mardi 8 juillet 2014

Critique 477 : JERÔME K. JERÔME BLOCHE, TOME 13 - LE PACTE, de Dodier


JERÔME K. JERÔME BLOCHE : LE PACTE est le 13ème tome de la série, écrit et dessiné par Dodier, publié en 1997 par Dupuis.
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Le 39 de la rue Francoeur est en pleine effervescence ! D'une part, Mimi Maréchal, une chanteuse-meneuse de revue qui a fait carrière à Las Vegas, emménage au sixième étage de l'immeuble où vit Jérôme Bloche ; d'autre part, le détective est engagé par Mme Dubois pour enquêter sur la mort de son... Canari.
Jérôme s'investit avec toute son application habituelle à débusquer le tueur d'oiseaux et il le localise rapidement chez Mme Dubreuil dont le fils s'amuse avec une carabine à plomb depuis la fenêtre de sa chambre. Grondé, le jeune homme fait une fugue mais il risque sa vie car, diabétique, il a besoin d'une injection d'insuline matin et soir.
Jérôme reçoit alors un appel anonyme et une grosse avance pour retrouver Jean-François Dubreuil. Sa mission accomplie, il ne va pas tarder à découvrir qui l'a payé : c'est Mimi Maréchal ! Mais quel est le point commun entre elle et le fugueur ? Et pourquoi le chauffeur de la vedette fait-il exprès peu après d'emboutir le jeune homme sur son scooter à la sortie de son lycée - accident bénin en apparence mais après lequel il disparaît à nouveau - ?

Avec une régularité métronomique, Alain Dodier publie, un an après Le gabion, ce 13ème tome des aventures de Jérôme K. Bloche. Il ramène son détective à Paris, d'où il va travailler pendant 5 albums consécutifs.

L'intrigue démarre sur une enquête légère et, apparemment, dérisoire avec le canari tué de Mme Dubois : c'est l'occasion de mettre en scène quelques éléments indiquant l'évolution de la série puisque désormais Jérôme dispose d'une enseigne signalant l'adresse de son bureau en bas de son immeuble et d'un téléphone portable, devant lui permettre d'être facilement joignable (ce dernier objet date l'album car, évidemment, en 98, les mobiles n'étaient pas designés et aussi performants que ceux d'aujourd'hui, mais cela n'est pas kitsch car JKJB n'a jamais été un héros très au point technologiquement parlant).
A partir de cette mission, Dodier brode quand même une enquête qui va se révéler très dense et surprenante puisque l'affaire du canari va le conduire jusqu'au jeune garçon qui l'a tué, lui-même au coeur (mais sans le savoir) d'une histoire de famille entre deux soeurs et de gros sous (un héritage à clé).
Cette capacité à développer un récit à partir d'une idée semble-t-il anodine est devenue une signature de la série et de son auteur, et Dodier excelle dans cet exercice qui lui permet d'embarquer le lecteur en douceur puis, au fil des pages, dans un réseau de personnages troubles que le passé travaille et oppose. A le dernière page, le scénariste peut s'offrir une chute qui boucle la boucle, avec malice, après une succession d'évènements efficacement déployés, un suspense habile, et quelques scènes spectaculaires (ici, un affrontement au sommet d'une flèche de grue entre un kidnappeur et Jérôme, superbement découpé).
Bien entendu, on est en droit de ne pas trouver ça renversant, mais ce n'est pas l'ambition de la série, qui s'appuie d'abord sur une façon de raconter solide, éprouvée, avec des personnages attachants, sur un rythme soutenu, réalisé avec un grand soin tout étant toujours facile à lire, distrayant. Après 13 tomes, JKJB est un titre toujours plaisant, dont l'humilité ne doit pas cacher la maîtrise de l'exécution : cette constance est finalement aussi honorable, et même plus, que d'autres productions qui se perdent en voulant toujours épater la galerie au prix d'effets faciles.

Les dessins de Dodier participent à part égale avec l'adresse de l'écriture au plaisir de la lecture : c'est un artiste qui tient parfaitement ses personnages, leur environnement, au trait élégant et vif.
Là encore, la simplicité de la forme ne doit pas faire croire à un travail élémentaire car, outre des décors (et véhicules) toujours impeccablement illustrés (avec une mention, dans cette aventure, pour les toits de Paris), et des personnages expressifs, aux looks étudiés (comme en atteste la scène de la pendaison de crémaillère chez Mimi Maréchal avec une figuration importante et détaillée), on peut s'attarder sur le découpage très dense qu'impose Dodier et sur lequel il appuie sa narration pour la rythmer. A raison, souvent, d'une douzaine de plans par page, avec des valeurs, des angles, des jeux d'ombres et de lumières, variés, l'action est toujours soutenue, très bien située, offrant au regard une diversité de cadrage très dynamique alors même que l'alignement des cases demeure classique (pas de formes de vignettes excentriques, mais des "gaufriers" ou des piles de bandes bien disposées).
En ce sens, Dodier est un adepte du "less is more", qui est, à mes yeux, la façon la plus intelligente, car la plus durable, la moins "démodable", de raconter en images une histoire - pour peu, évidemment, comme c'est le cas ici, que ce soit fait avec intelligence, au service du récit et le bien-être visuel du lecteur.

Le pacte est une nouvelle preuve qu'on peut - qu'on doit ! - accorder sa confiance à Jérôme K. Jérôme Bloche : l'essayer, c'est l'adopter, et chacune de ses enquêtes aboutit à un album aussi soigné dans sa réalisation qu'agréable dans sa découverte. Mine de rien, c'est certainement une des meilleures séries franco-belges de ces trente dernières années quand on analyse la constance de sa qualité. 

1 commentaire:

Ulysse a dit…

Je suis emballé par ce que vous dites au sujet de la simplicité de Dodier, et par le rapprochement que vous faites avec la théorie du « less is more ». Pour caractériser une expérience que je peine toujours à m'expliquer, vous trouvez les concepts les plus appropriés.