C'est la fin de la saga folle et apocalyptique de Tom Taylor et cet ultime épisode de DCeased ne déçoit pas. En quarante pages, la fin du monde est vraiment épique et laisse encore des héros sur le carreau, sans sacrifier une certaine émotion. Trevor Hairsine reçoit le soutien de Neil Edwards pour boucler la série, avec des scènes spectaculaires et généreuses.
Superman, infecté par le techno-virus, revient sur Terre pour y semer le chaos. Grâce à un morceau de kryptonite que Batman conservait, Wonder Woman repart sur Themyscira forger une épée qui permettra, grâce à cet échantillon, de tuer son ancien partenaire.
Pendant ce temps, les héros commencent à évacuer les civils à bord des arches conçues par Luthor, mais seulement quelques millions de passagers peuvent embarquer. Themyscira est attaquée par les atlantes infectés par Aquaman et les mazones se sacrifient pour les éliminer.
Avec le renfort de Black Canary et Cyborg, Wonder Woman tente de se débarrasser de Superman, enragé. Elle le mutile mais il la blesse gravement. Black Canary récupère l'épée de Diana et poursuit Superman qui prend en chasse les arches quittant la Terre.
Pour le repousser, Superboy se dévoue et va au clash contre son père dans l'espace. Son effort est infructueux et Black Canary est le dernier rempart entre les rescapés et Superman... Jusqu'à le Green Lantern Corps arrive, tel la cavalerie.
Superman fonce dans le soleil pour en absorber l'énergie, nécessaire pour contrer le GLC, mais l'astre semble le consumer. Sur Terre, Cyborg apprend par Wonder Woman, qu'il a pris avec son lasso de vérité, qu'il existe un remède contre le virus, mais elle le tue avant de le lui révéler. Les rescapés, eux, arrivent sur leur nouveau monde et Lois Lane espère que le pire est derrière eux.
Le format de ce dernier chapitre, long comme un double épisode, montre bien que Tom Taylor aurait facilement pu encore développer sa saga. Mais, en fin de compte, il s'est tenu à son plan et ces quarante pages forment un aboutissement généreux.
C'est ce qui aura séduit tout au long de la parution de DCeased : il s'agit d'une histoire décomplexée, rendue possible car détachée de la continuité, fonctionnant comme une intrigue située dans un univers parallèle, où, donc, tout est permis. Le scénariste ne s'est vraiment pas privé pour raconter ce qu'il avait en tête.
L'autre avantage de ce genre de projet, c'est que, sur la base d'un pitch a priori rebattu (des zombies, la fin du monde), le lecteur n'espérait rien de fameux de DCeased. La surprise de lire un récit complet nerveux, délirant, rondement mené, riche en temps forts, n'en est que plus grande et agréable. En s'affranchissant des codes de l'event, Taylor l'a tonifié, revivifié : plus la peine de soucier des conséquences et donc tout le loisir de choquer, sans limites, de lâcher les chevaux.
L'auteur le fait avec ce qu'il faut d'ironie cependant, sans quoi l'exercice aurait été un peu creux et complaisant. Voir Green Arrow se vexer que Batman ne l'ait jamais considéré comme un danger susceptible de nuire à l'humanité puis le mettre en scène tuant Aquaman, enragé, est savoureux. Ces petits moments permettent de souffler sans que le soufflet ne retombe.
Car le rythme, infernal, est l'autre atout de la saga. Tout va vite, tout est énorme, ça ne s'arrête jamais, des scènes qui, chez la majorité des scénaristes dans des circonstances similaires, auraient nécessité une pause émouvante sont quasi zappées ici (l'évacuation des survivants, la tentative héroïque de Jon Kent de stopper son père). Et finalement c'est, naturellement, que la cavalerie, incarnée logiquement par le Green Lantern Corps, surgit et convoie les arches vers un nouveau monde. Le récit d'horreur prend alors des airs de western épatant et épique.
Pour mettre en images tout cela, Trevor Hairsine ne ménage pas sa peine. J'ai été dur la dernière fois en qualifiant son dessin de "Hitch moche", il est plus juste de dire que l'artiste (comme Michael Walsh avec Black Hammer / Justice League : Hammer of Justice !) n'est pas un esthète, un partisan de la belle image, du beau dessin. Ce qui ne signifie pas qu'il n'est pas un bon dessinateur, compétent.
Au contraire puisque, à la vérité, ce côté brut, rustre même, du trait colle parfaitement à une telle histoire, sanguinolente, violente, brutale, avec sa part d'exagération assumée, de radicalité même. L'énergie d'un tel dessin convient idéalement à DCeased.
J'étais plus méfiant à la perspective de voir Neil Edwards en renfort car lui est un authentique clone de Hitch, sans en avoir le talent (il lui a souvent servi de doublure). Mais, grâce à l'encrage de Stefano Gaudiano (l'autre grand artiste du projet, qui a si bien servi Hairsine, et que la colorisation de Rain Breredo a respecté), c'est une réussite. On ne voit quasiment pas la différence quand on passe de l'un à l'autre, même si Hairsine est plus sauvage et Edwards plus académique (Hairsine a signé les pages 1 à 7, 10 à 14, 18 à 23, 28 à 36 ; Edwards les pages 8- 9, 11-12, 15, 17, 26-27).
Malgré son propos peu souriant, DCeased s'est imposé comme un event pêchu et jubilatoire. De quoi alimenter la réflexion des éditeurs dont les sagas événementielles classiques sont bien moins convaincantes et savoureuses ?
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