lundi 20 avril 2009

Critique 33 : ASTONISHING X-MEN, de Joss Whedon et John Cassaday



En 2004, Marvel a réutilisé le titre Astonishing X-Men pour lancer une nouvelle série-événement puisqu'elle serait écrite par Joss Whedon, célèbre pour avoir créé le programme télé Buffy et les vampires, et dessinée par John Cassaday, l'artiste aux commandes de Planetary avec Warren Ellis.
En vérité, cette série prolonge le run de Grant Morrison sur New X-Men. et rend hommage à celui de Chris Claremont et John Byrne. Toutefois le projet de Whedon et Cassaday peut très bien s'apprécier sans avoir lu ces épisodes. En outre, les deux auteurs en ont profité pour introduire quelques tout nouveaux personnages dans l'univers Marvel comme l'agent spécial Brand du SWORD, Hisako Ichiki, Ord et Blindfold.
Appréciable aussi pour celui qui a délaissé le monde des mutants depuis longtemps - comme c'était mon cas à l'époque où je me suis plongé dans cette série - est la volonté de Whedon d'écrire une histoire s'inscrivant en dehors de la production courante de Marvel (même si les Astonishing X-Men, comme groupe, sont apparus dans House of M). Toutefois, cette "marginalité" était aussi la conséquence des retards de plus en plus conséquents que prit la série au fur et à mesure de sa réalisation... Mais le résultat est si brillant qu'il vaut toutes les excuses.

Procèdons par ordre et examinons chacun des 4 recueils de cette saga, comprenant 24 chapitres plus un long épilogue.


- Volume 1 : "Gifted" (épisodes 1 à 6). Ce premier arc narratif se concentre sur la présentation des protagonistes et établit l'intrigue générale. Une scientifique indienne, le Dr Kavita Rao, met au point un sérum qui supprime le gène mutant. Cette découverte fait l'effet d'une bombe, mais ce que tous ignorent, c'est que la mise au point de cette antidote a été possible grâce à une alliance avec le guerrier extraterrestre Ord, venu sur terre pour y tuer un mutant dont les prophéties de son monde affirment qu'il sera son exterminateur. Hank McCoy alias Beast rend visite à Rao et apprend qu'elle a, pour finaliser sa formule, pratiqué des expériences sur un sujet humain inconnu. Les X-Men s'introduisent dans les laboratoires de Benetech et y retrouvent leur camarade Colossus, porté disparu et présumé mort. Avec son aide, l'équipe neutralise Ord, mais celui-ci a le temps de leur révèler le sort qui attend sa planète - le Breakworld - et donc sa mission sur terre.
- Volume 2 : "Dangerous" (épisodes 7 à 12). A peine remis de leur précédente aventure, les X-Men vont devoir faire face à une nouvelle menace. Il s'agit d'une des fameuses Sentinelles, un de ces robots gigantesques conçus pour le surveiller, mais qui est ici déterminée à les supprimer. Qui a réanimé cette Sentinelle ? Rien moins que la salle des dangers, qui a acquis une conscience et s'est rebaptisée "Danger" en prenant forme humaine. Bientôt, l'affrontement mène les mutants sur l'île de Genosha où vit désormais le professeur Charles Xavier, responsable de la transformation de la Salle des Dangers, installée initialement pour entraîner ses élèves au combat. Au terme d'une bataille disputée, durant laquelle Emma Frost s'éclipse subitement avant de réapparaître, on comprend que cette dernière s'est alliée avec une nouvelle formation du Club des Damnés.
- Volume 3 : "Torn" (épisodes 13 à 18). De retour à leur école, les X-Men vont être mentalement manipulés par ce nouveau Club des Damnés, composé de Cassandra Nova, Emma Frost, Perfection, Negasonic Teenage Warhead et Sebastian Shaw. Mais, en vérité, Emma est asservie par Cassandra Nova et surtout ce Club des Damnés n'est qu'une illusion mentale. Mais l'équipe de mutants est mise à mal : la rafale optique de Cyclops est bloquée, Beast devient un animal sauvage, Wolverine retombe en enfance... Seule Shadowcat réussit à esquive l'attaque et trouve les ressources pour sauver ses acolytes. C'est alors que Ord et Danger surgissent et que l'agent Brand téléportent les belligérants à bord du vaisseau du SWORD - direction : le Breakworld.


- Volume 4 : "Unstoppable" (épisodes 19 à 24 et "Giant-Size Astonishing X-Men" 1). Les X-Men, les agents du S.W.O.R.D., Danger et Ord se dirigent vers l'issue de leur épopée. Sur la planète Breakworld, les héros mutants découvrent qu'ils sont au centre d'un conflit politique entre deux dirigeants dont les prophéties de fin du monde, impliquant Colossus, opposent leurs partisans. Constatant l'échec de Ord, les extraterrestres ont élaboré un nouveau plan visant à la destruction de la Terre par un projectile géant. Shadowcat s'introduit dans cette balle de revolver pour en contrarier la trajectoire mais en devient prisonnière. Elle parvient néanmoins à éviter l'impact avec la Terre mais se condamne ainsi à errer dans l'espace. Son sacrifice laisse ses amis dans un profond désarroi tandis que sur le Breakworld, la situation s'apaise.
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Astonishing X-Men est une véritable fresque, et pour moi qui suis devenu fan des récits de super-héros avec les X-Men de Chris Claremont et John Byrne, le run de Whedon et Cassaday a ressemblé à un véritable retour aux sources. Comme à la grande époque, on y suit une histoire qui se développe patiemment mais amplement sur plus de 20 épisodes tout en étant ponctuée par des rebondissements palpitants. Que Whedon se soit fait connaître à la télé est sensible dans cette vaste entreprise où il déploie un art certain pour les coups de théâtre rocambolesques (comme dans le volume 1), les pirouettes jubilatoires (comme dans le volume 3), et une alternance de séquences d'exposition intriguantes et de scènes d'action spectaculaires.
L'autre talent de Whedon se situe dans les dialogues, qui permet à chaque protagoniste d'être puissamment caractérisé, mais aussi d'injecter une dose d'humour agréable. Un personnage effacé comme Cyclops y gagne une épaisseur séduisante ; Beast revêt une ambiguïté tout aussi épatante ; quant à Wolverine, il n'est plus résumé à une machine à tuer. Mais c'est avec Shadowcat que l'auteur semble avoir trouvé son vrai porte-parole : tout comme avec Buffy, il imagine une femme-enfant que les évènements conduisent à faire des choix poignants. Ce n'est pas si courant d'être ainsi ému par le destin d'une héroïne de comic-book.
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Graphiquement, John Cassaday a également abattu un travail de titan. Déjà éblouissant dans le registre décalé de Planetary, son style fait merveille dans le genre mainstream des super-héros. Ses personnages féminins ont une beauté fabuleuse, une allure à la fois élégante et racée : Emma Frost, Kitty Pryde n'ont peut-être jamais été si bien dessinées.
Mais les protagonistes masculins ne sont pas moins bien traités : Beast inspire une authentique empathie, Cyclops fait vraiment jeu égal avec le charismatique Wolverine, et Colossus possède une expressivité qui lui a souvent fait défaut sous le crayon d'autres artistes.
Quant aux décors, ils sont tout simplement époustouflants : l'institut Xavier est pleinement exploité et le dénouement sur le Breakworld dépayserait le plus blasé des lecteurs. C'est magnifique.
Mais cette réussite esthétique n'aurait pas été complète sans le concours de la coloriste Laura Martin, peut-être la meilleure dans sa partie actuellement. La manière dont elle magnifie les ambiances, embellit chaque scène, est exemplaire et digne de tous les éloges.
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Quoi qu'il en soit, c'est avec un mélange d'émerveillement et d'émotion qu'on achève cette lecture. Deux sentiments qui suffisent à distinguer cette série, et à la recommander vivement.

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