Pour sa seconde saison (car le show n'a pas été renouvelé pour une troisième année), Chance avait le redoutable objectif de faire sinon mieux, au moins aussi bien que son premier acte. Sans démériter (comme The Girlfriend Experience qui avait le même challenge), il faut bien reconnaître que Kem Nunn et Alexandra Cunningham ont failli dans ses dix nouveaux épisodes.
Eldon Chance (Hugh Laurie)
En 1990, deux adolescents, Frank Lambert et Matthew Debbs, tuent Stevie Benjamin, un de leurs camarades pour une broutille, mais sans témoins et donc sans être inquiétés. Debbs souffre pourtant de l'obsession d'une mère mentalement perturbée, qui croit entendre la voix de Dieu lui intimer, pour salut, de supprimer son fils et tentera de se suicider, en s'égorgeant, pour éviter de commettre l'irréparable. Seul un détective de la police, Kevin Hynes, s'intéressera à cette affaire, qui deviendra le dossier de sa vie.
Le détective Kevin Hynes (Brian Goodman)
En 2006, Frank Lambert, désormais procureur adjoint de San Francisco, retrouve son ami Matthew Debbs : il a changé de nom, s'appelant maintenant Ryan Winter, et dirige une entreprise florissante spécialisée dans l'informatique grâce à laquelle il a fait fortune. Psychotiques, les deux hommes reforment leur duo pour commettre une série de meurtres en s'en prenant à des femmes que Lambert attire et que Winter élimine en les égorgeant. Mais tout dérape quand Frank abat un informateur de Kevin Hynes : le crime s'étant déroulé dans un quartier proche de celui où réside Winter, le détective est convaincu que Winter y est mêlé au même titre que les meurtres des autres victimes.
Ryan Winter et Eldon Chance (Paul Schneider et Hugh Laurie)
Pour confondre Winter, Hynes, qui a enquêté un an auparavant sur l'affaire Blackstone, fait chanter Eldon Chance pour obtenir son aide : le neuropsychiatre a fermé son cabinet pour intégrer une clinique dont la directrice, Kristen Clayton, est aussi sa maîtresse, et s'occuper de rescapés de crimes violents et d'agressions. Pour étudier de près Winter, Chance l'attaque en traître un soir puis le fait hospitaliser et lui offre de rejoindre la thérapie collective qu'il dirige.
Lorena et "D" (Ginger Gonzaga et Ethan Suplee)
En parallèle, Chance sollicite le concours de "D", avec lequel il continue de mener des expéditions punitives contre des hommes qui maltraitent ses patientes, mais pour fouiller la luxueuse villa de Winter. C'est ainsi que l'inquiétant colosse fait la connaissance de la bonne de l'affairiste, Lorena, mexicaine en situation illégale en Amérique : contre toute attente, elle accepte de devenir sa complice et il s'éprend secrètement d'elle. Winter présente des signes évidents de troubles, jouissant lors des récits de femmes battues, et demande à Chance de devenir son confident - plusieurs fois alors, le docteur est sur le point de lui faire avouer ses crimes quand son patient ne se défile pas ou que son avocate, Lyndsay, véritable mère de substitution, ne s'interpose.
Le procureur adjoint Frank Lambert, le Dr. Kristen Clayton, l'assistant Barry Gilyard
et Eldon Chance (Tim Griffin, Elizabeth Rodriguez, Chris Greene et Hugh Laurie)
La vie privée de Chance complique sa mission : sa fille, Nicole, amoureuse d'un garçon de son collège, est victime d'une rumeur propagée par une camarade, jalouse, et elle s'en prend violemment à cette dernière pour se venger. L'affaire aboutit à des poursuites judiciaires mais l'adolescente échappe à la prison grâce à un témoignage de Kristen Clayton, avant que Christina Chance, sa mère, ne décide, unilatéralement, de l'envoyer à Clearview, un centre de redressements pour jeunes en difficulté. Nicole ne tarde pas à en fuguer pour se cacher dans un squatt et en espérant que son père la recueillera.
Eldon Chance et Ryan Winter
Lambert attire Hynes dans un piège chez Winter en lui garantissant des aveux de ce dernier mais le détective se fait tuer par le procureur adjoint. Lorsque Chance apprend la nouvelle, il a à peine le temps de la réaliser car une de ses victimes, à lui et "D", l'a identifié et signalé à la police. Libéré sous caution, le docteur et son complice fuient à Tijuana où "D" a décidé de négocier la tranquillité de Lorena, harcelée par son ex-mari qui veut récupérer l'enfant qu'elle porte. Winter, lui, préfére se rendre aux autorités et passer aux aveux, bouleversé par l'assassinat de Hynes et la disparition de Chance : Lambert soudoie un gardien pour maquiller sa mort en suicide.
Eldon Chance et "D"
Au Mexique, "D" règle son compte à "El Martillo", l'ex-mari de Lorena ; tandis que Chance apprend le décès de Winter. En se souvenant d'une photo d'école dans le bureau de Lambert où ce dernier figurait aux côtés de Winter, le docteur est désormais convaincu que les deux hommes étaient complices pour tous leurs crimes. Il convainc "D" de regagner San Francisco pour pousser Lambert aux aveux, croisant sans le savoir Nicole que recueille Lorena. Pour Chance, le voyage se terminera par une résolution terrible, le forçant à ne plus vivre aux Etats-Unis : il rend leur fille à sa femme et ouvre une clinique de fortune que "D", en couple avec Lorena, l'aide à remettre en état...
J'ai linéarisé l'histoire et en ai coupé des éléments pour en tirer un résumé clair et qui préserve quelques fausses pistes alimentant le suspense de l'intrigue. Mais c'est que ce second acte de Chance pèche par sinuosité et il faut s'armer de patience et être bien attentif pour en saisir toutes les subtilités.
Certes, ceux qui ont suivi la première saison me rétorqueront qu'elle n'était pas plus simple, multipliant les chausse-trappes et s'appuyant sur des protagonistes psychologiquement très complexes, mais il me semble quand même que les showrunners, Kem Nunn et Alexandra Cunningham, ont compliqué à loisir ces dix nouveaux épisodes, ce qui a nui à l'intensité du propos.
Au début, pourtant, il y a la promesse d'un face-à-face anthologique entre un tueur et notre héros neuropsychiatre, placé dans une situation critique puisqu'un flic, ayant enquêté sur l'affaire Blackstone, le fait chanter pour piéger un suspect. Chacun se méfie de l'autre et cherche à le dominer pour le contrôler, la partie s'annonce serrée...
Alors qu'est-ce qui ne fonctionne pas ? Plus qu'un gros problème d'écriture, le scénario échoue à accrocher sur la durée en abusant d'ambiguïtés. La culpabilité de Winter est avérée rapidement, mais trois hommes aussi pugnaces et malins que Chance, "D" et Hynes n'arrivent pourtant pas à le faire tomber, ni en le poussant aux aveux, ni en collectant suffisamment de preuves accablantes. Le téléspectateur devine bien que se trame un subplot expliquant l'impunité du tueur, en dehors de sa fortune et de son caractère retors, mais sa révélation se fait trop attendre et quand elle a lieu, elle paraît plus opportunément pratique que crédible.
Dès lors, le rythme s'accélère, les révélations s'enchaînent - le rôle-clé de Lambert, le piège se refermant sur Hynes, le lien unissant Hynes à son indic - mais en déplaçant sa cible, la série se met presque à raconter autre chose dans son dernier tiers. Et comme, simultanément, les événements périphériques à l'intrigue, en relation avec la vie familiale de Chance, se succèdent, une impression de trop-plein s'impose : il se passe trop de choses pour que notre intérêt se stabilise, reste focalisé sur la nécessité de confondre Lambert.
Les scénaristes ont voulu (trop) justifier les comportements des uns et des autres, particulièrement en ce qui concernent Chance et sa fille - la théorie avancée est que Nicole a hérité des mêmes désordres psychologiques que son père et reproduit donc ses erreurs en société. La romance entre "D" et Lorena est aussi inutilement encombrée par le fait qu'elle a été mariée à un chef de cartel mexicain dont il faut régler le compte pour permettre au nouveau couple de s'aimer tranquillement. La liaison de Chance avec Kristen Clayton, sa relation orageuse et accablée avec son ex-femme Christina, l'homosexualité refoulée de Hynes, l'influence psychotique de Lambert sur Winter, la folie de la mère de ce dernier deviennent autant d'éléments qui parasitent plus le récit qu'ils ne l'enrichissent, trop d'informations, de rôles mécaniquement utiles pour résoudre des récits secondaires.
Dans ces conditions, la fin devient un va-et-vient lassant entre Mexique et Etats-Unis et la conclusion sur fond de rédemption pour Chance après être passé de thérapeute à justicier à bourreau a un peu du mal à passer. Cela ne peut pas aussi bien se finir, comme l'admet d'ailleurs le héros à un moment-clé avant que son envie de punir ne reprenne le dessus.
Dommage pour Hugh Laurie qui est une fois de plus magnétique dans ce rôle si tendancieux, et ses partenaires - en particulier l'impressionnant Ethan Suplee. Mais il semble que ni la critique ni le public n'aient été convaincus : Hulu a choisi logiquement d'interrompre l'aventure, il n'y aura pas de saison 3 (même s'il y avait un potentiel pour cela).
Chance a eu sa vérité : c'était un projet sensationnel en un acte. L'avoir prolongé, en le rendant plus compliqué que meilleur, l'a prouvé.
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