LA RIMBAMBELLE, L'INTEGRALE TOME 1 rassemble les trois premiers albums de la série créée par Roba (avec le concours de Franquin, Joël Azaria et Marcel Denis), publiée par Dargaud en un seul volume en 2001.
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LA RIBAMBELLE GAGNE DU TERRAIN ! est le premier tome de la série, écrit et dessiné par Roba, publié à l'origine en 1965 par Dupuis.
Phil, Archibald, Dizzie, Grenadine, et les frères jumeaux Atchi et Atcha forment une bande de copains. Leur groupe n'admet qu'un seul adulte, James, le majordome anglais au service d'Archie, et a établi son repaire dans un terrain vague où a été abandonné un vieil autobus.
Mais leur quiétude est troublée par deux fâcheux : d'un côté, Tatane et ses deux lieutenants, les Caïmans, des petits voyous plus bêtes que méchants ; de l'autre, Arsène Grofilou, qui veut utiliser le terrain pour y bâtir un immeuble.
Afin d'acquérir l'endroit, les six amis doivent réunir la somme faramineuse de 250 000 francs. Chacun va devoir trouver un job pour gagner cet argent, tout en préservant leur espace des tentatives d'incursion des Caïmans (grâce aux pièges installés par Archie) et en composant contre l'alliance nouée entre Grofilou et Tatane.
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LA RIBAMBELLE EN ECOSSE est le 2ème tome de la série, écrit (avec la participation de Vicq, non créditée) et dessiné par Roba, publié à l'origine par Dupuis en 1966.
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Archibald est dans tous ses états comme le constatent ses amis. En effet, il s'apprête, avec James, à partir pour son Ecosse natale pour une périlleuse mais cruciale mission : il lui faut récupérer le chardon d'or, l'emblème de sa famille, les Mac Dingelling, tombé entre les mains de leurs rivaux, les Mac Klangbang. Les deux clans se disputent la domination sur le domaine de Glenfify depuis une bataille vieille de plusieurs siècles.
La Ribambelle décide d'accompagner Archie et James afin de l'aider dans sa tâche qui promet d'être ardue car la tension est à son comble et tous les coups sont permis.
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LA RIBAMBELLE S'ENVOLE ! est le 3ème tome de la série, écrit par Vicq et dessiné par Roba, publié à l'origine en 1967 par Dupuis.
Le journal "La Clameur Vespérale" lance un concours dont l'objectif est la construction d'un engin volant uniquement mue par l'énergie musculaire du pilote. En jeu : un voyage d'un mois, tous frais payés, aux îles Galopingos !
Archibald convainc la Ribambelle de tenter l'aventure avec Dizzie comme pilote. Mais les Caïmans de Tatane sont aussi sur les rangs, prêts à tout pour gagner, y compris à voler les idées de nos héros et à saboter leur projet - si tant est que ce projet soit réalisable...
Voilà une découverte récente que j'ai faîte et qui m'a conquis. Citez le nom de Roba et tous les amateurs de BD vous répondront qu'il s'agit du créateur de la série Boule et Bill. Comme Peyo (avec Johan et Pirlouit par rapport aux Schtroumpfs) ou Uderzo (avec Astérix par rapport à Oumpah-Pah), cet auteur a vu le succès de sa série la plus célèbre faire quasiment oublié tout ce qu'il a réalisé par ailleurs : c'est regrettable car La Ribambelle est une oeuvre qui mérite d'être reconsidérée.
Un peu d'Histoire : en Décembre 1959, Jean Roba cherche à percer dans la bande dessinée et propose ses services au Journal de Spirou. Yvan Delporte, mythique rédacteur en chef de l'époque, l'aime bien mais pas le patron, Charles Dupuis. Pourtant, grâce à une ruse du premier, Roba réussit à placer ses premières pages de Boule et Bill dans un numéro sans les signer, et Dupuis en les lisant est conquis, réclamant de rencontrer l'auteur. Il accepte alors de l'accueillir dans son écurie.
Avant de gagner ses galons de vedette, Roba, qui vient du dessin publicitaire, intègre le "studio" de Franquin et lui prête main-forte pour trois mini-récits de Spirou et Fantasio destinés à être publiés dans Le Parisien Libéré, pour donner plus de visibilité à la série en France. Il dessine ainsi les décors, quelques véhicules et personnages secondaires dans les histoires Spirou et les Hommes-Bulles, Les Petits Formats et Tembo Tabou.
Franquin apprécie aussi Roba, dont la contribution est remarquable. C'est ainsi, comme nous l'apprend la préface de cette première Intégrale, qu'il lui parle d'un projet antérieur de quatre ans (1957 donc), conçu par Joël Azaria et Marcel Denis, dont il avait trouvé le titre : La Ribambelle. Cette ébauche tient à coeur à Franquin qui a été un lecteur d'une série américaine des années 20 sur une bande de gamins, les Rantanplan (Rinkeydings en vo), dont le héros Bicot (Perry en vo) a bercé sa jeunesse. Or, Roba était aussi fan de ce titre !
Le départ de Azaria pour le journal Tintin et la défection de Marcel Denis laissent la voie libre à Roba qui s'empare de leur idée et la retravaille, en tenant compte des exigences de l'éditeur qui refusait de publier les aventures de gosses des rues. C'est ainsi que naissent Phil, Archibald, Dizzie, Grenadine, Atchi et Atcha.
Ce volume regroupe leurs trois premières aventures, écrites et dessinés par Roba, avec l'aide de Vicq au scénario du troisième récit.
Un mot sur Vicq : voilà un personnage étonnant ! Antoine Raymond, de son vrai nom, a collaboré à plusieurs séries (Gaston Lagaffe, Boule et Bill, Lucky Luke, Théophile et Philibert...), et était un partenaire de Roba, mais affligé d'un caractère tourmenté et imprévisible. Cela le plongea dans l'alcoolisme, sans jamais qu'il s'en délivre. Puis, en 1987, après des années de bons et loyaux services, il s'est volatilisé du jour au lendemain. C'est Yvan Delporte qui a eu confirmation de son décès la même année. Une histoire digne d'un scénario de BD...
Revenons aux albums de cette Intégrale.
Dans le premier d'entre eux, le titre est un sorte de programme en soi, résumant le récit où les jeunes héros doivent se battre pour devenir les propriétaires du terrain où ils se retrouvent. L'intrigue présente de manière à la fois très classique, linéaire, et efficace chacun des membres de la bande, en commençant par Archibald qui, sans en être le leader déclaré, en est la vedette. Ce petit anglais volubile, malin, aux expressions "franglaises" amusantes), compte avec son majordome James, le seul adulte complice du groupe, un indéfectible partenaire. Il est entouré par Phil, un blondinet au tempérament volontaire et mesuré ; Dizzie, un jeune noir trompettiste de jazz (l'autre apport de Franquin à la série, un hommage à Dizzy Gillespie qu'il adorait) de nature prudente (voire fébrile) ; Grenadine, la seule fille de l'équipe, toujours là pour remarquer les tendances belliqueuses des mâles tout en jouant les infirmières ou en passant le temps à tricoter (rappelons qu'on est en 1966, que les personnages féminins en BD ne sont pas nombreux, que la censure veille et que la libération de la femme est loin d'être acquise...) ; et les jumeaux asiatiques Atchi et Atcha, aussi philosophes et généreux en aphorismes moralistes que doués en arts martiaux (là aussi, il ne faut pas s'offusquer des clichés dans une production aussi inoffensive).
Les méchants sont identifiés rapidement : la bande des Caïmans menée par Tatane, gamin aux allures de néo-blouson noir, s'active pour chiper leur repaire à la Ribambelle, mais la hargne de leur leader est compensée par la bêtise de ses deux fidèles lieutenants. Arsène Grofilou, le promoteur immobilier, est désigné comme le vilain adulte, plus dangereux car disposant d'autres armes (en premier lieu sa fortune).
On peut d'abord être perplexe devant la minceur de l'argument : tenir 44 planches avec une histoire de gamins devant réunir 250 000 francs pour garder un terrain vague, ça ne semble pas aller bien loin. Mais Roba déploie habilement ses rebondissements et, fort, de son casting généreux, rythme son aventure avec un humour bon enfant et un dynamisme constant. On ne s'ennuie jamais et jusqu'au bout l'issue est incertaine, avec un final aussi acrobatique que jubilatoire.
Le deuxième récit confirme immédiatement la préférence de Roba pour le personnage d'Archibald, puisque celui-ci est le moteur de l'intrigue en entraînant les cinq autres jusque dans son Ecosse natale.
Comme pour La Ribambelle gagne du terrain !, il est question de propriété sur des terres, mais dans des dimensions élargies, non seulement parce l'action se déplace à l'étranger, avec ce que cela suppose d'exotisme, de danger, mais aussi parce que les belligérants ne sont plus seulement les six gamins contre les Caïmans et/ou un adulte, mais deux familles dont le contentieux dure depuis des siècles. L'innocent combat pour la possession d'un espace à soi est remplacé par une guerre de clans pour tout un domaine, selon des règles plus perverses car adoptées par des adultes.
En lisant La Ribambelle en Ecosse, on ne peut qu'être troublé par le fait que des enfants y sont placés dans des situations de grandes personnes, au point de participer activement à leur conflit et de devoir le résoudre après avoir compris qu'il ne cesserait pas par la simple victoire d'une partie. Le récit n'est pas vraiment violent, mais pour le coup, c'est assez ironique de remarquer que Dupuis (et la censure) refusait des histoires de gosses des rues mais tolérait une aventure où des mouflets devenaient des soldats dans une bataille clanique, risquant à tout moment d'être écrasés par un arbre (les écossais se battant en pratiquant le "caber" (consistant à lancer des lourds troncs d'arbres ébranchés) !
Là encore, Roba se montre très efficace : tout ça se déroule sur un tempo soutenu, avec des relances dramatiques régulières, une galerie de seconds rôles bien campée, dans un cadre dépaysant et impeccablement exploité (notamment lors de scènes nocturnes aux ambiances intenses). Les dialogues donnent en outre du piment à l'ensemble, avec tous ces Mac écossais et les tonitruants cris de ralliement ("Makingdomforrrabottl' !", "Mac Kangbang forever !").
Roba expliquera qu'il avait commencé la rédaction du script avec Vicq quand celui-ci s'éclipsa subitement pendant plusieurs semaines, le contraignant à terminer l'écriture seul.
Roba expliquera qu'il avait commencé la rédaction du script avec Vicq quand celui-ci s'éclipsa subitement pendant plusieurs semaines, le contraignant à terminer l'écriture seul.
Enfin, le troisième récit est écrit par Vicq seul. Il a imaginé une histoire plus longue que les précédentes puisqu'elle aboutit à 60 planches (contre 44 pour chacune des deux autres précédentes).
L'argument repose là encore sur un thème souvent utilisé dans d'autres BD puisqu'il s'agit d'un concours auquel participent les héros (on pense évidemment à Spirou et les héritiers ou Le Repaire de la Murène), et correspond à ce qu'une revue comme Le Journal de Spirou exigeait de ses auteurs pour un jeune lectorat, avec un aspect éducatif, exemplaire. La confection d'un machine volante qui fonctionnerait grâce à l'énergie musculaire du pilote ressemble au résumé d'un défi lancé aux fans, qui n'avaient ainsi aucun mal à s'identifier à la Ribambelle.
Tout comme le premier tome, la légèreté de cette trame étonne mais Vicq accomplit de vraies prouesses en parvenant à produire une succession de péripéties accrocheuses. L'intérêt du lecteur n'est jamais déçu, on doute jusqu'au bout de la réussite de l'entreprise (à la fois du scénario et du projet des héros).
C'est l'occasion, après le voyage en Ecosse, de retrouver la Ribambelle en terrain connu, et donc confronté à leurs adversaires habituels avec les Caïmans. Tatane s'échine encore à concurrencer Archibald et n'hésite pas à le faire enlever par ses deux acolytes, mais l'ingéniosité malicieuse du petit bonhomme, plus l'intervention de ses copains et de James le majordome, a raison du garnement. Vicq en profite pour développer une intrigue secondaire en montrant comment, abusés par Archie et Phil, les Caïmans fabriquent eux aussi un avion auquel il manque un élément purement fantaisiste mais dont ils sont convaincus qu'il leur assurera la victoire.
La démonstration finale aurait mérité quelques pages de plus, mais avec 60 pages, on est quand même rassasié. De plus, La Ribambelle s'envole est clairement signalé, à la dernière page, comme le premier volet d'une aventure en deux parties (La Ribambelle aux Galopingos, dans l'Intégrale tome 2).
La maîtrise narrative de Vicq excuse l'aspect sommaire de la caractérisation car les gamins restent cantonnés à des rôles moins riches que le projet initial semblait le promettre (un dessin de Roba indique que chacun des membres de la bande était en fait d'une nationalité différente : par exemple, Grenadine devait être allemande, Phil scandinave, Dizzie hollandais).
Le dessin de Roba est merveilleusement beau. C'était un artiste qui savait représenter les enfants avec un vrai génie, en les rendant expressifs. Son trait rond est d'une prodigieuse élégance, et les looks rétro de ces héros ajoutent au charme de la série.
Le talent de Roba rend la comparaison avec la reprise de la série par Zidrou et Krings (depuis 2011, deux nouveaux albums sont parus) très cruelle pour ses successeurs : il y a une générosité, une simplicité, un raffinement exquis dans l'oeuvre originale que sa relance n'a pas réussi à reproduire, et cela tient autant à la fraîcheur des histoires qu'à la qualité du dessin.
Le traitement des décors est aussi exemplaire : comme Franquin, Peyo et les maîtres de l'école de Marcinelle, Roba savait doser les arrière-plans de telle manière que le regard du lecteur n'était jamais ralenti mais jamais frustré non plus. L'épisode en Ecosse est cet égard un modèle du genre, on s'y croirait, et pourtant tout est fait avec une économie épatante. Ponctué par des scènes nocturnes sublimes, avec des jeux d'ombres soignés, mais aussi un lettrage qui est un élément à part entière du graphisme, le récit offre son lot de pages mémorables.
Il va maintenant falloir que je mette la main sur la seconde Intégrale. En attendant, n'hésitez pas, comme moi, à vous procurer ce premier tome et (re)découvrez cette perle rare qui vous donnera le sourire comme toutes les bonnes BD méconnues.
L'argument repose là encore sur un thème souvent utilisé dans d'autres BD puisqu'il s'agit d'un concours auquel participent les héros (on pense évidemment à Spirou et les héritiers ou Le Repaire de la Murène), et correspond à ce qu'une revue comme Le Journal de Spirou exigeait de ses auteurs pour un jeune lectorat, avec un aspect éducatif, exemplaire. La confection d'un machine volante qui fonctionnerait grâce à l'énergie musculaire du pilote ressemble au résumé d'un défi lancé aux fans, qui n'avaient ainsi aucun mal à s'identifier à la Ribambelle.
Tout comme le premier tome, la légèreté de cette trame étonne mais Vicq accomplit de vraies prouesses en parvenant à produire une succession de péripéties accrocheuses. L'intérêt du lecteur n'est jamais déçu, on doute jusqu'au bout de la réussite de l'entreprise (à la fois du scénario et du projet des héros).
C'est l'occasion, après le voyage en Ecosse, de retrouver la Ribambelle en terrain connu, et donc confronté à leurs adversaires habituels avec les Caïmans. Tatane s'échine encore à concurrencer Archibald et n'hésite pas à le faire enlever par ses deux acolytes, mais l'ingéniosité malicieuse du petit bonhomme, plus l'intervention de ses copains et de James le majordome, a raison du garnement. Vicq en profite pour développer une intrigue secondaire en montrant comment, abusés par Archie et Phil, les Caïmans fabriquent eux aussi un avion auquel il manque un élément purement fantaisiste mais dont ils sont convaincus qu'il leur assurera la victoire.
La démonstration finale aurait mérité quelques pages de plus, mais avec 60 pages, on est quand même rassasié. De plus, La Ribambelle s'envole est clairement signalé, à la dernière page, comme le premier volet d'une aventure en deux parties (La Ribambelle aux Galopingos, dans l'Intégrale tome 2).
La maîtrise narrative de Vicq excuse l'aspect sommaire de la caractérisation car les gamins restent cantonnés à des rôles moins riches que le projet initial semblait le promettre (un dessin de Roba indique que chacun des membres de la bande était en fait d'une nationalité différente : par exemple, Grenadine devait être allemande, Phil scandinave, Dizzie hollandais).
Le dessin de Roba est merveilleusement beau. C'était un artiste qui savait représenter les enfants avec un vrai génie, en les rendant expressifs. Son trait rond est d'une prodigieuse élégance, et les looks rétro de ces héros ajoutent au charme de la série.
Le talent de Roba rend la comparaison avec la reprise de la série par Zidrou et Krings (depuis 2011, deux nouveaux albums sont parus) très cruelle pour ses successeurs : il y a une générosité, une simplicité, un raffinement exquis dans l'oeuvre originale que sa relance n'a pas réussi à reproduire, et cela tient autant à la fraîcheur des histoires qu'à la qualité du dessin.
Le traitement des décors est aussi exemplaire : comme Franquin, Peyo et les maîtres de l'école de Marcinelle, Roba savait doser les arrière-plans de telle manière que le regard du lecteur n'était jamais ralenti mais jamais frustré non plus. L'épisode en Ecosse est cet égard un modèle du genre, on s'y croirait, et pourtant tout est fait avec une économie épatante. Ponctué par des scènes nocturnes sublimes, avec des jeux d'ombres soignés, mais aussi un lettrage qui est un élément à part entière du graphisme, le récit offre son lot de pages mémorables.
Il va maintenant falloir que je mette la main sur la seconde Intégrale. En attendant, n'hésitez pas, comme moi, à vous procurer ce premier tome et (re)découvrez cette perle rare qui vous donnera le sourire comme toutes les bonnes BD méconnues.
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