L'arc "The Truth" s'emballe de plus belle avec ce vingtième numéro de Superman. Si Brian Michael Bendis a quelques problèmes de rythme, il compense en multipliant les pistes, toutes intrigantes, à la fois sur le nouveau statut de son héros et les conséquences de la révélation de sa double identité. Riche en action et en scènes à la figuration fournie, l'épisode donne toujours l'occasion d'admirer l'énorme boulot abattu par Ivan Reis, au sommet de sa forme.
Superman affronte toujours Mongul et constate que la partie est pervertie car son adversaire est impossible à raisonner : c'est un conquérant qui profite de la puissance qu'il incarne pour inspirer le doute et la peur chez les soutiens du kryptonien.
Cependant, sur Terre, à Metropolis, à la rédaction du "Daily Star", le débat fait rage sur les responsabilités éthiques de Clark Kent depuis qu'il a admis être Superman. Toutefois, les journalistes suspendent leur discussion en recevant un mail troublant.
Dans ce courriel une vidéo montre Superman, lors de la fondation de l'organisation des planètes unies, se poser en représentant auto-proclamé des terriens. Mais qui lui a permis d'assumer ce rôle ? Superman a d'autres chats à fouetter en essayant toujours de neutraliser Mongul.
Le conquérant a réussi à diviser les notables de l'organisation des planètes unies qui reproche à Superman d'avoir attiré sur eux ses ennemis. Dans la rédaction du "Daily Star", on s'interroge sur l'expéditeur de ce mail tandis que Lana Lang offre d'interroger Superman à ce sujet.
Finalement, les tamaraniens décident de répliquer en dirigeant les canons de leur flotte à la fois contre Mongul et Superman. A Chicago, Lois Lane reçoit la visite à l'hôtel où elle séjourne d'une reporter du "Daily Star" qui l'interroge sur le rôle d'ambassadeur de la Terre endossé par Superman.
En alternant les scènes se déroulant sur le champ de bataille de Mongul contre Superman en présence de plusieurs émissaires des planètes unies et celles dans la rédaction du "Daily Star", le récit écrit par Brian Michael Bendis évite tout ennui ou phénomène de saturation chez le lecteur. En effet, on a à la fois droit à un affrontement épique entre le héros et son adversaire, qui comble les amateurs d'action, et à un débat issu des récentes révélations de Clark Kent sur sa véritable identité.
Le procédé est efficace et permet à Bendis de faire répondre des moments en apparence détachés. Mais en vérité, il s'agit de confiance : celle placée en Superman. Par les dignitaires de l'organisation des planètes unies, qui d'abord effrayés par Mongul considèrent que l'arrivée de ce dernier est imputable à Superman (selon le principe que les héros attirent les ennuis). Et par les journalistes qui estiment que Clark Kent a trompé le monde et leur profession depuis des années en cachant qu'il était Superman.
Bendis évite habilement d'infliger trop de pages d'affilée au combat, ce qui aurait lassé même les plus fervents fans de bourre-pifs, mais aussi trop de pages de dialogues entre journalistes, ce qui aurait ennuyé ceux qui n'apprécient pas les échanges trop fournis et trop théoriques.
Au coeur de l'épisode, surtout, le scénariste glisse une vraie mine avec ce fameux mail contenant la vidéo (filmée par qui ? envoyée par qui ?) lors de la fondation de l'organisation des planètes unies. Superman s'auto-proclame représentant des terriens dans ce concert des nations cosmiques et cela pose question : en effet, de quel droit s'arroge-t-il ce titre ? Il le fait sans avoir consulté personne sur Terre, et surtout sans être lui-même un terrien de naissance.
On peut légitimement s'interroger, même si Bendis allège tout ça avec quelques pointes d'humour bienvenues. Si on ne peut guère suspecter Superman de vouloir jouer un rôle politique unilatéral, si sa bonne foi et ses états de service pour notre planète parlent pour lui, il n'empêche que son attitude a été bien cavalière. En revenant là-dessus, Bendis rend le personnage plus ambivalent, sans doute par excès de zèle plus que par ambition, et finalement sa décision de "sortir du placard" prend une dimension plus trouble (aurait-il prémédité son coup pour occuper une fonction sans en référer à personne ?). Pour préparer la suite de l'affaire, Bendis convoque Lana Lang, amie d'enfance de Clark Kent et reporter au sein d'un journal concurrent du "Planet", ce qui est malin.
L'épisode est aussi fabuleux par sa puissance visuelle et on est ébloui chaque mois par les prouesses graphiques d'Ivan Reis. A la fin de sa prestation sur Green Lantern (écrit alors par Geoff Johns) avec le feu d'artifices que fut Blackest Night, il semblait avoir atteint le pic de son art. Impression confirmée par la suite plus laborieuse : une poignée d'épisodes d'Aquaman, un passage peu concluant sur Justice League, puis Justice League of America... Reis semblait à bout de souffle, incapable de renouer avec son brio passé.
Il semble que, comme beaucoup de ses pairs passé sur un event, le brésilien s'y soit brûlé les ailes et s'être investi dans des team-books n'était pas une solution éditoriale pour qu'il rebondisse (le pire ayant été son épisode et demi sur The Terrifics).
Avec Superman, Reis retrouve toute sa superbe. Illustrer le kryptonien doit ressembler pour lui à ce que lui réclamait Green Lantern : il peut y consacrer toute son énergie sans se disperser tout en ne lésinant pas sur les moyens, soutenu par deux encreurs (Joe Prado, Oclair Albert) et un coloriste qui le comprennent parfaitement (Alex Sinclair).
Le résultat est bluffant. L'intensité qu'il confère aux scènes de baston est soufflante, avec une variété dans le découpage et un engagement épatants. Ses doubles pages sont grandioses. Mais quand il doit dessiner des scènes avec une figuration importante, sans super-héros, Reis convainc aussi par son trait expressif, des cadrages appropriés, des effets bien dosés.
Pour tout cela, la série est un régal, parfois inégale parce que le scénario carbure un peu au diesel mais une fois lancée, rien ne l'arrête.
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