vendredi 8 mai 2015

Critique 613 : CONVERGENCE SHAZAM #1 (of 2), de Jeff Parker et Evan Shaner


CONVERGENCE SHAZAM #1 : RETURN OF THE THUNDER est le premier épisode d'une histoire complète en deux parties, écrit par Jeff Parker et dessiné par Evan Shaner, publié en Avril 2015 par DC Comics. 
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Rien ne va plus à Fawcett City : un dôme a recouvert la ville et prive ses protecteurs, Shazam, Mary Marvel et Captain Marvel Jr, de leurs pouvoirs magiques. L'inquiétude croit dans la population civile et pour ne rien arranger, Sterling Morris et l'oncle Dudley, les amis de Billy Batson, sa soeur Mary et Freddy Freeman (alter ego des super-héros suscités), se comportent de manière suspecte.
Une filature conduit les trois adolescents dans une bouche de métro et leur révèle l'identité des malfrats à l'origine de la situation. Mais, à la surface, une autre bataille commence entretemps...   

Tout d'abord, avant d'aller plus avant dans la critique de ce comic-book, il faut préciser le contexte du crossover Convergence.
Késako ?
Une mini-série hebdomadaire en neuf épisodes et une vingtaine de diptyques dont l'intrigue est la suivante : piégés dans des mondes-bouteilles par Brainiac, des super-héros provenant de différents espaces-temps sont rassemblés pour des expériences. Au même moment, Telos, une créature née de l'assimilation d'une planète hors du temps par Brainiac, entre en jeu pour tester la résistance des héros de ces mondes parallèles.

En vérité, il s'agit pour DC Comics de combler une béance dans ses parutions pendant deux mois, le temps nécessaire pour achever son déménagement de son siège historique à Broadway (New York) jusqu'à Burbank (Californie) : toutes les séries régulières s'interrompent pendant 60 jours mais l'éditeur a eu l'idée de proposer à ses lecteurs une collection de récits complets en deux parties sous la même bannière.
C'est aussi l'occasion de prêter les clés à des auteurs différents, chargés d'animer des personnages méconnus ou peu exploités, dans leurs versions antérieures au reboot des séries (la fameuse "Renaissance" initiée en Septembre 2011).

Au regard des previews, il y a à boire et à manger dans cette initiative, où les équipes artistiques qui jouent les intérimaires ne sont pas toutes d'un niveau fabuleux. Mais dans le lot, la paire composée par Jeff Parker (par ailleurs scénariste d'Aquaman) et Evan Shaner (qui a fait équipe, avec succès, avec Parker l'an dernier sur huit épisodes de Flash Gordon, chez Dynamite Comics - le recueil devrait sortir à la fin Mai) a particulièrement retenu mon attention car : 1/ j'aime bien ce qu'écrit cet auteur, 2/ j'ai suivi depuis longtemps l'éclosion de ce dessinateur (repéré sur le site comictwart), et 3/ ils se réunissent ici pour animer Shazam.
Après l'épisode très réussi de la saga The Multiversity par Grant Morrison et Cameron Stewart consacré au Captain Marvel original (Thunderworld adventures - voir critique 552 de ce blog), c'est une nouvelle opportunité de retrouver ce super-héros attachant, si longtemps mal employé par DC. 

Jeff Parker et Evan "Doc" Shaner jouent le jeu du crossover sans se laisser déborder par lui et c'est une réussite au niveau de la caractérisation et du divertissement, qui peut donc s'apprécier indépendamment du reste de la production liée à Convergence. On peut dire que le scénariste et le dessinateur se sont vraiment bien trouvés depuis leur collaboration sur Flash Gordon, sans oublier que Shazam est le héros favori de Shaner depuis toujours : cette complicité se ressent vivement dans ce premier épisode et aboutit à une des lectures les plus rafraîchissantes du moment.

Parker ouvre son histoire en citant le méchant Telos (au coeur du crossover Convergence). Mais ceci est rapidement posé pour mieux se concentrer sur la suite, en l'occurrence les efforts du trio formé par Billy Batson, Mary Bromfield et leur ami Freddy Freeman pour percer le mystère du dôme isolant Fawcett City et bloquant leur accès à la magie.
A qui profite cette situation ? A des ennemis familiers de Shazam, convoqués en nombre par Jeff Parker qui s'amuse comme un fou avec les éléments de la série originale des années 40 sans jamais égarer le lecteur (l'imagination débridé du scénariste lui a parfois, par le passé, joué des tours sur ce plan, mais, là, tout reste accessible, compréhensible).

Parker en profite aussi pour interroger, en frustrant Billy Batson (et le lecteur aussi), ce que signifie vraiment pour le garçon d'être aussi le champion de Fawcett City et d'être doté des pouvoirs de Salomon, Hercule, Atlas, Zeus, Achille et Mercure. Il faut ainsi attendre la quinzième page pour que l'adolescent puisse enfin prononcer le mot magique du sorcier et que cela soit suivi d'effet.
Il reste donc six pages (et le second épisode, à paraître fin Mai) pour voir Shazam, Mary Marvel et Captain Marvel Jr en action. Mais cela permet de mieux apprécier la particularité de ces personnages qui sont d'abord des gamins avec des pouvoirs divins, défendant leur ville avec la pureté idéaliste de leur âge et la puissance de leurs autres incarnations. Tout comme Grant Morrison, cette spécifité est donc bien exploitée.

Par ailleurs, la lecture est aussi jubilatoire grâce à la prestation de Evan Shaner, qui réalise là un rêve de gosse et ne déçoit pas. Son trait simple, clair, précis, expressif est merveilleusement adapté, empruntant à la fois à la naïveté du mythique dessinateur du héros, C. C. Beck, mais surtout à l'épure d'Alex Toth.
Pour ceux qui, comme moi, ont eu la chance et la curiosité d'aller souvent sur le blog de Shaner et donc d'observer son travail, c'est la confirmation qu'un grand artiste est en train d'atteindre sa maturité et il faut désormais souhaiter qu'un grand éditeur sache l'employer intelligemment (il devait enchaîner avec 1872, un western tie-in à la saga Secret Wars chez Marvel, mais a finalement déclaré forfait, trop fatigué pour assurer des épisodes à la hauteur de son exigence).
Mais Shaner est très à l'aise et il aime réellement cet univers, ces personnages, qu'il connaît et représente avec justesse, même quand ce sont des seconds rôles connus de seulement quelques initiés (comme Mr. Atom, le tigre Tawky Tawny, l'oncle Dudley). Son Dr Sivana est également impeccable, sans avoir à rougir de la comparaison avec celui de Cameron Stewart. 

Il faut aussi saluer la colorisation de Jordie Bellaire : la compagne de Declan Shalvey n'a pas volé sa place de nouvelle star des coloristes, avec sa palette toujours aussi enchanteresse, quel que soit le comic-book dont elle s'occupe (et son agenda est bien rempli, aussi bien chez les "Big Two" que chez les indés). 
Sa complémentarité avec Shaner est éclatante et ajoute à la beauté des planches. On aimerait vraiment que ces deux-là (avec ce scénariste) continuent longtemps à "sévir" ensemble (ah, si DC avait la bonne idée de leur confier une série régulière avec ce Shazam après la parenthèse Convergence...). 

Bien accueilli dans l'ensemble par la critique (en attendant un bilan côté lecteur), Convergence Shazam #1 est une vraie pépite, dont le dénouement promet beaucoup (je ne spoile personne en annonçant que le Batman de Gotham Gaslight sera de la seconde partie puisque c'est annoncé dès le début). Vivement la suite donc (et même plus si affinités) !

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