vendredi 12 novembre 2010

Critique 179 : LUCKY LUKE CONTRE PINKERTON, de Pennac, Benacquista et Achdé

Lucky Luke contre Pinkerton est le quatrième tome des aventures de Lucky Luke d’après Morris. Le scénario est signé Daniel Pennac et Tonino Benacquista et les dessins sont de Achdé.
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Lucky Luke, la légende de l'Ouest, va-t-il devoir prendre sa retraite ? C'est ce que laisse penser l'apparition d'un nouveau personnage, se définissant comme « la loi en personne, le bras justicier du président Lincoln, le nouveau héros du pays », alias Allan Pinkerton. Le fondateur de la première agence de détectives privés aux Etats-Unis et garde du corps d’Abraham Lincoln a en effet entrepris de remplacer le cowboy et de rétablir l'ordre dans le pays en appliquant la "tolérance zéro" et le fichage systématique.
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S'inspirant d'un fait réel (le complot de Baltimore), comme le faisait René Goscinny, les romanciers Daniel Pennac et Tonino Benacquista ont imaginé une aventure très rythmée, parfois drôle, mais aussi étrangement mélancolique et contemporaine, faisant feu de tout bois.
La critique du fichage des citoyens, de la rumeur d’un attentat, de la suspicion et la délation, de l’emprisonnement abusif et la surpopulation carcérale, donne à ce tome de Lucky Luke une coloration nettement politique, même si les auteurs jurent n'avoir voulu que divertir sans dénoncer.
En tout cas, comme Vehlmann et Yann avec le 51ème Spirou (Alerte aux Zorkons), les deux scénaristes font souffler un vent de renouveau dans une série qui s'essouflait, soignant les dialogues, les situations, revenant aux basiques tout en s'en moquant (l'hystérie de Joe Dalton qui se plaint de ne plus être arrêté par Lucky Luke).
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Mais l'excellence de l'écriture ne doit pas masquer la déception graphique : Achdé a pris la succession du génial Morris en reproduisant son trait, sans égaler son brio. Là où un titre comme Spirou a toujours su (avec plus ou moins de bonheur, certes) accueillir des styles différents, empêchant la série de se figer dans l'âge d'or de Franquin, Lucky Luke (comme Blake et Mortimer) n'a pas su s'offrir un artiste capable de le réinventer, d'oser une nouvelle approche.
Cela se laisse lire, mais on ne peut éviter d'imaginer ce que cela aurait pu être avec un peu plus d'originalité visuelle : Achdé est un faussaire, il imite plus qu'il ne dessine, et il ne dessinera jamais aussi bien que Morris, dont la virtuosité en faisait l'égal des monstres sacrés du 9ème art franco-belge (Hergé, Jijé, Franquin...).
Dommage.
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Un album inégal, rédigé avec talent, mais mis en images pauvrement.

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