JERÔME K. JERÔME BLOCHE : L'ABSENT est le 9ème tome de la série, écrit et dessiné par Dodier, publié en 1993 par Dupuis.
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Qui a attiré Jérôme K. Jérôme Bloche dans le Marais-Poitevin chez une certaine Mme Collibert qui ne s'y trouve plus ? Le jeune détective comprend vite en revenant chez lui qu'on a voulu l'éloigner de chez lui, mais il en ignore la raison.
De retour d'un voyage, sa fiancée, l'hôtesse de l'air Babette, découvre avec la concierge de l'immeuble et une de ses voisines que Jérôme a disparu et que son appartement a été mis sans dessus-dessous à la faveur des bruyants travaux en cours dans la rue.
La police ne considère pas l'affaire bien grave car il n'y a pas eu effraction ni d'indices concluants pour mener une enquête. Qu'à cela ne tienne : Babette décide de retrouver Jérôme elle-même, avec le concours de Mme Rose et Zelda. Et c'est en fouillant la cave du disparu qu'elles trouvent par hasard un petit sac contenant un diamant. A qui appartient-il ? Sûrement à celui (ceux ?) qui a enlevé Jérôme, sans doute un ancien locataire de l'immeuble et de l'appartement du jeune homme, qui l'avait caché là en comptant les récupérer un jour...
Pour la neuvième aventure de son héros, Alain Dodier est désormais à l'aise comme auteur complet puisqu'il anime seul la série depuis trois tomes. Il a trouvé le ton juste, un mélange de comédie et d'intrigues policières, alternant les épisodes dans Paris (la base de Jérôme Bloche) et en Province (où des clients font appel à lui), avec un casting bien établi (Babette, Mme Rose, Zelda). C'est aussi un personnage dont on a appris les origines (dans le tome 4, Passé recomposé), qui lui ont conféré une vraie sensibilité, nuançant son caractère léger.
Dodier décide donc avec L'absent de surprendre ses lecteurs, en douceur mais non sans audace, en développant une histoire où son héros disparaît rapidement (au bout de 6 pages) ; à la charge de son entourage de le retrouver et de résoudre l'affaire qui a conduit à cette éclipse.
L'enjeu le plus évident est de donner un vrai rôle à Babette, la fiancée du héros, qui jusqu'à présent se contentait de ce rôle assez figuratif, mais aussi d'exploiter des personnages comme Mme Rose, la concierge, ou Zelda, cette ancienne actrice devenue voyante (même si elle doute de ses dons extralucides).
Se passer ainsi du rôle principal de la série représente toujours un risque si ceux qui occupent à sa place le devant de la scène s'avèrent moins attachants que lui. Mais Dodier réussit à rendre l'enquête de Babette et la jeune fille elle-même suffisamment intéressantes pour qu'on les suivent pendant 35 pages. Le tempérament pugnace, casse-cou et le charme qu'il parvient à lui donner, ainsi que la sympathie naturelle qu'inspirent ses deux complices, Mme Rose et Zelda (qui échappent aux poncifs des vieilles dames simplement là pour faire de la figuration ou offrir un contraste avec la jeunesse de Babette), font du récit une aventure très divertissante, où on n'a aucun mal à partager leurs doutes, leurs agacements envers la police, mais aussi leur volonté de résoudre l'affaire.
L'intrigue est très bien bâtie, crédible, avec quelques scènes d'action, du suspense, des adversaires coriaces. C'est très solide.
Le dessin de Dodier a atteint à ce stade de la série sa maturité : il est loin le temps où entre les hésitations entre académisme et style cartoony produisait un résultat maladroit, avec un encrage gras et des couleurs qui ont mal vieilli. Désormais, le trait rond, simple et réalisme, est parfaitement dosé : l'artiste s'est révélé capable de soigner les visages, leurs expressions, les physionomies, les attitudes, avec sobriété et justesse (il suffit de voir avec quelle subtilité il arrive à montrer que Zelda peine à grimper les marches d'un escalier).
De même qu'il a trouvé comment animer son héros, en lui donnant une allure et une figure désormais reconnaissables et régulières, Dodier réussit à faire de Babette une jolie fille qui n'a rien d'une vulgaire bimbo : elle a du charme, cette brunette avec ses tâches de rousseurs, ses grands yeux marrons, dans l'imperméable et avec le feutre de son amant. La séquence où elle se déguise en prostituée pour approcher un des méchants la voit affublée d'un accoutrement moins chic mais c'est finement joué de la part du dessinateur qui, ainsi, prouve bien que son personnage improvise en se fardant outrageusement, comme elle imagine que le sont les tapineuses.
Enfin, les décors témoignent du soin avec lequel Dodier effectue des repérages pour ses histoires, afin de toujours bien situer les personnages et s'amuser avec les ambiances, qu'il s'agisse des ruelles mal famées de la capitale ou de la campagne marécageuse du Poitou.
Jérôme K. Jérôme Bloche est vraiment une des séries françaises les plus agréables et bien faîtes, réalisé par un auteur très complet, et ce tome 9 est un de ses meilleurs opus.
Jérôme K. Jérôme Bloche est vraiment une des séries françaises les plus agréables et bien faîtes, réalisé par un auteur très complet, et ce tome 9 est un de ses meilleurs opus.
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