jeudi 14 novembre 2019

X-MEN #2, de Jonathan Hickman et Leinil Yu


Dans les comics, si le premier épisode est délicat à produire car il lui faut accrocher le lecteur, le deuxième l'est sans doute encore plus car son auteur doit confirmer ses bonnes dispositions. Jonathan Hickman aime se compliquer les choses puisqu'il s'est fixé l'objectif de nous passionner avec une histoire animée par Cyclope, Rachel Summers et Kid Cable. Et Leinil Yu, serait-on tenté d'ajouter. Mais le résultat est épatant !


Après les événements tragiques des derniers jours sur Krakoa (cf. X-Force #1), Cyclope sollicite l'aide de sa fille Rachel et son fils Nathan pour une mission peu ordinaire. Une île est apparue au large et Krakoa se déplace vers elle, alors qu'elle est peuplée de monstres.


Précédés par Vega et Aurora qui ont reconnu, par les airs, la zone, le trio atterrit sur ce territoire inconnu. Il progresse dans une jungle touffu jusqu'à ce qu'il rencontre sa faune, d'abord inoffensive puis plus terrifiante.
  

Dans le cratère du volcan actif de cette île, un enfant albinos est prévenu de la présence des visiteurs et part à leur rencontre. Mais ils ne réussissent pas à communiquer. Kid Cable (Nathan Summers) prend une initiative sournoise et hostile en offrant une grenade à l'enfant qui la dégoupille.


Survivant à l'explosion, il riposte en invoquant trois démons. La bataille s'engage jusqu'à ce que Rachel réussisse à parler télépathiquement avec l'enfant. Les représailles cessent en même temps que les deux îles fusionnent.


A la nuit tombée, l'enfant, dans une clairière, est rejoint par Apocalypse à qui il explique être le fils de Guerre, un de ses anciens cavaliers. En Sabbah Nur promet de les protéger, lui et l'île, qui n'est autre que Arakko, la moitié originelle de Krakoa.


Comme le premier épisode, cette histoire est un done-in-one, un récit complet. Mais déjà on devine que Jonathan Hickman pose les bases d'une intrigue secondaire qu'il développera certainement dans l'avenir proche - on sait que la série aura un rythme de parution soutenu (douze épisodes dans les huit premiers mois). Tout comme il l'avait fait avec un retour sur la station Orchis dans le #1.

Pour ceux qui sont un peu familiers des productions du scénariste, aussi bien chez Marvel que chez Image, des motifs se distinguent, se détachent : l'enfant albinos renvoie à des personnages comme on en a vus dans ses New Avengers aussi bien que dans East of West ou Black Monday Murders. Il s'exprime dans une langue incompréhensible aux autres (même si, là, Hickman se contente de le signaler en entourant de crochets les paroles, alors que, ailleurs, il invente des glyphes vraiment cryptiques). C'est aussi une créature surpuissante sous son allure frêle (en l'occurrence un Invocateur, capable de recevoir l'aide de trois démons).

Cela fait écho avec les X-Men puisque, depuis HoX-PoX, Hickman a souligné le caractère particulier de la société mise en place par les mutants sur Krakoa. Ces derniers se comportent désormais comme une nation souveraine, peuplée d'êtres supérieurs, et n'acceptant le dialogue avec autrui qu'à leurs conditions. En présence de ce jeune garçon étrange, dont l'identité et les origines sont intimement liées à son île et à Krakoa mais surtout à Apocalypse, les X-Men sont face à un autre, à la fois semblable à eux et très différent (au point qu'ils ne soupçonnent pas dans quelle mesure).

Hickman aime les défis et avec les X-Men, il semble volontiers s'amuser à se fixer des contraintes que ses pairs évitent et qui laissent le lecteur perplexe. Ainsi, la perspective de lire une aventure conduite par Cyclope, Rachel Summers et Kid Cable n'a a priori rien d'excitant. De ces trois-là, ma favorite est Rachel (dont Hickman a conservé le dernier pseudo, Prestige, donné par Marc Gugghenheim durant son run sur X-Men : Gold). Cyclope a été totalement corrigé. Et Kid Cable est l'invention improbable de Ed Brisson durant la mini-série Extermination (où les cinq X-Men originaux ont été renvoyés, de manière musclée, à leur époque).

Pourtant, le scénariste réussit à créer une dynamique plaisante avec ces trois personnages, surtout parce qu'il ne s'appesantit jamais sur leur parenté artificielle (en effet Rachel comme Nathan Summers proviennent de réalités alternatives et ne sont pas réellement les enfants de Cyclope). Mais voir Cyclope donner du "your old man" à ses deux pseudo-rejetons et assister aux chamailleries entre Kid Cable (dépeint comme une sorte d'ado vicieux et arrogant) et Prestige (complice de son père et peu impressionnée par son frangin) a quelque chose de spécialement savoureux - et plus abouti, parce que moins superficiel, que le repas de famille des Summers du précédent numéro.

Côté dessin aussi, l'épisode est périlleux car Leinil Yu n'affiche pas la grande forme. L'artiste apparaît absent, en pilotage automatique, sa prestation est paresseuse, sans énergie. Il faut un script impeccablement écrit pour soutenir des images aussi désincarnées. Comme d'habitude désormais, Yu est à son avantage quand rien ne bouge, mais dès que ça s'anime, les compositions de ses plans, son découpage sont d'une mollesse terrible, figés par l'encrage de Gerry Alanguilan (qui suit au plus près le trait de Yu, sans lui donner la moindre nuance, la moindre texture).

La plus belle scène qu'ils arrivent à pondre est la dernière, entre l'enfant et Apocalypse, au clair de lune, dans une clairière. Soudain on retrouve un Leinil Yu inspiré, avec un encreur investi, bien soutenus par les couleurs de Sunny Gho.

Quant aux événements relatifs à X-Force #1, très rapidement évoqués, il confirme que le Pr. X n'est sans doute pas vraiment mort (de toute manière, la mort est devenue accessoire pour les mutants, comme on a pu le voir dans HoX... Et comme le confirment les images des couvertures des futurs numéros).

Outre cela, en tout cas, c'est un épisode épatant. Comme on dit, c'est une belle période pour être (à nouveau) fan des X-Men. 

Aucun commentaire: