lundi 1 novembre 2010

Critiques 175 : SPIROU ET FANTASIO, TOME 50 - AUX SOURCES DU Z, de Yann, Morvan et Munuera


Aux sources du Z est le 50ème tome de la série (sans compter des HS, comme ceux de Frank Le Gall ou Emile Bravo) et le dernier réalisé par le tandem formé par Morvan et Munuera, à l'origine de critiques féroces de la part des fans. Yann, le créateur de la superbe série Pin-Up (avec Berthet), s'est joint à l'aventure pour l'occasion, sans que cela calme personne...
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Le problème de cet album est résumé dans son titre qui est une fausse promesse : la némésis des héros, Zorglub, a beau figurer au premier plan sur la couverture et être un des acteurs principaux de l'histoire, il n'y est que pauvrement traîté, à contre-emploi.
Non, au lieu de ça, les auteurs ont voulu, au lieu d'un album classique mais efficace, humble mais solide, marquer le coup en proposant un récit dont l'ambition est déplacée, citant sans finesse ni éloquence le passé glorieux et se voulant audacieux mais n'étant qu'artificiel. Il n'est pas compliqué de comprendre ce qui a tant déplu dans cet opus prétendant tout réinventer et n'aboutissant qu'à une entreprise révisionniste arrogante, au dénouement miné pour la suite.
Voir Spirou frapper son double, Fantasio sombrer dans l'inconséquence ou le duo être carrèment haineux envers Zorglub (qui est plus ridicule que dangereux et qui a toujours été dominé par les héros), c'est vraiment dérangeant. Et ne mentionnons pas le fait que Spirou gifle les femmes uniquement quand il en tombe amoureux : carrèment douteux...
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L'histoire s'articule autour de voyages dans le passé, qui doivent permettre d'éviter un accident dont les conséquences coûteront la vie à Miss Flanner, amour de jeunesse et collègue de Zorglub et Champignac. Ce prétexte en vaut bien d'autres et il est l'occasion de revivre des scènes mémorables de la série. La mission est menée sur un rythme alerte, à défaut d'être souvent drôle et inspiré, et le dénouement approchant, l'on se dit que, sans être fameux, le contrat est rempli.
Hélas ! In fine, les scénaristes imposent un twist stupide qui entraîne les héros dans une direction incongruë et surtout réécrit toute la continuité du personnage de Spirou et sa relation avec Fantasio. Une astuce pire que grossière (de la part d'auteurs sachant qu'ils vont être remplacés et piègent leurs successeurs) mais vulgaire et racoleuse (concluant des trames précédemment tissées par Morvan et voulant "moderniser" la mythologie de la série).
Faire table rase du passé en s'embarquant dans la création de réalités parallèles aboutit rarement à des chefs-d'oeuvres dans les comics super-héroïques, où cette solution ne fait qu'embrouiller des franchises déjà fort complexes. Importer ce procédé et le greffer à un titre comme Spirou n'est pas plus heureux et témoigne d'un orgueil pathétique de la part de Morvan.
Car il s'agit bien de la confrontation entre deux visions de deux scénaristes : d'un côté, Yann a certes voulu dynamiser le groom mais tient à une interprétation "canonique" du personnage, aveec son costume, son caractère à la fois sympathique et intrépide ; de l'autre, Morvan a voulu faire évoluer le personnage hors de son cadre (quitte à l'entraîner vers le manga) et n'a fait que l'abîmer, le banaliser, en effaçant son histoire cavalièrement.
Etrangement, alors que ce livre aspirait à une révolution, il a surtout révèlé l'incompatibilité d'humeur entre ses auteurs et laissé à d'autres le soin de réparer les dégats. La faute de Dupuis, l'éditeur, n'est pas négligeable là-dedans et sa réputation en sort entâchée.
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Reste les dessins de José Luis Munuera : son travail n'a pas non plus fait l'unanimité durant son passage sur le titre. Pourtant il reste ce qu'il y a de meilleur dans cet album : son trait vif et élégant, tout en rondeur et en souplesse, ne singe personne et se révèle très agrèable (même si la colorisation est assez fade).
C'est peu et l'artiste a fait les frais de ce gâchis puisqu'il a également été remplacé.
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50ème tome qui devait à la fois être une célébration et un renouveau, Aux sources du Z est en fait une bande dessinée où, à la fin, tout doit être vigoureusement et rigoureusement repris en main.

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