vendredi 23 août 2019

BLACK HAMMER / JUSTICE LEAGUE : HAMMER OF JUSTICE ! #2, de Jeff Lemire et Michael Walsh


Le crossover entre Black Hammer et Justice League se poursuit et il est toujours aussi divertissant. Jeff Lemire a l'art et la manière pour conter une histoire à la fois simple et nébuleuse, que le dessin de Michael Walsh sert parfaitement. Si les deux équipes interagissent peu, les situations s'enchaînent et captivent.


Rockwood. Bruce Wayne se fait arrêter par le shérif Trueheart, las qu'il patrouille à sa place. Lorsqu'il rentre à la ferme, Clark Kent l'attend. Mais, contrairement à ce que lui reproche son ami, il ne s'est pas résigné à son sort.


Metropolis. Le gang Back Hammer affronte Starro le conquérant de manière désordonnée. Gail s'énerve après Mme Dragonfly et Abe après Barbalien. Visiblement, les héros manquent d'exercice.


Mais des renforts arrivent en la personne du Martian Manhunter, Hawkgirl et Aquaman. La crise s'apaise mais les membres restants de la Justice League exigent au gang du Black Hammer des explications sur la disparition de leurs partenaires.


Le seul qui pourrait les éclairer est loin de là : le colonel Weird est appréhendé par le Green Lantern Corps. Mais il convainc John Stewart de le suivre dans la Para-Zone  et de remonter le temps à la recherche du mystérieux individu qui a déplacé leurs équipes.


Retour à Rockwood. Diana Prince trouve Vic Stone/Cyborg seul dans une pièce plongée dans le noir de la ferme. Il refuse de sortir pour ne pas effrayer les locaux. Diana lui répond qu'il doit réagir, en hommage au sacrifice de Flash...

Jeff Lemire ne fait rien comme les autres et logiquement son crossover ne ressemble pas à une de ces sagas spectaculaires comme en produisent les "Big Two". Il a su ne pas se troubler en animant la Justice League et imposer l'esprit qui domine dans la série Black Hammer.

La preuve la plus flagrante se situe dans le dernier quart de l'épisode, à l'écart de ce qui se joue avec les membres du Black Hammer gang et de la Justice League. La clé de l'intrigue passe par le colonel Weird, ce qui garantit un développement et un dénouement échappant à toutes les conventions - vu le désordre mental du personnage.

Appréhendé par le Green Lantern John Stewart, il lui fausse facilement compagnie, le temps d'un détour très drôle dans le monde de Bizarro (où il découvre des répliques dégénèrés de ses amis). Puis il convainc ensuite Stewart de le suivre dans la Para-Zone, ce nexus familier aux fans de Black Hammer. Dans cette dimension parallèle, on voit le passé, le présent, le futur, et donc comment toute cette étrange histoire a débuté.

Dans ces scènes, tout l'art du décalage, du démarquage de Lemire fait merveille : Stewart dépend de ce cinglé de Weird qui, pourtant, détient la solution de l'énigme. C'est drôle, curieux, exquis. Parce que ça ne ressemble à rien de ce qu'on pourrait attendre d'une telle production.

Avant et après cette espèce de parenthèse, le scénariste réussit à saisir de façon rapide et précise la frustration des membres de la Ligue coincés à Rockwood (Bruce Wayne qui patrouille, Clark Kent qui ne se résigne pas, Diana Prince qui bouillonne, Cyborg qui se cache), avec en prime une dernière page glaçante concernant le sort de Flash (un clin d'oeil évident au fait que le speedster est souvent sacrifié dans les Crisis). Plus convenu, ce qui arrive aux membres du Black Hammer gang compense par la tonicité des échanges entre les personnages (impayables répliques de Gail et Barbalien - notamment quand il indique au Martian Manhunter que tout le monde sait que les vrais martiens sont rouges).

Si on s'emballait, on pourrait dire que Michael Walsh n'a pas grand-chose à faire car le script est brillant et n'a guère besoin d'un dessin flamboyant. Mais justement l'humilité de l'artiste est ce qui donne sa valeur à sa contribution.

Effectivement, les situations s'enchaînent, dynamiques, pleines de relief, mais Walsh tient le rythme et les met en valeur sans se mettre en avant. Dans ce switch imposé par l'intrigue, lui aussi a choisi de privilégier l'ambiance de Black Hammer - qu'on pourrait appeler fantastique tranquille. Pas question de défigurer le propos avec des doubles pages qui claquent (même si celle qui voit John Stewart et Weird dans la Para-Zone est superbe). Walsh reste la plupart du temps au niveau des personnages, de leurs réactions, de leurs expressions.

L'intimisme prévaut, les interactions entre les héros dominent. Mais ce n'est pas austère, juste sobre.

Peut-être manque-t-il encore un peu plus de folie à tout cela pour réellement transcender l'exercice de style. Mais ses fans le savent, Lemire avance sans se presser pour mieux les cueillir. Hammer of Justice ! a encore bien des surprises en réserve. 

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