dimanche 17 décembre 2017

ROCKET RACCOON, VOLUME 1 : A CHASING TALE, de Skottie Young et Jake Parker


Le succès du premier film adapté de la série Guardians of the Galaxy a logiquement motivé Marvel à exploiter le titre comme une franchise. Ainsi a-t-on vu paraître une mini-série consacrée à Gamora, puis une série sur Drax (vite annulée), mais ce sont celles dédiées à Star-Lord puis à Rocket Raccoon qui ont le plus les faveurs du public. Dans le cas de cette dernière, le raton-laveur disposait d'un atout maître en la personne de Skottie Young, génial cover-artist qui assumait le scénario et le dessin (pour les 4 premiers épisodes de ce recueil).


- A Chasing Tale. Qui cherche à compromettre Rocket Raccoon en le faisant passer pour un meurtrier - quand bien même il a tué son compte d'extra-terrestres mais sans être un psychopathe ? C'est ce que le raton-laveur génétiquement modifié, en congé des Gardiens de la galaxie, va tenter de comprendre après s'être rendu à la police qui l'a repéré dans le public d'un match de catch auquel participait son ami Groot. Détail troublant : la jeune femme qui accompagnait le héros, Kaleeko, est en relation avec la princesse-général Amalya, sauvée trois ans auparavant par Rocket mais qui, désormais, cherche à l'occire...


Emprisonné dans la plus terrible geôle de Devin-9, Rocket a tôt fait de s'en échapper avec le concours de Groot. Une fois dehors, il négocie avec Macho Gomez, un vieil ami, un rendez-vous avec Funtzel, caïd intergalactique, susceptible de lui fournir des informations sur celui qui se fait passer pour lui. Mais en route, Rocket, Groot et Macho croise les Ex-Terminators, l'armada dirigée par Amalya.


Par miracle, les trois gredins réussissent à semer leurs assaillantes et rejoignent le domaine de Funtzel. Celui-ci jure d'abord ignorer tout de l'affaire qui amène Rocket avant d'évoquer le Livre du Demi-Monde. Ce recueil de fables serait d'après le raton-laveur une série de textes authentiques dans laquelle il est cité. Soudain l'endroit est plongé dans le noir et la cible de tirs nourris. Rocket aboutit à la seule pièce éclairée et découvre son double tenant Groot en otage !


Le sosie de Rocket se démasque : il s'agit du mercenaire Rabbit Jack O'Hare, qui a voulu se venger parce que, trois ans auparavant, le raton-laveur, en libérant Amalya d'un vaisseau dans la zone de Krakel, l'a privé d'une fortune Les deux ennemis s'empoignent mais sont interrompus par les Ex-Terminators, toutes furieuses d'avoir été séduites puis abandonnées par Rocket. Une bataille s'engage au terme de laquelle le raton-laveur a le dernier mot contre Amalya. Les Gardiens de la galaxie débarquent pour récupérer Rocket et Groot.


- Storytailer. Groot raconte à sa manière, unique (puisqu'il ne sait prononcer que trois mots "I am Groot"), l'histoire d'une aventure dite de "la carte" à trois gamins. Avec Rocket il mit la main sur un parchemin qui les mena jusqu'à une salle de jeu. Le raton-laveur joua aux cartes et gagna une clé avec laquelle il tira une épée d'une stèle. Grâce à cette lame, il abattit un géant et récupéra une orbe. Direction : une grotte protégée par des sirènes à l'intérieur de laquelle le fantôme d'un pirate lui donna le choix entre trois coffres. Malheureusement, il ne désigna pas celui qui renfermait le trésor... Seul un des trois gosses a compris cette fable.
  

- Misfits Mech. Pour dédommager les Ex-Terminators, Rocket accepte plusieurs missions ingrates mais rémunératrices. Il est sollicité par le chien Cosmo qui veut son aide pour retrouver les amis de Brute, un robot pacifiste dont les semblables sont capturés puis vendus après avoir été reprogrammés pour guerroyer. Le raton-laveur et son acolyte interviennent en improvisant sur le marché aux esclaves de Baxter Prime. Sa dette réglée, Rocket peut repartir pour de nouvelles aventures mais sans avoir appris le lien entre Cosmo et les robots.

J'ai hâtivement présenté Skottie Young d'abord comme un artiste de couvertures mais cet artiste atypique dessine également des intérieurs, notamment la série sur le monde d'Oz écrite par Eric Shanower. Son style graphique ne ressemble à celui de personne d'autre dans le milieu des comics actuels et Marvel l'a bien compris en lui confiant des variant covers très convoitées par les collectionneurs où, le plus souvent, il réinterprète les héros de l'éditeur dans des versions infantiles et gaguesques.

Qui de mieux dès lors pour animer Rocket Raccoon ? Le personnage est tellement improbable - un raton-laveur génétiquement modifié, qui parle et tire sur tout ce qui bouge, motivé par l'appât du gain - qu'il fallait bien la folie de Young pour lui faire honneur. En associant à ses aventures Groot, l'arbre humanoïde qui ne s'exprime que par une seule phrase ("I am Groot") dont seul Rocket semble comprendre les infinies significations, on sait qu'on ne risque pas de s'ennuyer avec pareil tandem.

Le premier arc de cet album est, à cet égard, un vrai feu d'artifices puisque Young l'écrit et le dessine. Son intrigue file à toute allure dans un délire absolu où se croisent références à des séries télé (Prison Break), au cinéma (Le Parrain), et des détournements irrésistibles (l'armada des Ex-Terminators, une bande de femelles agressives qui ont juré d'avoir la peau du raton-laveur après qu'il les ait séduites et abandonnées). Néanmoins, la solution à l'énigme centrale - qui a usurpé l'identité de Rocket pour le faire accuser de plusieurs meurtres ? - ménage un vrai suspense et des rebondissements mouvementés. Ajoutez-y des dialogues corsées (où même le gros mots censurés restent drôles) et l'affaire est conclue.

Young illustre cela avec le même tonus : sa capacité à représenter les aliens les plus grotesques n'a d'égale que la puissance de feu qu'il déploie pour découper son récit. On évolue en plein cartoon, dans une folie digne de Tex Avery. La rouerie et la férocité de Rocket sont magistralement exprimées pour aboutir, à la toute fin, à un vrai moment d'émotion car l'enquête résolue, on comprend que le héros était aussi mu par l'espoir de ne pas être le dernier de son espèce (cela semble être le cas, même si Young ne développera pas ce subplot ensuite).

Les deux épisodes suivants sont des stand-alone où le graphisme est confié à Jake Parker, qui fait mieux qu'être à la hauteur de Young. Son trait est plus doux mais pas moins expressif. En revanche, son découpage est plus sage, avec une moyenne de cases par planche moins élevée et avec des décors moins fouillés. La contribution de Jean-Marc Beaulieu aux couleurs permet néanmoins d'unifier les histoires, avec une palette tour à tour acidulée et criarde qui participe au panache de la série.

Le récit intitulé Storytailer est un morceau de bravoure (avec les trois dernières pages illustrées par Young au début et à la fin de l'épisode), entièrement raconté par Groot et donc uniquement avec une ligne de dialogue répétée tout du long. Cette chasse au trésor est infernale et très drôle, avec une morale simple mais malicieuse. Misfit Mech, qui termine le recueil, est plus convenu, même si la chute est savoureuse, et les fans apprécieront le rôle de Cosmo, le chien astronaute russe et parlant.

Difficile, pour ne pas dire impossible de résister à ce volume, qui sera suivi et conclu par cinq autres épisodes.

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