dimanche 24 février 2013

Critique 379 : SPIDER-MAN - LIFELINE, de Fabian Nicieza et Steve Rude

Spider-Man : Lifeline est une mini-série en trois épisodes, écrite par Fabian Nicieza et dessinée par Steve Rude, publiée en 2001 par Marvel Comics.
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La réapparition d'une tablette magique
rappelle à Peter Parker une ancienne aventure
vécue par son alter ego, Spider-Man...

Tout commence à une soirée donnée pour la présentation publique de la Tablette de Vie, une pièce rare découverte par l'achéologue Louis Wilson et sur laquelle serait gravée une formule permettant d'acquérir l'immortalité. Mais cette relique est convoitée par plusieurs malfrats : l'avocat véreux Caesar Cicera s'est payé les services de "Man Mountain" Marko et de l'Anguille pour la dérober tandis que le mafieux Hammerhead compte sur Boomerang pour la récupérer et le Dr Curt Connors alias le Lézard pour la déchiffrer.
Spider-Man enquête pour connaître les motivations des deux camps, avec l'aide ponctuelle d'Arthur Stacy (le frère du défunt Capitaine de police George Stacy) et du Dr Strange (qui va interroger Namor, le prince de mers sur les origines de la tablette et ses pouvoirs réels).
Hammerhead commet pourtant l'erreur de sous-estimer le Dr Connors, qu'il croit sous sa coupe en ayant enlevé sa femme et son fils, car celui-ci en voulant profiter de la formule de la tablette pour se débarrasser du Lézard va échapper à tout contrôle.
Par ailleurs, le Tisseur doit faire face avec cette affaire à des interrogations personnelles car une telle pièce lui permettrait peut-être de ressusciter des êtres chers qu'il a perdus, comme son oncle Ben, son premier amour Gwen Stacy ou sa femme Mary-Jane Watson...
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 La tablette intéresse bien du monde et 
chacun pour des raisons distinctes...

Quand Marvel produit cette mini-série, c'est un projet qui s'inscrit dans une collection de récits auto-contenus réalisés par des équipes prestigieuses : il s'agit d'histoires "self-contained", en marge des aventures disponibles dans les autres mensuels consacrés à Spider-Man. Mais les auteurs en profitent aussi pour faire référence à des épisodes plus anciens, datant du début de la série : ainsi Lee Weeks développera une tryptique (Death and destiny) revenant en détail sur la mort du Capitaine Stacy, et Fabian Nicieza imagine ici une suite à l'histoire (volume 1, #72-75) de 1969, par Stan Lee et John Romita Jr.

Le premier mérite de Lifeline est de rester parfaitement compréhensible pour ceux qui (comme moi) n'ont pas lu la première histoire de la tablette de vie. Néanmoins, un bref rappel des faits est fourni dès la page trois du premier épisode. Mais le scénariste argentin change certains acteurs principaux pour son récit (exit le Caïd, Silvermane et le Shocker).
Ensuite, on plonge dans trois épisodes avec Spider-Man. Logique, direz-vous. Mais il est quand même nécessaire de le souligner car Peter Parker n'apparaît plus après la page 7 du premier épisode (à l'exception d'un flash-back). Ce détail a son importance pour la suite car on comprend alors que l'action va primer sur le cocktail habituel de la série du Tisseur, où la représentation du héros en civil est aussi importante que celle du justicier. La place accordée à des seconds rôles comme J. Jonah Jameson, l'irascible rédacteur-en-chef du "Daily Bugle", Robbie Robertson, son bras-droit, ou Tante May est quasi-inexistante, voire totalement absente. Et on peut remercier Nicieza de sortir des clous ainsi pour se concentrer sur l'action, se contentant d'évoquer rapidement les éléments de la vie privée du monte-en-l'air.
Les motivations des personnages sont très bien décrites et variés alors que le casting est consistant : Cicero veut la tablette de vie pour son usage personnelle et l'Anguille comme "Man Mountain" Marko sont ses hommes de main, des mercenaires classiques ; en face les mobiles d'Hammerhead demeurent longtemps mystérieux et dévoilent une sentimentalité inattendue chez ce gangster au look "cartoon-esque", tandis que la vilénie de Boomerang aiguise la détresse morale de Curt Connors - ainsi quand le Lézard apparaît, son entrée en scène est vraiment spectaculaire car attendue par le lecteur (et son objectif déjoue alors les pronostics).
Nicieza rend une copie très inspirée, avec une galerie de personnages bien incarnée, une intrigue aux rebondissements multiples et spectaculaires, des séquences d'action efficaces, des interrogations morales crédibles, et une touche d'humour rappelant Stan Lee qui aèrent le récit. La présence du Dr Strange et de Namor (dont le loisir de sculpteur fournit un gag savoureux) contribuent à la richesse de l'ensemble sans que cela ne freine la progression dramatique, au contraire.
Je ne connaissais pas le travail de ce scénariste, mais on retrouve chez lui ce qu'on peut aimer chez des auteurs fans de comics classiques comme Kurt Busiek ou Mark Waid : un sens de la narration simple, dense, et tendue, avec juste ce qu'il faut de distance par rapport au genre. Un régal.
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 Cerise sur le gâteau : les superbes couvertures
peintes par Steve Rude.



 De l'art de bien utiliser le "gaufrier".

C'est toujours un plaisir de lire une bande dessinée illustrée par le génial Steve Rude - pour peu qu'il dispose d'une histoire à la hauteur de son talent, et c'est ici le cas.
Admirateur des artistes du "Silver Age", comme John Romita Sr, "the Dude" s'est employé à coller au style d'un de ses maîtres mais sans le singer (à la manière de ce qu'il a fait pour Thor : Godstorm, avec Jack Kirby). Il est en prime encré par l'excellent Bob Wiackek (dont on n'entend hélas ! plus beaucoup parler...).
Que dire ? Voilà des planches admirables : chaque case est bien remplie, chaque personnage bien campée, expressif, chaque cadrage juste et inventif... Et quelle élégance dans le trait ! Quelle méticulosité dans le traitement des attitudes, des lumières et des ombres, dans la représentation des décors ! Voyez comment Rude, en utilisant la plus élémentaire des techniques de découpage, le "gaufrier" (à six cases, d'égale valeur), fait vivre la planche, n'a jamais besoin de dépasser le cadre pour bien cerner l'action, pour fluidifier les enchaînements !
C'est somptueux, tout simplement : du très grand art !
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Ne cherchez pas bien loin pour vous procurer cette aventure : Paninicomics l'avait éditée sous le titre Ligne de vie en Août 2001 dans "Spider-Man Hors Série 3" (couverture ci-dessous), et on peut trouver la revue pour trois fois rien sur le net. Alors, selon la formule convenue, ne vous en privez pas ! 

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