SPIROU ET FANTASIO : QRN SUR BRETZELBURG est le 18ème tome de la série, co-écrit par Franquin et Greg et dessiné par Franquin, publié en 1966 par Dupuis.
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Fantasio a fait l'acquisition d'un transistor radio miniature dernier cri - et justement l'appareil est aussi petit que puissant par le volume. Excédé par ce vacarme, Spip mord Fantasio au mollet et il échappe l'appareil que le Marsupilami avale en le prenant pour un caramel, mais la la radio continue d'émettre à pleine puissance.
Un voisin, Marcelin Switch, qui s'adonne à sa passion pour les communications radio, a intercepté les messages du roi de Bretzelburg, sous la coupe de son général en chef, Schmetterling, mais des interférences brouillent leurs échanges. Switch remonte jusqu'à la source de ces parasites dues au transistor avalé par le Marsupilami, chez Spirou.
Après que Fantasio et son ami aient écouté l'histoire de Switch, Spirou transporte le Marsupilami, qui s'est assommé volontairement pour détruire la radio logée dans son nez, chez le vétérinaire. Fantasio accepte de garder la maison de Switch, qui a accompagné Spirou, mais il reçoit alors la visite de deux agents de la police d'état du Bretzelburg qui le prennent pour le correspondant du roi et l'enlèvent.
De retour chez Switch, ce dernier et Spirou apprennent par la police, alertée par une voisine, que Fantasio a été kidnappé et comprennent vite qu'il s'agit d'un coup des autorités du Bretzelburg. Les deux hommes partent le délivrer, malgré les appréhensions de Switch. En attendant les secours, Fantasio devra résister à la torture, et espérer que le général Smetterling ne déclenche une guerre avec le Maquebasta avant...
Pour son avant-dernier album, c'est un Franquin las et très fatigué que nous retrouvons aux commandes : depuis 20 ans qu'il anime les Aventures de Spirou et Fantasio, il a fait feu de tout bois, allant même jusqu'à signer chez le concurrent, "Le Journal de Tintin", pour y créer (à la suite d'une brouille passagère avec Dupuis) Modeste et Pompon, puis imaginant Gaston qu'il développera dans sa propre série. Ajoutez à cela les innombrables couvertures réalisées pour "Le Journal de Spirou" et d'autres collaborations (comme Sophie, qu'il co-écrit avec son ami Jidéhem, qui dessine le titre, à partir de 1965)... Bref, Franquin est en surchauffe.
Ce qui devait arriver arrive et après une quinzaine de pages pour ce 18ème album de la série, l'auteur est victime d'un burn-out. Il part se mettre au vert chez sa fille Isabelle et se retape en se consacrant à Gaston. Mais il lui faut quand même achever cette histoire de Spirou et appelle à nouveau Greg, avec qui il a déjà collaboré sur le diptyque de Zorglub et Le Prisonnier du Bouddha (tomes 14-15 et 13) pour l'aider à boucler le scénario. Mais le mal est fait à tous les niveaux : Franquin, qui ne se sentait déjà plus motivé par Spirou, ne signera plus qu'un album après celui-ci, en 1968, et avouera ne s'être jamais totalement rétabli ; quant à ce 18ème tome, il reste beaucoup moins bon que ses prédécesseurs.
J'ai hésité avant de m'atteler à sa critique car il me fallait le relire et je ne gardai pas un bon souvenir de la première fois. J'avais eu l'impression que la magie n'opérait plus, et à l'époque, j'ignorai la genèse difficile de ce récit, les affres traversés par Franquin. De manière plus globale, même si j'aime le diptyque de Zorglub, c'est à partir de là que j'ai trouvé le run de Franquin moins inspiré, peu convaincu par son partenariat avec Greg (alors que Le Prisonnier du Bouddha est excellent), et que Spirou et les hommes-bulles, conçu avec Roba, est également (très) moyen.
Néanmoins, j'ai été agréablement surpris en redécouvrant QRN sur Bretzelburg qui, sans renouer avec le brio des classiques de Spirou par Franquin, se lit facilement. Le récit souffre de longueurs, de baisse de rythme, ses 60 pages manquent de fluidité, et la dernière partie de l'histoire (grosso modo, les 10 dernières pages, lorsque Spirou et Fantasio sont réunis avec Spip, le Marsupilami, et Switch, puis les résistants du Bretzelburg, Trinitro et Helmut) se traîne, avec d'ultimes rebondissements superflus.
Mais avant cela, le scénario ne souffre pas tant que ça : la contribution de Greg semble s'être matérialisée dans la charpente même du script et la rédaction des dialogues. Sur un canevas classique et éprouvé, Franquin et son acolyte développent une intrigue habile et efficace, dans laquelle la politique s'invite de manière explicite avec ces militaires à la fois félons et imbéciles, un roi manipulé, mais aussi des seconds rôles beaucoup plus sombres comme le tortionnaire Doktor Kilikil (auquel, de manière très troublante, Franquin donne ses propres traits - certes, ce n'est pas le premier dessinateur à se croquer en méchant, comme le fit Edgar Jacobs avec Olrik, mais cette incarnation-là semble à la fois dire à quel point l'auteur n'en peut plus de Spirou et traduit littéralement son envie de malmener ses héros).
L'autre attraction de cet opus est le Marsupilami, la seule des créations apportée à Spirou par Franquin dont il conservera la propriété après son départ de la série. Le prodigieux animal a droit à de longues scènes où il vole la vedette à tout le monde, parfois infortuné (avec le transistor qu'il a gobé), parfois sauveur providentiel (quand il gagne le Bretzelburg tout seul et libère Fantasio). Franquin, qui reconnaissait avoir attribué trop de capacités extraordinaires à sa créature, corrige le tir en le réutilisant comme à ses débuts, c'est-à-dire un animal étonnant mais imprévisible (il prend par exemple le temps de se goinfrer avec la nourriture du Dr Kilikil avant d'aider Fantasio). Ce recentrage est bienvenu, mais étrangement Franquin, en privant ses successeurs de continuer à utiliser le Marsupilami ne lui rendra pas service : comme il l'admettra là aussi plus tard, il avait cassé une dynamique de groupe et commis une erreur de jugement en estimant que sa créature pouvait exister de façon intéressante dans ses propres aventures.
Visuellement, le break pris par Franquin au début de l'album reste imperceptible, son dessin ne souffre pas d'une baisse de qualité significative. Mais l'artiste n'est plus le même que dans les années 50, lorsque son trait possédait cette simplicité et cette vivacité mêlées, d'une folle élégance.
Au fil du temps, le crayon qui swinguait est devenu plus nerveux, avec un tracé un peu plus frustre, terriblement tonique mais moins fin. Techniquement, il semble que Franquin utilisait moins la plume et plus le pinceau, et parfois cela aboutit à des plans aux finitions moins jolies, parfois à des idées dont la traduction picturale est fulgurante (par exemple, lorsque Spirou, le Marsu, Spip, Fantasio et Switch rampent dans une galerie souterraine pour échapper à l'armée du Bretzelburg et vont rencontrer les résistants, avec plusieurs plans en silhouettes noires).
Le découpage reste cependant étonnamment dense, avec des planches de plus de dix cases souvent, des valeurs de plans très variées. L'expressivité des personnages et le soin apporté aux décors (sans l'aide d'assistants comme Jidéhem) sont aussi exemplaires pour un dessinateur en proie à de telles difficultés personnelles alors.
Même si la couverture de l'album spoile grandement l'histoire, et que sa fabrication a été compliquée, QRN sur Bretzelburg possède sinon les qualités d'un vrai bon opus, celles du témoignage sur la fin mouvementée du run de Franquin.
J'ai hésité avant de m'atteler à sa critique car il me fallait le relire et je ne gardai pas un bon souvenir de la première fois. J'avais eu l'impression que la magie n'opérait plus, et à l'époque, j'ignorai la genèse difficile de ce récit, les affres traversés par Franquin. De manière plus globale, même si j'aime le diptyque de Zorglub, c'est à partir de là que j'ai trouvé le run de Franquin moins inspiré, peu convaincu par son partenariat avec Greg (alors que Le Prisonnier du Bouddha est excellent), et que Spirou et les hommes-bulles, conçu avec Roba, est également (très) moyen.
Néanmoins, j'ai été agréablement surpris en redécouvrant QRN sur Bretzelburg qui, sans renouer avec le brio des classiques de Spirou par Franquin, se lit facilement. Le récit souffre de longueurs, de baisse de rythme, ses 60 pages manquent de fluidité, et la dernière partie de l'histoire (grosso modo, les 10 dernières pages, lorsque Spirou et Fantasio sont réunis avec Spip, le Marsupilami, et Switch, puis les résistants du Bretzelburg, Trinitro et Helmut) se traîne, avec d'ultimes rebondissements superflus.
Mais avant cela, le scénario ne souffre pas tant que ça : la contribution de Greg semble s'être matérialisée dans la charpente même du script et la rédaction des dialogues. Sur un canevas classique et éprouvé, Franquin et son acolyte développent une intrigue habile et efficace, dans laquelle la politique s'invite de manière explicite avec ces militaires à la fois félons et imbéciles, un roi manipulé, mais aussi des seconds rôles beaucoup plus sombres comme le tortionnaire Doktor Kilikil (auquel, de manière très troublante, Franquin donne ses propres traits - certes, ce n'est pas le premier dessinateur à se croquer en méchant, comme le fit Edgar Jacobs avec Olrik, mais cette incarnation-là semble à la fois dire à quel point l'auteur n'en peut plus de Spirou et traduit littéralement son envie de malmener ses héros).
L'autre attraction de cet opus est le Marsupilami, la seule des créations apportée à Spirou par Franquin dont il conservera la propriété après son départ de la série. Le prodigieux animal a droit à de longues scènes où il vole la vedette à tout le monde, parfois infortuné (avec le transistor qu'il a gobé), parfois sauveur providentiel (quand il gagne le Bretzelburg tout seul et libère Fantasio). Franquin, qui reconnaissait avoir attribué trop de capacités extraordinaires à sa créature, corrige le tir en le réutilisant comme à ses débuts, c'est-à-dire un animal étonnant mais imprévisible (il prend par exemple le temps de se goinfrer avec la nourriture du Dr Kilikil avant d'aider Fantasio). Ce recentrage est bienvenu, mais étrangement Franquin, en privant ses successeurs de continuer à utiliser le Marsupilami ne lui rendra pas service : comme il l'admettra là aussi plus tard, il avait cassé une dynamique de groupe et commis une erreur de jugement en estimant que sa créature pouvait exister de façon intéressante dans ses propres aventures.
Visuellement, le break pris par Franquin au début de l'album reste imperceptible, son dessin ne souffre pas d'une baisse de qualité significative. Mais l'artiste n'est plus le même que dans les années 50, lorsque son trait possédait cette simplicité et cette vivacité mêlées, d'une folle élégance.
Au fil du temps, le crayon qui swinguait est devenu plus nerveux, avec un tracé un peu plus frustre, terriblement tonique mais moins fin. Techniquement, il semble que Franquin utilisait moins la plume et plus le pinceau, et parfois cela aboutit à des plans aux finitions moins jolies, parfois à des idées dont la traduction picturale est fulgurante (par exemple, lorsque Spirou, le Marsu, Spip, Fantasio et Switch rampent dans une galerie souterraine pour échapper à l'armée du Bretzelburg et vont rencontrer les résistants, avec plusieurs plans en silhouettes noires).
Le découpage reste cependant étonnamment dense, avec des planches de plus de dix cases souvent, des valeurs de plans très variées. L'expressivité des personnages et le soin apporté aux décors (sans l'aide d'assistants comme Jidéhem) sont aussi exemplaires pour un dessinateur en proie à de telles difficultés personnelles alors.
Même si la couverture de l'album spoile grandement l'histoire, et que sa fabrication a été compliquée, QRN sur Bretzelburg possède sinon les qualités d'un vrai bon opus, celles du témoignage sur la fin mouvementée du run de Franquin.
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