Il est étonnant/épatant de constater à quel point les séries X-Men et X-Force se répondent/se complètent. J'ignore si c'est parce que Jonathan Hickman et Benjamin Percy communiquent beaucoup pour accorder leurs violons, mais avec cet épisode on mesure le degré de complicité entre les deux titres. Une nouvelle fois, mais avec un récit moins trépidant, le résultat est excellent, et même Stephen Segovia suppléé avec talent Joshua Cassara au dessin.
Le Fauve dirige l'X-Force depuis son poste de commandement sur Krakoa. L'équipe, elle, est en manoeuvre en Terra Verde, un petit pays d'Amérique du Sud où elle affronte des créatures végétales ayant des humains comme hôtes.
Quelques jours auparavant, le Pr. X a répondu à l'invitation du président de Terra Verde pour y signer un partenariat. Pourtant, la cérémonie a failli tourner au drame quand un commando s'en est pris au dirigeant du pays, mais Black Tom Cassidy s'est interposé.
En examinant le film de cette agression, le Fauve et Sage remarque qu'en vérité les agresseurs ne ciblaient pas le Pr. X ni le président, mais le fils de ce dernier qu'ils ont enlevé. Jean Grey et le Fauve sondent le cerveau du président et découvre qui sont les ravisseurs.
La Terra Verde a élu son président sur la promesse de cultiver et commercialiser sa flore à des fins pharmaceutiques mais aussi militaires. Considérant d'abord Krakoa comme un concurrent, le président a préféré négocier avec les mutants, contre l'avis d'une partie de la population.
X-Force est donc envoyé en Terra Verde pour y libérer le fils du président. Mais celui-ci a en fait mis en scène son enlèvement pour forcer son père à rompre ses relations avec Krakoa. Le Fauve a néanmoins mésestimé la menace...
Lorsque je dis que Benjamin Percy est sur la même longueur d'ondes que Jonathan Hickman, c'est que la lecture de ce sixième épisode de X-Force colle parfaitement avec celle de X-Men #5, sorti également cette semaine. Dans les deux cas, les scénaristes y brossent le portrait d'un leader mutant péchant par excès de confiance.
Intitulé "Le Maître", l'histoire ici se concentre sur Hank McCoy. Dans la scène d'ouverture où on suit la manoeuvre secrète d'X-Force en Terra Verde, le Fauve suit Wolverine, Jean Grey, Kid Omega et Domino à distance et dirige leur opération clandestine en se comparant à un chef d'orchestre, un meneur de jeu - un maître.
Plus loin, alors que l'affaire semble pliée, il affirme sans ciller toujours gagner parce que, tel un prodige des échecs, il joue en ayant toujours cinq coups d'avance. C'est présomptueux et cela s'avère faux puisque rien n'est résolu en Terra Verde lorsqu'on découvre l'état véritable du fils du président de ce petit pays d'Amérique Latine.
Comme Cyclope dans le dernier numéro d'X-Men (qui envoie X-23, Darwin et Synch dans la Voûte au risque de les sacrifier), le Fauve commet une erreur en étant trop sûr de lui et de sa stratégie et de sa direction d'orchestre. Pourtant, on le voit accumuler méticuleusement les données sur et en dehors du terrain, avec un groupe déjà bien entraîné, dans une formation accomplie.
Les informations collectées par Hank McCoy sont partagées avec le lecteur grâce à un des data pages sur l'histoire de la Terra Verde, qui s'est d'abord positionné contre Krakoa parce qu'elle disposait aussi d'une flore exceptionnelle à même de produire médicaments et armements - mais en plus petite quantité et avec une moins bonne distribution que la Nation X. Pour ne pas être complètement perdant, le président a préféré transiger et, reconnaissant la souveraineté de Krakoa, passer un accord commercial avec elle. Mais cette décision n'a pas convenu à tout le monde dans le pays.
Percy tisse une intrigue dense mais fluide dans sa narration bien que la première partie de l'épisode soit un flash-back (relatant la visite du Pr. X et de Black Tom Cassidy en Terra Verde). Ensuite a lieu l'enquête proprement dite sur les circonstances de l'attentat manqué contre le président, l'enlèvement de son fils, la nature des ravisseurs (usant des armes "téléfloroniques" de la Terra Verde). La révélation de la vérité sur les dessous de l'affaire est à la fois terrible et évidente.
Le scénariste insiste surtout sur l'usage de l'X-Force, les libertés prises avec les lois cardinales de Krakoa (en particulier le fait de ne pas tuer des humains, ce qui est de plus en plus dévoyé), et donc des options tactiques prises par le Fauve. La docilité de ses hommes de terrain n'est pas discutée, d'ailleurs on voit mal Wolverine, Domino ou Kid Oméga retenir leurs coups. Par contre Jean Grey, se joignant aux manoeuvres clandestines, cela donne un relief inattendu au personnage, sans atténuer son caractère (elle prévient le Fauve de ne pas la considérer comme sa subalterne).
On pouvait légitimement redouter le moment où Joshua Cassara serait obligé de passer la main puisque la série paraît à une fréquence soutenue (18 épisodes/an sont prévus). D'autant plus que Marvel a choisi Stephen Segovia pour le suppléer et que ce dernier est loin d'être un artiste aussi puissant. En outre, Dean White est lui aussi remplacé par le studio Guru FX à la colorisation.
Mais on est rassuré en lisant le résultat. Segovia livre un très bon numéro avec des planches solides. Certes, il n'a pas le style très incarné de Cassara puisqu'il s'encre de manière plus appliquée et que Guru FX appose des couleurs avec moins d'effets de textures que White.
Pourtant, cela reste très efficace, avec un découpage efficace, simple, sans fioritures. Les personnages sont bien campés. Les décors sont un peu moins bien traités, l'ensemble a un côté plus générique (la Terra Verde n'est pas bien montré alors que sa flore joue un rôle crucial dans l'histoire). L'un dans l'autre, néanmoins, c'est un bon fill-in, qui je l'espère, sera reconduit quand Cassara aura à nouveau besoin de souffler.
Le rythme général de l'épisode est moins trépidant, l'action moins viscérale, mais c'est encore une réussite pour la série qui confirme que les homo superior souffrent surtout d'une suffisance certaine en ce moment.
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