Le pénultième numéro de cette maxi-série fait feu de tout bois, confirmant le redressement opéré par son scénariste. Sam Humphries nous entraîne, avec ses héros, à Apokolips et convoque Superman, la figure récurrente, le modèle, de manière très ludique, pour une réflexion sur l'héroïsme. Joe Quinones, lui aussi, est en grande forme et produit parmi ses planches les plus inventives. De quoi être confiant pour le grand final.
Les SuperMiguels déboulent à Apoklips pour y dérober le K-Dial, le dernier des quatre cadrans magiques, grâce auxquels Mr. Thunderbolt va pouvoir reconfigurer tout le Multivers en dotant ses habitants de super-pouvoirs.
Mais Summer Pickens est là aussi et fait face à Granny Godness. Elle lui cède volontiers le K-Dial en lui expliquant que cet appareil est maudit et consume l'âme de son utilisateur. Summer peut rejoindre l'Opérateur et élaborer avec lui un plan pour accueillir les SuperMiguels et Mr. Thunderbolt.
Les quatre SuperMiguels ne tardent pas à apparaître dans la Hérovers et Summer utilise le C-Dial pour se transformer en Lolo KickYou afin de les affronter. Mais la bataille est inégale et la jeune fille est vite dépassée par ses adversaires.
Mr. Thunderbolt surgit et peut s'emparer du K-Dial. Il expédie Miguel, qui a voulu reprendre sa forme humaine, et Summer dans le néant, et il gagne Metropolis où ses fidèles l'attendent dans son quartier général situé au sous-sol du "Daily Planet".
Ensemble ils composent sur le quatre cadrans le numéro 52 (F-I-F-T-Y-T-W-0). Le Multivers tremble sur ses bases, toutes les dimensions sont affectées. Mr. Thunderbolt, ivre de puissance, peut remodeler à sa guise le continuum espace-temps.
Comme aux plus belles heures de la maxi-série, débutée il y a presque un an maintenant, cet épisode prouve l'imagination de ses auteurs. Sam Humphries et Joe Quinones (avec l'aide, pour ce dernier, du coloriste génial qu'est Jordan Gibson) n'ont pas seulement revitalisé un vieux concept de DC mais produit une saga ambitieuse. Le résultat n'aura pas toujours été égal en qualité, parce que le projet initial a été modifié à mi-parcours et que cela a affecté la construction du récit, mais on peut dire que l'équipe artistique n'a pas manqué de panache pour être à la hauteur de la conclusion.
Car, sauf un impair terrible, la fin de Dial H for Hero saison 2019-2020 promet d'être grandiose. Certes, ce onzième épisode ne s'attarde pas assez sur le passage à Apokolips, pourtant longtemps attendu et abondamment "teasé" par le scénariste comme l'étape la plus spectaculaire, mais quand le fond faillit, la forme le rattrape et assure au lecteur un divertissement jubilatoire.
Bien entendu, lorsqu'on s'arrête dans le coin le plus terrible du Quatrième Monde créé par Jack Kirby, impensable de ne pas signer le chapitre par une référence appuyé au "King of comics". Et Quinones s'amuse énormément à pasticher le style visuel de son illustre aîné, toujours avec la même virtuosité.
Mais le dessinateur ne s'en contente pas : il consacre une pleine page au plan de fabrication d'un K-Dial à la manière d'une fiche de jeu dans un magazine (à vous de choisir si vous découperez une page de votre revue...). Puis, plus loin, pour représenter le retour de Lolo KickYou, le double super-héroïque de Summer Pickens, il renoue avec le trait manga propre au personnage et un découpage ultra énergique (avec un "gaufrier" explosif).
Cette folie graphique reste l'atout maître de la maxi-série, ce par quoi le projet a vraiment été transcendé, au risque parfois de flirter avec l'exercice de style. Mais Quinones est un artiste hors du commun, visiblement porté par le récit et inspiré par le scénario de Humphries.
Ce dernier a profité pleinement de l'histoire pour visiter divers pans du DCU, mais la figure centrale de son histoire reste Superman, et il le convoque à nouveau via les SuperMiguels. On reconnaît des versions parodiques du Superman cyborg, de Connor Kent... Mais c'est surtout un prétexte pour réfléchir à la notion de héros incarné par le kryptonien et ses avatars. Que se passerait-il si cela était dévoyé ?
En se laissant corrompre par Mr. Thunderbolt, en cédant à la tentation du pouvoir, Miguel fait l'apprentissage de la duperie. Son nouveau mentor le double sans scrupules au moment où il récupère les quatre cadrans magiques avec lesquels il peut reformater le Multivers selon son délire (en conférant à tous des super-pouvoirs). Comme Miguel, Thunderbolt veut faire le Bien, corriger ce qu'il a vécu comme une injustice dramatique (la perte d'un être proche et aimé), mais son comportement trahit à la fin de cet épisode une mégalomanie qui dépasse toute noblesse.
C'est le complexe du Messie, qui risque de perdre tout super-héros et envahit tout super-vilain. L'Opérateur ne ressort pas non plus grandi de l'affaire car son laxisme, sa propre faiblesse (Mr. Thunderbolt n'est que l'autre partie de lui-même), a précipité la situation et il s'en est remis à deux enfants pour la corriger.
Tout cela confirme que, sous ses airs légers, Dial H for Hero est plus profond et trouble qu'il n'en a l'air. Il ne reste plus qu'à boucler la boucle en beauté, ce que cet avant-dernier chapitre prépare avec brio.
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