JERÔME K. JERÔME BLOCHE : LE VAGABOND DES DUNES est le 8ème tome de la série, écrit et dessiné par Dodier, publié en 1992 par Dupuis.
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Après avoir une nouvelle fois échoué à l'examen du permis de conduire, Jérôme reçoit un appel téléphonique d'un de ses amis d'enfance, Bernard-Henri Debucourt Du Plessis, fils de bonne famille à Zuydcoote, dans le Nord de la France.
Sur place, le détective apprend ce que sera sa mission : Bernard-Henri et son père, patron d'une usine, doivent d'absenter quelques jours pour régler une transaction à Sotckholm, mais le fils ne veut pas laisser sa mère, souffrante, sa femme et son fils tout seuls dans la maison familiale autour de laquelle rôde un mystérieux vagabond et son chien. Jérôme accepte de jouer les gardes du corps avec l'idée, qu'il garde pour lui, de savoir qui est cet importun qui dérange ses clients.
Une nuit, il surprend ainsi Mme Debucourt qui rejoint le vagabond dans le bunker abandonné sur la plage où il vit, mais, hélas ! il ne réussit pas à entendre leur conversation. Par ailleurs, la bonne, en plus de piocher en cachette dans les pâtisseries de la maison, entretient une liaison secrète avec un camelot en ville.
La mission s'achève avec le retour du père et du fils Debucourt mais Jérôme, qui gagne le domicile de son oncle Sébastien, veut connaître le fin mot de ces histoires. Il découvre, en retournant sur la plage de Zuydcoote, le cadavre du vagabond et de son chien, interroge le médecin de la famille Debucourt, essaie d'approcher Mme Debucourt avant d'essuyer les coups de feu d'un inconnu et les remontrances de Bernard-Henri, mécontent qu'il fouine.
Jérôme tend alors un piège pour démasquer le coupable du meurtre du vagabond qui a peut-être aussi voulu l'éliminer. Son plan l'amènera à dévoiler le secret du patriarche Debucourt...
C'est, disons-le sans faire durer le suspense, un excellent épisode que ce Vagabond des dunes. Alain Dodier renvoie son héros dans le Nord de la France, région que l'auteur connaît bien puisqu'il est né à Dunkerque en 1955 et qu'il y a déjà situé l'action du tome 3 (A la vie, à la mort, écrit par Makyo).
La série est désormais bien établie et Dodier a su trouver un bon équilibre entre les divers composants qui la définissent : Jérôme est un héros dont les méthodes maladroites et le caractère candide mais pugnace assure aux histoires une certaine distanciation, évitant une dramatisation excessive, alors que les intrigues n'hésitent pas à être complexes, jonglant avec des secrets appartenant au passé des clients de détective.
Ce 8ème tome dispose ces éléments avec un savoir-faire éprouvé et le récit ménage un vrai mystère qui ne commence à s'éclairer que dans le troisième et dernier acte (le premier installant la situation, les protagonistes et le cadre, le deuxième renvoyant le héros hors du lieu de l'action mais avec l'idée que les choses ne sont pas réglées). Dodier manipule habilement le lecteur qui se demande pendant une trentaine de pages qui est en effet ce vagabond, pourquoi la mère de Bernard-Henri est si troublée après l'avoir vu, ce que cache le médecin de famille, etc. C'est très efficace, rondement mené.
La résolution de l'affaire renvoie à l'inspiration "Simenonienne" de Dodier, même si, à la toute dernière page, l'auteur commet, à mon avis, une petite erreur en croyant bon d'ajouter un coup de théâtre qui modifie l'identité du coupable et ajoute à l'affliction des Debucourt (des bourgeois certes peu sympathiques mais qui ont déjà suffisamment "dégusté" comme ça). Rien de grave, mais bon, c'est une addition inutile.
Les dessins sont également excellents : Dodier est, on le sait depuis le début de la série, un fabuleux illustrateur quand il s'agit de représenter des décors bien typés, en particulier ceux de cadres provinciaux pour des familles de notables. Ici, il fait des merveilles en campant son récit dans le Pas-de-Calais, avec les plages de Zuydcoote, la demeure des Debucourt, le marché de la ville, le bunker abandonné. L'ambiance cafardeuse, les séquences nocturnes, le découpage très fluide des filatures de Jérôme, sont formidablement accomplis.
Jérôme promène sa dégaine de grand ado faussement naïf (que Dodier nuance avec de brefs flash-backs soulignant le cruauté sociale dont fit preuve Bernard-Henri à son égard durant leur enfance) au milieu de seconds rôles bien campés, qu'il s'agisse de Bernard-Henri (dont le physique d'éphèbe et les attitudes hautaines sont bien senties), de son père (l'archétype du vieux bourgeois taiseux) ou de la bonne (irrévérencieuse à souhait).
Comme c'était l'usage encore, pour cette enquête hors de Paris, l'entourage de Jérôme (Babette et ses voisins) sont peu présents, mais on retrouve à l'occasion son oncle, sa tante et sa grand-mère pour quelques petites scènes.
Placée entre Un oiseau pour le chat et L'absent, cette enquête est d'une excellente facture et confirme que Dodier, seul maître à bord, n'avait vraiment plus besoin de personne pour mener son affaire avec brio.
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