mardi 5 mars 2013

Critiques 380 : REVUES MARS 2013

 Marvel Knights 7 :

Spider-Man / Punisher / Daredevil : L'Effet Oméga (#1-3/3 - Avenging Spider-Man #6 + Punisher #10 + Daredevil #11). Daredevil, en possession du disque Oméga contenant la liste des organisations criminelles et de leurs activités, tient en respect toutes celles-ci mais est aussi devenu pour cela l'homme à abattre.
Après avoir consulté Reed Richards (car le disque est composé à partir de molécules instables) pour faire tomber le Spectre Noir (et calmer les autres malfrats qui le menaçaient), DD reçoit l'aide de Spider-Man, que lui a envoyé le leader des 4F.
L'affaire se corse quand le Punisher, accompagné de Rachel Cole-Alves, vient lui aussi réclamer le disque, dont les données lui seraient précieuses pour mener sa croisade contre le crime.
Tous ensemble, ces justiciers vont tenter de neutraliser les organisations ennemies, mais leurs méthodes et leurs objectifs divergent : pour Daredevil, il s'agit de garder la main ; pour Spider-Man de confier le disque aux Vengeurs ou au SHIELD ; pour le Punisher et Rachel de l'exploiter.

Greg Rucka et Mark Waid ont uni leurs forces et leurs héros pour ce crossover qui permet de faire converger les intrigues des séries Avenging Spider-Man, Punisher et Daredevil (ce dernier demeurant le pivot de l'histoire).
Le résultat est très efficace et ne traîne pas en longueur ni ne convoque tout le ban et l'arrière-ban des héros comme dans un event. Le noeud du problème reste le disque Oméga et les effets qu'il provoque à la fois sur les trois protagonistes, dont les intérêts ne sont pas les mêmes, et leurs adversaires, unis pour le meilleur et le pire face aux justiciers et soucieux eux aussi de s'emparer de l'objet pour dominer le crime organisé.
Le plus remarquable, au-delà du récit (dont le dénouement reste ouvert, comme vient ensuite le souligner l'épisode #12 de Daredevil), c'est la description psychologique des trois héros, dont les chemins se sont maintes fois croisés par le passé et qui représentent chacun une conception de la justice (traditionnelle chez Spidey, plus perverse avec DD, plus expéditive avec le Punisher). Au trio vient s'ajouter Rachel Cole-Alves, qui pimente leurs échanges et manque de peu de faire basculer le plan dans une direction alternative.
Tout cela est en tout cas exemplairement dirigé par Rucka et Waid.

Pour donner une unité visuelle au crossover, Marco Checchetto (l'artiste régulier du Punisher de Rucka) a dessiné les trois épisodes et rend une copie de très haut niveau. Il maîtrise parfaitement Spidey (dont il a déjà dessiné quelques épisodes) et le Punisher et son interprétation de DD est excellente également. Il sait aussi donner du caractère à Rachel sans lui ôter sa féminité.
Aussi à l'aise dans les scènes dialoguées que dans les moments où l'action domine, il confirme tout le bien qu'on pouvait déjà penser de lui.
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Daredevil (#12 : Flash-back à la fac). A l'occasion d'un rendez-vous amoureux avec Kirsten McDuffie, Matt Murdock tente à la fois de convaincre la jeune femme qu'il n'est pas Daredevil tout en revenant sur un épisode de sa jeunesse lorsqu'il sauva la mise à son ami et associé Foggy Nelson, pris en grippe par un de leurs professeurs de Droit.

Mark Waid a, avec le personnage de Kirsten McDuffie, introduit un élément féminin dans son casting depuis qu'il a relancé la série, qui lui permet à la fois d'exploiter le thème développé par Bendis (la révélation de la double identité de Matt Murdock) et par Brubaker (la situation sentimentale de l'avocat après sa séparation dramatique avec Milla Donovan).
Avec cet épisode, il revient aussi sur les origines de l'amitié entre Matt et Foggy, soulignant déjà la suffisance du premier mais aussi son efficacité comme juriste. Waid réussit aussi à garder le cap sur les conséquences du crossover L'effet Oméga avec un cliffhanger qui est accrocheur.
Encore un sans-faute.

Cet épisode est aussi le premier que dessine Chris Samnee, qui ne va pas tarder à devenir l'artiste régulier (et unique) de la série. Il est déjà parfaitement à l'aise avec les personnages et maintient lui aussi le niveau d'excellence graphique du titre depuis son relaunch. Un régal.
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Punisher (#11 : Le grand bluff). L'inspecteur Walter Bolt a fourni plusieurs fois des infos au Punisher et doit à présent en répondre devant sa hiérarchie en racontant sa dernière rencontre avec le justicier lors d'une soirée particulièrement animée en plein centre ville de New York.

Un des talents de Greg Rucka a toujours été de donner de la chair à ses seconds rôles, et ce faisant de contribuer à souligner le charisme du héros principal. C'est ainsi qu'est construit cet épisode où l'inspecteur Bolt, bien que chargé d'appréhender le Punisher, lui sert surtout d'indic : le scénariste définit à la fois l'un tout en continuant d'évoquer l'autre. C'est malin et très réussi. Surtout qu'il n'oublie pas l'action, avec le coeur de l'épisode occupé par une délirante variation sur les zombies.

Mirko Colak poursuit son remplacement de Marco Checchetto (qui a signé les dessins du crossover L'effet Oméga), et il le fait avec brio. Son style est moins affirmé et il abuse un peu d'effets faciles (décors peu détaillés, copiés-collés faciles), mais rien de bien grave, surtout qu'il sait aussi rendre expressifs ses personnages et bien orchestrer l'action. Comme fill-in, c'est en tout cas une très bonne pioche.
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Le Soldat de l'Hiver (#4 : Gare aux dormeurs...). Bucky Barnes et la Veuve Noire ont réussi à approcher le Dr Fatalis dont l'ex-première ministre, Lucia Von Bardas, a utilisé un des Fatalibot pour le piéger. Celle-ci s'est aussi assuré les services du Fantôme Rouge pour réactiver des soldats formés par Bucky. Mais reste encore à connaître la finalité de ce plan...

L'intrigue de Ed Brubaker est plutôt tortueuse. Ce n'est pas un reproche en soi puisque le scénariste a mixé les figures super-héroïques à celles des récits d'espionnage, où tout le monde joue sur plusieurs tableaux pour des objectifs ne se révélant qu'à la toute fin. En somme, Winter Soldier a les défauts de ses qualités : on avance à tâtons, sans toujours saisir où ça veut en venir, mais en même temps c'est assez accrocheur pour qu'on ait envie de savoir où ça va. Et puis, quelle ambiance, quel rythme : on ne s'ennuie pas et on est à la fois curieux et anxieux, ce n'est pas tout cuit et prévisible.

Butch Guice est lui aussi en grande forme depuis qu'il illustre cette série, et son dessin profite du remarquable encrage de Stefano Gaudiano et des couleurs de Bettie Breitweiser. Visuellement aussi, Winter Soldier propose quelque chose d'ambitieux, mais par de vrais pros dans leur partie.
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Bilan : excellent. Débarrassée de Ghost Rider, avec un crossover très bien mené, et trois séries superbement animées, la revue vous en donne pour votre argent et vous entraîne vers autre chose que du super-héros classique, formaté. Merci.
Before Watchmen 2 :

Minutemen (#2/6 : La minute de vérité - Nos années dorées). Captain Metropolis et Larry Schexnayder ont réuni tous les justiciers masqués apparus en 1939 pour former le groupe des Minutemen. Leur première mission est un pathétique échec à cause d'une méprise sur l'ennemi qu'ils croyaient avoir localisé. Mais des membres du groupe comprennent aussi que Schexnayder entend d'abord privilégier l'aspect publicitaire et positif des héros plutôt que l'utilité publique de leurs objectifs et la vérité sur leurs vies privées...

Passée une courte mais déjà acide séquence d'ouverture, Darwyn Cooke ne perd pas de temps pour montrer la formation du groupe (avec à la clé une page hilarante sur les prétendants). L'auteur tient aussi à souligner, suivant le point de vue d'Hollis Mason/ le Hibou, que l'histoire des Minutemen, leurs relations, leurs missions et leurs moeurs n'avaient rien de flamboyant : le personnage de Shexnayder (le mari du Spectre Soyeux et impresario de l'équipe) est là pour signifier que l'entreprise était minée dès le début, entre intérêts commerciaux (l'appât du gain du Comédien) et soucis d'image (le ridicule de leur première sortie déguisé en réussite, l'homosexualité sado-masochiste entre Metropolis et le Juge Masqué, la croisade de la Silhouette, les scrupules du Hibou).
Cooke cerne très bien les protagonistes et ne les épargne pas, respectant la vision d'Alan Moore. C'est brillant et caustique à la fois.

Graphiquement, le dessinateur continue de rendre hommage au travail de Dave Gibbons (qui lui-même s'inspira de Steve Ditko, comme nous l'apprend un article dans la revue), avec un usage abondant du "gaufrier", qui donne à l'action un cadrage très rigoriste, précis, et rythmé. Comme d'habitude avec Cooke, la lecture est d'une fluidité diabolique, à la fois simple et très dense. Superbe.
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Spectre Soyeux (#2/4 : Découvrir le monde). Laurie a fugué avec son petit ami, direction San Francisco en plein "flower power". Mais le mouvement hippie de la Côte Ouest a aussi son revers avec le trafific de drogues qui frappe la communauté des jeunes qu'elle fréquente. Pour Laurie, il est temps d'arrêter Gurustein, le dealer à l'origine de tout ça, et ainsi de marcher dans les pas de sa mère, le premier Spectre Soyeux...

Darwyn Cooke s'est visiblement beaucoup amusé dans cette évocation de Frisco à la fin des 60's où il entraîne la jeune Laurie. L'épisode est à la fois très drôle, parfois coquin (il n'est fait aucun mystère de la liberté sexuelle en vogue alors), avant d'amorcer un virage plus trouble et inquiétant (le cliffhanger est accrocheur). Il réussit surtout à montrer comment la jeune fille, qui a fui sa mère, va lui succéder comme héroïne sans même qu'elle se pose la question (alors que dans le précédent chapitre, elle s'y refusait). C'est très malin, d'autant que le rythme toujours aussi soutenu et le contenu riche en péripéties ne laisse pas de répit au lecteur.

Amanda Conner fait une paire parfaite avec Cooke. Son dessin à la fois cartoony et précis s'épanouit pleinement dans un découpage millimétré (là encore, grâce à l'usage du "gaufrier" à neuf cases). Elle donne une sensualité fraîche à son héroïne, s'amuse à caricaturer des figures célèbres de l'époque (on reconnaîtra les Beatles ou les Kinks), reproduit à la perfection les costumes et les décors de San Francisco et se hippies. C'est un bonheur.
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Le Comédien (#2/6 : I get around). Après l'assassinat de JFK, Eddie Blake est désormais aux côtés de bobby Kennedy, sur le point de se présenter aux présidentielles. Mais en Asie, le conflit vietnamien s'enlise et le Comédien y est envoyé à la fois pour galvaniser les troupes mais aussi veiller à divers trafics locaux qui permettent de financer les intérêts américains...

Après un début raté, Brian Azzarello, sans briller, n'a pas beaucoup de mal à faire mieux dans ce deuxième épisode où le Comédien part au Vietnam aussi bien pour guerroyer que magouiller. Il n'empêche que le résultat reste poussif, n'apportant pas grand'chose au personne et ne s'inscrivant pas beaucoup plus dans un "avant Watchmen" (les faits détaillés ici sont déjà évoqués dans la mini-série originale). Bref, ça ne décolle pas.

Visuellement, JG Jones n'est pas plus inspiré. A force de se concentrer davantage sur la ressemblance des personnages secondaires avec leurs modèles, il ferait mieux de soigner son découpage, paresseux, et le dynamisme de sa mise en scène. C'est peut-être consciencieusement fait mais ennuyeux à lire.
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Le Hibou (2/4 : Certaines choses sont inévitables). Le Hibou fait désormais équipe avec Rorschach, mais leur collaboration reste délicate, comme le prouve cette affaire de meurtres de prostituées sur laquelle ils enquêtent et qui les amènent à croiser la mystérieuse et sulfureuse Dame du Crépuscule...

Comme Azzarello avec le Comédien, J. Michael Straczynski avait raté son premier round et se rattrape avec cet épisode. Le scénariste s'intéresse autant au Hibou/Dan Dreiberg qu'à Rorschach, et puise (complaisamment) dans leurs enfances pour justifier leurs carrières de justiciers et expliquer leurs différences méthodologiques.
Là où c'est plus intéressant et osé, c'est quand JMS fait entrer en scène la Dame du Crépuscule, dont il se sert pour dynamiser les relations entre les deux hommes mais aussi signifier le côté crapoteux de l'époque, de leurs missions. Ce n'est pas très raffiné, mais savoureux quand même.

Andy et (surtout) Joe Kubert illustrent ça très bien. L'encrage (qui tient plus de la finition très ouvragée) de Kubert Sr est extraordinaire, donnant une texture, un aspect "crade", rustre et très sensible à chaque image, plus fort que les dialogues et la voix off. 
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Ozymandias (#2/6 : La main qui les a ridiculisés). La mort de Miranda St-John, son amante, a décidé Adrian Veidt à embrasser la carrière de justicier masqué en traquant un trafiquant de drogue. Son objectif atteint, il s'intéresse au passé des Minutemen et en particulier à celui du Juge Masqué, qui a disparu subitement sans laisser de trace après la dissolution du groupe et la mort de certains de ses membres. Mais il n'est pas le seul à mener l'enquête...

Malgré une narration toujours aussi ampoulée, avec une voix-off envahissante, et des dialogues ridiculement théâtraux, Len Wein parvient à donner un peu plus de nerf à son histoire en l'articulant autant comme la quête intérieure du personnage que comme une enquête sur le passé des Minutemen. On sent un frémissement alors qui peut laisser espérer que la série va se dynamiser, même si c'est timide et surtout abusivement bavard.

Jae Lee illustre plus qu'il ne fait de la vraie bande dessinée avec Ozymandias. Le résultat produit des images parfois splendides mais glacées, esthétisantes à l'excès. C'est dommage car, quand il met enfin en scène une vraie séquence, il réussit une double page extraordinaire, tout en silhouette, avec une fluidité et une inventivité remarquables. Souhaitons donc que les prochains chapitres insistent sur l'action et non sur le bla-bla, pour qu'on ait une série à la fois toujours aussi belle mais plus tonique.
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La Malédiction du Corsaire Sanglant (#2 : Le Diable des profondeurs). No comment : je n'ai pas lu.
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Bilan : un n° 2 globalement plus enthousiasmant. Seul le Comédien reste très décevant. Mais avec les Minutemen et le Spectre Soyeux, on tient deux belles et bonnes séries. Quant au reste, c'est encourageant, sans être 'encore) renversant.

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