dimanche 24 octobre 2010

Critique 174 : CADAVRE EXQUIS, de Pénélope Bagieu

L'héroïne de ce récit complet est Zoé, une jeune femme qui travaille comme hôtesse dans des salons. Elle doit y supporter des visiteurs peu élégants et des exposants indifférents, et ses collègues quand elles ne se moquent pas d'elle la poussent à se reconvertir pour échapper à ce job qui lui déplaît.
Sa vie privée n'est pas plus réjouissante : elle partage son appartement avec son fiancée au chômage, qui passe son temps devant la télé, en sous-vêtements, et pète au lit !
Alors qu'elle déjeune, lors d'une pause, sur un banc public, elle remarque qu'un homme l'observe à sa fenêtre. Zoé sonne chez lui pour utiliser ses toilettes et fait ensuite sa connaissance au cours de visites ultérieures. Il s'appelle Thomas Rocher, est écrivain, ne sort jamais de chez lui. Bientôt, ils deviennent amants et elle s'installe chez lui.
Mais pourquoi Thomas Rocher ne quitte jamais son domicile ? Et comment se fait-il qu'il soit considéré comme mort, comme le découvrira Zoé en entrant dans une librairie pour y trouver ses ouvrages ?
Le secret de son amant, partagé par son éditrice (et ex-femme), va sidérer l'héroïne et aboutir à un renversement de situation particulièrement malicieux...
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Révèler le twist du scénario serait criminel mais je peux vous garantir qu'il s'agit d'une trouvaille très astucieuse et bien menée. Alors bien sûr, on peut être réservé par quelques points de l'intrigue comme la rencontre entre Zoé et Thomas, assez artificielle ; le caractère soumis et sôt de l'héroïne ; la relation saphique qui se noue entre elle et l'ex-femme/éditrice à la fin...
Mais tout cela est largement compensé par la description inspirée et piquante des névroses de l'écrivain (en particulier son effarant égocentrisme) ; la fluditié de la narration ; le rythme soutenu de l'histoire ; le fait que l'auteur resserre son récit sur un trio de personnages ; et l'humour subtilement retors de l'ensemble ; le naturel des dialogues.
Pénélope Bagieu possède une vraie voix, personnelle et énergique, qui la distingue de la "chick-lit" (cette littérature pour filles horripilante, dégoulinante de clichés hérités de séries télé comme l'abominable Sex and; The City) à laquelle on pourrait hâtivement la rattacher.
Et si Cadavre exquis ne suffit pas à vous en convaincre, visitez le blog de l'artiste - http://www.penelope-jolicoeur.com/ - et lisez ses posts illustrés - de vraies pépites de drôlerie sur la vie quotidienne.

Les dessins témoignent d'un trait rapide, qui va à l'essentiel. On peut lui reprocher un manque de détails dans les décors, mais la majorité de l'action se déroulant en intérieur, dans un cadre dépouillé, cela n'est finalement pas gênant.
Et là encore, le talent de Bagieu pour les expressions, les positions, son découpage sobre mais vif, font de ces 124 pages un vrai bonheur de lecture.
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Vous ne connaissez pas Pénélope Bagieu : réparez vite cela, vous ne le regretterez pas, la demoiselle a autant de charme que son oeuvre.

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