Sorti le 14 Juin dernier, j'ignore si ce film se joue encore dans quelques salles, mais si vous en avez l'occasion, payez-vous un ticket pour ce jubilatoire Free Fire de Ben Wheatley.
Chris (Cillian Murphy)
L'intrigue tient sur un post-it mais ça suffit au bonheur de celui qui cherche un plaisir coupable, soit une bonne série B réalisée avec un petit budget mais un casting d'enfer, où on tire (beaucoup) après avoir discuté (un peu) du problème de livrer des armes quand l'un des assistants de l'acheteur a malmené la soeur d'un des sbires du vendeur...
Justine (Brie Larson)
Quatre irlandais, membres de l'IRA, rencontrent à New York, grâce à une intermédiaire, un trafiquant d'armes, pour lui acheter plusieurs caisses de M16. La transaction commence mal quand le client constate qu'il s'agit d'AR70. Mais ce n'est rien par rapport à ce qui va suivre...
Ord (Armie Hammer)
Lorsque le van transportant le lot complet de fusils automatiques rejoint le groupe d'interlocuteurs, le chauffeur reconnaît parmi les irlandais le mec qui a couché et blessé sa soeur la veille au soir. La tension monte d'un cran...
Stevo (Sam Riley)
Après que les intermédiaires des deux parties aient tenté de calmer tout le monde, est commis : le frangin tire sur l'irlandais et provoque alors une gigantesque fusillade dans cet entrepôt désaffecté.
Vernon (Sharlto Copley)
Bientôt, plus personne ne sait qui est avec qui, mais tout le monde est blessé, plus ou moins gravement. Les plus sages veulent surtout fuir l'endroit, d'autres sont résolus à régler leurs comptes, à récupérer les armes, l'argent... Au bout d'une heure trente, il n'en restera plus qu'un seul debout. Mais à quel prix !
Harry (Jack Reynor)
L'action se passe en temps réel et le cinéaste ne cache pas ses influences (Scorsese en premier, qui a d'ailleurs produit le film, mais aussi Peckinpah ou Tarantino avec Reservoir Dogs).
Free Fire est un pur exercice de style, une sorte de gun movie, sans héros, avec un argument-prétexte pour une séance de pétarade hallucinante. C'est régressif, minimaliste, mais brillamment exécuté (c'est le cas de le dire).
Pourtant, Wheatley a soigné la caractérisation - chacune de ces crapules est solidement campé, et les rôles de chacun réservent bien des surprises. Le scénario se déroule avec des rebondissements habilement disposés pour ne pas lasser, et comporte quelques scènes délirantes (Martin, joué par Babou Ceesay, qu'on croit mort rapidement, réinvestit l'action le temps d'une séquence à la fois hilarante et sidérante).
Martin (Babou Ceesay)
Mais ce qui fait surtout la différence, c'est le côté pince-sans-rire de l'entreprise : entre la résignation des uns, la bêtise des autres, tous ces gangsters ont leur moment, leur scène, une ligne de dialogue sensationnels (Chris qui tente de se débarrasser de Ord en se plaignant de son parfum et l'intéressé qui précise que c'est l'odeur de sa lotion pour barbe ; Vernon dont Justine souligne qu'enfant il a été diagnostiqué par erreur comme génie, ce qui l'a traumatisé ensuite...).
La caméra manque parfois d'exploiter un peu plus la géographie de ce huis-clos, mais la confusion engendrée et entretenue par cette fusillade brouille finalement aussi bien les repères des acteurs que du spectateur, et donc, c'est bien vu.
Les acteurs, justement, sont tous formidables, du premier choix : Armie Hammer (fameux en king of cool), Brie Larson (loin de jouer la jolie poupée de service), Cillian Murphy (parfait en irlandais pointilleux), Sharlto Copley (grandiose en caïd crétin), Sam Riley (possédé en abruti junkie)...
Futur film-culte, je suis prêt à le parier !
*
Bonus track :
Cette fois, la publication de cette critique a fait moins de vagues, mais en trois réactions, la messe était dite. Premier à dégainer : Hips ! (un type remarquable par ailleurs, mais qui un poil cassant, et qui me fait le même effet que Lee Marvin - bref, quelqu'un qu'on n'a pas envie d'emmerder, mais si ça vous démange). Ce jour-là, il la joue désabusé, comme les grands tragédiens qui sont certains que le cinéma est mort (comme le rock'n'roll) - la preuve : il a détesté Valérian de Besson, mais de toute façon la cause était entendue, Besson l'insupporte comme individu et il avait envie de ne pas aimer le film.
Hips ! :
- J’ai trouvé l’idée ambitieuse mais l’exécution très pénible. C’est réalisé avec les pieds, aucune cohérence dans les directions de regard, on ne sait pas qui est où, c’est un bordel sans nom (et je ne pense pas que ce soit fait exprès. Au contraire, un film aussi chaotique se devait d’avoir une réal solide et carré)
Et à mon sens, pour qu’un film devienne culte il faut au moins qu’il innove, qu’il se distingue, soit sur la forme, soit sur le fond. Sur la forme, on a vu. Et sur le fond, ce film ne raconte rien de plus que “deux gangs de malfrats se tirent dessus dans un hangar“ basta cosi. Ca reste au ras-ras des pâquerettes. M’enfin, on va dire que c’est l’époque qui veut ça, du fun, du fun, surtout rien d’autre.
Puis, je vous le donne dans le mille, Zen Arcade (qui n'a pas vu ce film-là non plus) ajoute son grain de sel.
Zen Arcade :
- Ben Wheatley avait réalisé il y a quelques années un bon Kill list, sorte de variation post-moderne sur le thème du classique horrifique briton The Wicker man.
C'était roublard mais ça tenait bien la route. Et ça justifie bien le petit culte dont le film est aujourd'hui l'objet.
Malheureusement, comme c'est souvent le cas avec ce genre de petits malins, sa filmographie tend depuis à rapidement s'enliser, comme semble le laisser apparaître ce Free fire.
Puis Gilles C., un gars vraiment marrant, très philosophe et malicieux (même si certains interprètent ça comme de la condescendance... Avec laquelle il flirte parfois), tire le rideau.
Gilles C. :
- Sauf qu'il faut rarement croire UN forumer, et que ce film est qualitativement en réalité entre l' appréciation d'Hips et celle de Wildcard (et l'on remarquera que c'est souvent ici le cas.)
Ce post a déplu à Hips ! qui l'a qualifié d' "antilogie" peu après.
Mais cette hyper-réactivité, épidermique, et quelquefois alimenté par des gens, instruits mais n'ayant pas vu ce dont on parle, résume parfaitement l'ambiance d'un forum (surtout comme Buzzcomics) : on vous y fait croire que c'est un espace de discussions sympa, courtois, respectueux de l'autre, alors que c'est une arène.
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