Le deuxième tiers de Batman Universe s'achève avec un nouvel épisode jubilatoire, qui se déroule quasi-entièrement au XIXème siècle, dans un cadre de western. Le plaisir de Brian Michael Bendis et de Nick Derington à nous balader est manifeste, mais plus encore ils entraînent Batman dans une aventure qui rappelle ses exploits les plus excentriques du Silver Age. Un régal qui n'a rien de passéiste.
Batman et Green Lantern ont été téléportés au XIXème siècle dans l'Ouest sauvage américain où ils croisent la route de Jonah Hex, qui a, le premier, découvert, l'oeuf de Fabergé en possession de Vandal Savage. Malgré l'énormité de la situation, le colonel Hex aide les deux héros.
Ils le conduit jusqu'à l'endroit où il a rencontré la première fois Vandal Savage, après un détour par un magasin où Batman et Green Lantern s'habillent de manière plus discrète. Ils arrivent ensuite dans une ville fantôme depuis que la mine a été abandonnée, et où Savage a déterré un trésor - l'oeuf.
Son anneau perturbé par la proximité de l'oeuf, Green Lantern disparaît subitement avant que Savage n'apparaisse, entouré de ninjas. Batman tente de le raisonner en expliquant qu'il ignore visiblement les pouvoirs quantiques de l'oeuf. Hex s'impatiente et ouvre le feu.
Immortel, Savage ne succombe pas au tir de Hex mais ses ninjas affrontent le cowboy et Batman. Bien qu'en infériorité numérique, ils se battent bravement et réussissent presque à prendre l'avantage. Jusqu'à ce que la situation connaisse un nouveau rebondissement...
Quittant la main de Savage pour celle de Batman, l'oeuf irradie et téléporte le héros dans l'espace-temps. Il se retrouve dans Crime Alley à Gotham, cent cinquante ans plus tard. Alors que Batman renoue le contact avec Alfred, Savage surgit et l'abat pour récupérer l'oeuf...
Batman Universe n'est, pourrait-on dire, qu'un divertissement. Jusqu'à présent, l'histoire se déroule de manière très mécanique, au gré des sauts spatio-temporels subis par Batman à cause de ce mystérieux oeuf de Fabergé - ou plutôt de ce qu'il contient.
Brian Michael Bendis s'amuse volontiers de cet artifice narratif pour visiter les recoins du DCU, ici à l'époque du western avec comme guest-star Jonah Hex, hier à Thanagar ou à Gorilla City. Tout cela pourrait être creux et facile, si le scénariste ne nous communiquait pas si habilement le plaisir qu'il prend ostensiblement à cette virée.
Bien que cette mini-série n'en ait pas l'ambition, on se dit que cet univers pourrait passer pour du DC version "Ultimate", une dimension parallèle affranchie de tout le poids de la continuité, où donc tout serait permis, comme, en premier lieu, d'écrire un Batman plus léger, dans des cadres exotiques. Et puis, à bien y réfléchir...
... On se dit qu'en vérité l'initiative de Bendis rappelle celle d'un autre illustre conteur : Darwyn Cooke avec DC : The New Frontier. Car, comme le regretté auteur canadien, Bendis fait oeuvre de mémoire, d'hommage au DCU dans ce comic-book. La bizarrerie de l'entreprise tient moins au fait qu'elle tranche avec l'esthétique habituelle de Batman que parce qu'elle renoue avec la fantaisie délirante de ses aventures durant le Silver Age (la même époque donc que celle où se déroulait DC : The New Frontier), et qui inspirait aussi le run de Grant Morrison.
Le plus plaisant reste que cela n'a pas l'air de réclamer d'efforts particuliers à Bendis, il écrit ça comme s'il le faisait depuis toujours. Et ce sentiment est renforcé par les dessins de Nick Derington bien entendu, car l'artiste ne fait pas mystère de l'influence du Batman des années 50 sur son travail. Il a d'ailleurs illustré de nombreuses couvertures de rééditions de cette époque (comme Evan Shaner, autre dessinateur au style rétro).
Derington n'est pas embarrassé par les références du personnage, il l'anime comme si personne n'y avait touché depuis soixante ans, avec une sorte de candeur, très élégante, très dynamique. Ce traitement s'applique à tout : les seconds rôles (avec un Hal Jordan bien plus sympathique que dans la continuité actuelle par exemple), les décors (le western est un élément évidemment exotique par rapport à ce qu'on imagine de Batman).
Mais ça n'empêche pas Derington de faire preuve de beaucoup de dextérité dans son graphisme. La scène de bagarre entre Batman et Jonah Hex contre les sbires de Vandal Savage en "gaufriers" de douze cases est un modèle du genre. La fluidité des mouvements, des enchaînements, est extraordinaire et en même temps très sobre.
Il y a quelque chose d'irrésistible dans cette histoire. Alors n'y résistez pas, laissez-vous balader comme Batman, tant pis si (au moins pour l'instant) ça n'a ni queue ni tête et que cet oeuf de Fabergé est bien capricieux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire