par Serac en appui pour Maeve, surgissent et l'exécutent.
Dolores et Caleb (Evan Rachel Wood et Aaron Paul)
Dolores entraîne Caleb jusqu'à Sonora au Mexique. Grâce à l'implant qu'avait injecté Charlotte à William, elle a pu localiser Salomon, la version précédente du Rehobam conçue par Jean-Mi, le frère de Serac, et installée dans un complexe isolé. Après avoir éliminé les gardes du bâtiment, ils accèdent à l'Intelligence Artificielle qui révèle à Caleb la vérité sur son passé (et ce pourquoi il a été choisi par Dolores dans sa croisade).
Caleb (Aaron Paul)
Ainsi Nichols découvre-t-il que ses souvenirs ont été totalement trafiqués au moyen d'un reconditionnement dans un des centres de rééducation de Serac. Son frère d'armes, Francis, n'est pas mort en Crimée après la capture du chef des insurgés dans la seconde guerre civile russe mais lors d'une mission menée en Amérique où ils ont accepté un contrat lancé via l'application Rico. Lorsque Caleb a compris grâce à leur prisonnier que Francis allait le trahir pour de l'argent, il l'a tué.
Dolores (Evan Rachel Wood)
Caleb comprend que son existence lui a été volé et désormais, comme Dolores, il entend faire payer Serac pour l'avoir manipulé. Mais Dolores doit laisser Caleb poursuivre sa révolution seul car Maeve arrive sur le site pour la tuer. Elle demande à Salomon d'élaborer une stratégie contre Serac en configurant la situation comme Jean-Mi l'avait fait quinze ans auparavant.
Maeve (Thandie Newton)
Tandis que, dehors, Dolores et Maeve s'affrontent âprement, Caleb s'interroge sur les moyens de faire aboutir une révolution qui passera par des pertes humaines collatérales comme celles qu'il a connues en Crimée. Néanmoins son ressentiment est plus fort contre Serac et étouffe ses scrupules. Maeve mutile Dolores qui bat en retraite à l'intérieur du complexe. Elle trouve la force de déclencher une décharge électromagnétique suffisamment puissante pour les désactiver, elle, Maeve et Salomon - juste après que l'Intelligence Artificielle ait transmis ses instructions à Caleb pour atteindre Serac.
Bernard et le profil de feu (?) William (Jeffrey Wright et Ed Harris)
Pendant ce temps, Bernard et Ashley consultent les fichiers des patients de l'asile où ils ont trouvé William. Bernard accède au dossier de William, marqué comme "décédé", après avoir subi le même traitement que celui de Caleb, un des rares survivants de la rééducation. En quittant l'endroit pour gagner une station service où ils récupèrent une voiture, William jure d'exterminer tous les hôtes restants et, ayant mis la main sur un fusil abandonné par le propriétaire de la station, il menace Bernard et Ashley.
En parcourant les premières critiques sur cet avant-dernier épisode, j'ai constaté que la déception dominait car les commentateurs trouvaient son traitement insuffisamment intense en regard des moments-clés attendus.
Pour ma part, je crois qu'avec ce Passed Pawn (une référence à un mouvement d'échecs dans lequel il faut accepter de sacrifier une pièce pour progresser vers un coup décisif) les scénaristes ont en quelque sorte pris les spéculateurs à leur propre piège. Je m'explique.
Westworld est ce qu'on pourrait appeler une série active, participative, dans le sens où elle invite le téléspectateur à anticiper ses évolutions narratives, à hypothéquer sur ses avancées scénaristiques. Après chaque épisode, il est tentant d'imaginer quel sort va être réservé à tel ou tel personnage, comment l'intrigue va tourner, quels zones d'ombre vont être éclaircies, etc. De ce point de vue, la série ressemble à Lost (également co-produite par J.J. Abrams) : remplacer le parc par l'île perdue, les hôtes par les naufragés, les deux camps de rescapés par les androïdes et les humains, et vous verrez que les similitudes ne manquent pas.
Mais Westworld est une machine autrement plus ouvragé que Lost : moins d'épisodes, moins de saisons, moins de questions sans réponses, moins de personnages, des enjeux plus clairs, une philosophie aussi complexe mais mieux structurée. Toute la mécanique ou presque de Westworld a fini dans cette saison 3 par se concentrer sur deux notions : qui est un hôte et qui ne l'est pas ? Et à quel point l'existence des uns et des autres est prédéterminée par des démiurges fous ?
Sur ce second point, la série forme comme une boucle où Serac a remplacé Ford comme archétype du marionnettiste désireux de contrôler le monde en prétendant le sauver, voulant asseoir sa domination sur les humains comme Ford le fit sur les hôtes du parc (avant de s'en servir comme d'une armée contre ses pairs qui avaient décidé de le virer).
Sur le premier point, en revanche, les fans adorent extrapoler sur les destins des protagonistes. Même si j'essaie de rester mesuré, surtout à l'heure de rédiger mes critiques, sur cette tendance, il m'arrive de céder à ce coupable penchant (n'avais-je pas prédit la sortie de scène définitive de William après l'épisode 4 ? C'était précipité comme la suite l'a démontré...). Mais il n'empêche, qu'y a-t-il de plus redoutable qu'un fan contrarié quand il découvre dans le nouvel épisode que ses théories sont fausses, déjouées par des scénaristes plus malins ou, simplement, plus sages, plus logiques, pragmatiques ?
En plaçant Caleb Nichols au coeur de ce septième épisode, les auteurs savaient qu'il leur fallait surprendre plutôt que de contenter les fans. Jusqu'à présent, le personnage demeurait flou : tout laisser supposer que ce qu'on en savait était sujet à caution, de son passé militaire à son identité même. Sur les réseaux sociaux, on pouvait lire les certitudes des fans à son encontre : pour les uns, il s'agissait d'un hôte auquel on aurait greffé la conscience d'un humain ; pour les autres, c'était le frère de Serac. Cette dernière hypothèse était pourtant peu probable, au moins pour des raisons physiques car l'acteur (Paul Cooper) qu'on a vu incarner Jean-Mi (et qui prête sa voix à l'AI Salomon dans cet épisode) ne ressemble en rien à l'interprète de Caleb... On pouvait aussi estimer que Caleb était le récipiendaire de la mystérieuse cinquième perle sortie du parc par Dolores.
Ce n'est rien de tout de cela. Et c'est ce qui rend l'épisode si spécial, à la fois effectivement un peu décevant et plus inattendu car les scénaristes ont préféré jouer une autre carte, laissant au personnage son identité propre et justifiant son rôle. Car, en vérité, l'autre interrogation au moins aussi importante qui concernait Caleb, c'était : pourquoi suit-il Dolores dans sa révolution ? La série ne semblait pas préparer une banale romance entre eux deux (sans doute pour préserver celle que vécurent Dolores et Teddy dans le parc, mais aussi pour souligner à quel point Dolores s'est affranchie, sentimentalement). Pour cela, il fallait donc écrire une origin story véritable à Caleb Nichols.
Le pivot de son histoire est bien sûr la mort de Francis, son frère d'armes lors de la seconde guerre civile en Crimée à partir de 2042 (soit seize ans avant l'action de cette saison 3). Depuis le début, les souvenirs de Caleb sont troubles à ce sujet, il a suivi une thérapie, a affirmé avoir reçu une balle dans la tête durant le conflit, assisté impuissant à la mort de Francis, tenté de se suicider... Mais sa confusion provient-elle d'un choc post-tramuatique lié à la guerre et ses événements tragiques ? Ou à une manipulation mentale - et ourdie par qui ?
L'épisode répond à tout cela. Ce qui peut décevoir, c'est que, contrairement aux espoirs de beaucoup, le destin de Caleb n'est pas lié au parc, aux hôtes, à Dolores. Il l'est en revanche avec Serac puisqu'il a subi un lavage de cerveau dans un des centres de rééducation où ce dernier envoie les outliers, ces individus précipitant les anomalies détectées par Rehoboam et susceptibles de provoquer des catastrophes plus ou moins importants, du désordre social. Là où la scénario se montre le plus habile, c'est dans sa manière d'ajouter aux manoeuvres de Serac l'application Rico : Serac l'a développé pour employer les outliers contre d'autres sujets suspects, une manière de les recycler selon la formule "rien ne se perd, tout se transforme".
L'autre point, particulièrement troublant, intervient dans la dernière partie de l'épisode, quand Bernard et Ashley découvrent un lien inattendu entre Caleb et William. Ils sont en effet répertoriés dans les fichiers du centre de reconditionnement sous le même matricule. L'épisode n'en dit pas plus mais il semble donc avéré qu'il y ait un lien entre l'ex-homme en noir et Caleb. Ce qui ne manquera pas de questionner non plus, c'est que sur sa fiche, William est marqué comme étant décédé durant le traitement de reconditionnement qu'il a subi (alors que Caleb est un des rares à y avoir survécu) : cela signifie-t-il que le William qu'ont retrouvé Bernard et Ashley est un hôte sans le savoir (ou refusant de l'admettre) ? En tout cas, William explique comment il entend être bon désormais et c'est inquiétant puisqu'il veut exterminer tous les hôtes, responsables selon lui du chaos actuel et de sa déchéance (ce n'est pas faux, mais le remède proposé est radical et confirme que William reste dans sa boucle). Lorsqu'il menace à la fin de l'épisode Bernard et Ashley avec un fusil, cela me fait penser que Stubbs va sûrement y passer avant que Bernard n'active son mode "combat" (comme il l'a fait dans le premier épisode de la saison contre ses collègues de la ferme) pour calmer William...
Pour en revenir à Caleb, la colère légitime qu'il ressent et exprime après avoir saisi à quel point Serac a manipulé son existence justifie désormais pleinement qu'il épouse la cause de Dolores. Le recours, pour élaborer une stratégie permettant d'atteindre fatalement Serac, à Salomon (l'extension des prédictions schizophrènes de Jean-Mi, soit une Intelligence Artificielle folle, imprévisible) est vraiment très habile, tout comme le moyen employé par Dolores pour localiser ce super-ordinateur (via Charlotte et William). Ce sont ces trouvailles qui font le sel de la série au moment d'expliquer comment ses héros atteignent tel objectif.
Entretemps on aura eu droit à l'explication, physique, entre Maeve et Dolores, "teasée" abondamment dans les trailers de la série depuis le début de saison. Ce duel tient toutes ses promesses, le combat est brutal et son issue terrible (toutefois, pas d'inquiétude, je ne crois ni à la mort de Maeve ni à celle de Dolores). Encore une fois, c'est une scène d'action superbement réalisée (après celle du début de l'épisode où Clementine et Hanaryo tuent Musashi).
Les acteurs donnent l'impression de s'en donner à coeur joie (même si Ed Harris a confié quelques états d'âme sur son personnage, ignorant s'il était un hôte et doutant de son changement de but). Evan Rachel Wood est particulièrement, une nouvelle fois, impressionnante (et je dois le dire, très sexy) en ange de la mort. Thandie Newton a un peu plus de mal à s'imposer en Maeve mode killeuse vengeresse. Par contre Aaron Paul est formidable en Caleb, complétement ébranlé par ce qu'il découvre sur lui-même : il livre une composition habitée sans surjouer.
Tout est en place pour un final explosif. Et fort heureusement, entre les épisodes 6 et 7, HBO a annoncé le renouvellement de la série pour une saison 4 !
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