mardi 21 juin 2011

Critique 239 : JLA - HEAVEN'S LADDER, de Mark Waid et Bryan Hitch

JLA : Heaven's Ladder (Ascension en vf) est un récit complet écrit par Mark Waid et dessiné par Bryan Hitch, publié en 2000 par DC Comics.
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La plus ancienne race de l'univers, née juste après le big bang, arrive au terme de son existence, mais son développement intellectuel supérieur l'a détachée du concept de la mort et il redoute donc cette échéance. Pour y remédier, ils décident donc de kidnapper littéralement toutes les planètes peuplées et y envoient des agents, les Dormeurs, pour élaborer leur Paradis. La Terre est donc enlevée sous les yeux de la JLA qui vont tâcher de raisonner ces ravisseurs hors normes. Mais l'équipe de super-héros devront affronter les Dévots, opposés à ce qu'ils considèrent comme un suicide prémédité de leur race...
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C'est un "graphic novel" exceptionnel que ce JLA : Ascension, compte tenu de son équipe créative, de son sujet et son format (72 pages).
Grant Morrison et Mark Waid ont, à la fin des années 90-début des années 2000, refondé la série de la Ligue de Justice d'Amérique en s'appuyant sur une idée forte : plus que toute autre formation, celle-ci réunit les plus grands héros de la Terre (et d'ailleurs), les plus puissants, les plus célèbres de la firme DC Comics. C'est donc une sorte de panthéon, un ensemble de dieux, d'envergure mythologique, protégeant les mortels et l'univers.
Waid a eu, ici, l'idée de confronter ces surhommes à une race de dieux primordiaux encore plus puissants, plus énormes, mais proches de la fin et appréhendant ce terminus. Il s'agit donc moins d'une opposition classique entre de gentils héros d'un côté et des super-vilains de l'autre, mais plutôt de ramener la JLA à une dimension plus juste, celle d'une équipe de justiciers tentant de rétablir un équilibre cosmique.
Face à l'ampleur de l'évènement, Superman et ses acolytes semblent soudain bien dérisoires, et la première scène où la JLA assiste, stupéfaits, à l'enlèvement de la Terre, donne d'entrée de jeu un aperçu des forces en présence. Les efforts déployés par le groupe ensuite sont une suite de réponses souvent désespérées et naïves contre ces Dormeurs apeurés et ces Dévots agressifs, bien plus grands et forts qu'eux tous réunis.
Il faut en vérité attendre le dernier quart du livre pour assister à une bataille dans les règles de l'art, face à un Dévot gigantesque et refusant de mourir passivement.
Le résultat est étrange : d'un côté, l'aspect extrèmement spectaculaire du récit est réellement bluffant, mais de l'autre, la démesure et l'arrivée tardive d'un adversaire traditionnel déçoit un peu, sans parler d'une conclusion assez mièvre. On a connu Waid plus inspiré.
Le choix des membres de sa JLA prête aussi à la discussion : pas moins de neuf membres, et pas forcèment tous bien traîtés - ainsi Plastic Man n'est là que pour délivrer quelques blagues (pas très drôles d'ailleurs), Batman et Wonder Woman sont sous-employés, et la présence de Steel (mix de Superman, Iron Man et Thor) interroge. A l'évidence, cette composition n'est pas la meilleure et est trop fournie. Waid favorise ostensiblement Superman, Flash, J'onn J'onzz, voire Aquaman, et paraît hésiter sur quoi faire des autres.
La simplicité de la trame et sa valeur symbolique aurait curieusement certainement mieux convenu à Paul Dini qui, avec Alex Ross, avait réalisé JLA : Justice et Liberté.
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Plus, donc, que le scénario, ce sont les dessins qui justifient l'achat et incitent à l'idulgence : Bryan Hitch, après avoir animé la version subversive de la JLA avec The Authority de Warren Ellis, s'empare avec maestria des héros "originaux".
Il livre des planches sidérantes, dont l'aspect Cinémascope est fantastique. Les personnages ont une allure majestueuse unique, les décors sont immenses, les scènes de combat sont renversantes. L'artiste est vraiment né pour illustrer ce genre d'histoires grandioses aux protagonistes "bigger than life".
Comme pour The Authority, il est encré par Paul Neary et colorisé par Laura Depuy (aka Laura Martin), avec lesquels sa complicité est totale et aboutit à un résultat éblouissant. On en prend plein les yeux.
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C'est davantage un livre sur la déification que sur les super-héros : le livre est impressionnant sur la forme mais un peu simplet sur le fond. A ce titre, il est intéressant de mettre en parallèle ce récit complet grandiloquent et naïf avec la mini-série Identity Crisis (de Brad Meltzer et Rags Moralès) qui, quelques années plus tard, ramènera la JLA et les héros DC dans une réalité plus terre-à-terre et sombre : on peut apprécier les deux tout en relevant l'évolution de l'écriture de ces personnages et des menaces qu'ils affrontent.

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