mardi 7 juin 2011

Critique 235 : ASTRO CITY : THE DARK AGE 2 - BROTHERS IN ARMS, de Kurt Busiek, Brent Anderson et Alex Ross




Astro City : The Dark Age 2 - Brothers In Arms rassemble les Livres 3 (#1-4) et 4 (#1-4), suite de Astro City : The Dark Age 1 - Brothers And Others Strangers et concluant la saga écrite par Kurt Busiek et illustrée par Brent Anderson, qui co-signe également les designs de la série avec Alex Ross, auteur des couvertures, publiée en 2010 par DC Comics via le label Wildstorm.
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1978 : Royal Williams bénéficie grâce à son frère Charles, devenu membre de l'agence E.A.G.L.E., d'une remise de peine. En échange, il infiltre l'organisation criminelle PYRAMID, dont fait partie l'homme responsable de la mort de leurs parents, Aubrey Jason. Alors que Royal séjourne dans un camp d'entraînement de PYRAMID, les forces armées d'EAGLE lancent l'assaut et oblige l'espion à prendre le maquis.
Royal se cache alors dans les bas-fonds d'Astro City, son ancien terrain de chasse, où il subit des pressions des hommes de main du Deacon, le parrain local, pour reprendre du service. Aspirant à une vie normale et se sachant démasqué au sein de PYRAMID, Royal refuse également de jouer les taupes pour EAGLE et Charles décide alors de le remplacer, davantage pour venger leurs parents que pour démanteler l'organisation.
Charles découvre que PYRAMID a placé des "mouchards" dans les Q.G. de toutes les équipes de super-héros (l'Honor Guard, la First Family), et en particulier les Apollo 11, qui peuvent invoquer la puissante entité, l'Incarnate.
Les Apollo 11 capturés, on les force à faire apparaître l'Incarnate qui est corrompu par le leader de PYRAMID et menace alors l'existence du monde. Le héros Point Man, qui s'est lancé avec d'autres justiciers, menés par le Silver Agent, dans l'assaut du repaire de l'organisation, s'empare de l'Innocent Gun, volé à la First Family, pour détruire l'Incarnate. Tout semble être rentré dans l'ordre...

1984 : Royal et Charles Williams réunissent leurs forces pour poursuivre leur traque contre Aubrey Jason, une chasse à l'homme qui les mène hors d'Astro City et en ont fait des gunmen masqués. Pourtant, à chaque fois qu'ils sont sur le point de coincer leur adversaire, celui-ci réussit à leur échapper grâce à des complices oeuvrant à la renaissance de PYRAMID.
Cependant, une nouvelle créature fait son apparition, le Pale Horseman, sortant littéralement d'une faille dimensionnelle provoquée par l'usage de l'Innocent Gun contre l'Incarnate six ans plus tôt. Ce cavalier sur son cheval de feu fait régner la terreur en éliminant tous ceux qui ont commis des crimes pour faire justice ou le mal.
Aubrey Jason oblige le savant Ganss à le dôter de pouvoirs pour qu'il puisse se débarrasser des frères Williams. L'assassin devient Lord Sovereign et le Silver Agent va intervenir pour aider à la fois les frères Williams à le supprimer et Astro City à éliminer le Pale Horsemen.

Epilogue : Royal et Charles confient leur histoire à un journaliste, le chroniqueur vétéran de l'Astro City Rocket, Elliott Mills (cf. Astro City : Life in the big city, #2).
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Après les huit premiers épisodes de The Dark Age (Brothers and others strangers), la question se posait de savoir comment Kurt Busiek allait conclure sa saga, et surtout s'il allait nous offrir un dénouement à la hauteur. Parlons peu, parlons bien : mission accomplie - et avec la manière qui plus est !
D'une envergure déjà impressionnante dans ses deux premiers Livres, le récit ne perd pas son ampleur et sa force dans ses deux derniers actes qui se déroulent sur six ans et nous mènent donc jusqu'au milieu des années 80 (depuis le début, The Dark Age couvrent donc un quart de siècle !). Un des tours de force de Busiek réside même dans la façon dont il boucle dans son épilogue cette fresque à un des premiers épisodes de la série, en convoquant le personnage du journaliste Elliott Mills auquel se confient les frères Williams.
Si, dans le précédent volume, on pouvait être submergé par la profusion d'évènements, de personnages, le foisonnement de péripéties et la noirceur croissante du récit, ce second recueil a l'intelligence de se focaliser sur les frères Williams et leur traque contre l'assassin de leurs parents, Aubrey Jason, véritable fil rouge de l'intrigue. Busiek relie le destin des Williams au complot de l'organisation PYRAMID et au sort de l'équipe de héros cosmiques, les Apollo 11, elle-même associée à l'Incarnate, dont l'apparition constituait un des sommets de Brothers and others strangers.
Le "dossier Apollo 11-Incarnate" bouclé, il reste encore quatre chapitres et Busiek parvient à faire rebondir sa saga en soldant cette fois le compte d'Aubrey Jason, donc des frères Williams, et d'abord parallèlement puis conjointement le sort du Silver Agent. Le rôle du héros dont on avait découvert la raison de la déchéance est un élément-clé de la dernière partie : devenu un voyageur temporel, missionné par d'énigmatiques protecteurs cosmiques, il ne se contente plus d'apparaître providentiellement mais représente la solution au problème posé par le terrifiant Pale Horseman, ultime avatar de cet "âge sombre".
Progressivement, Busiek a montré le surgissement de héros plus violents, étranges, inquiétants, monstrueux, parfois inédits, parfois dérivés de personnages antérieurs (la métamorphose de Simon Magus en Green Man est inoubliable), mais termine son histoire sur une note lumineuse en expliquant comment les Williams ont pris leur retraite de justiciers, lorsque le Samaritan a sauvé les astronautes de la navette Challenger, une intervention symbolique qui a signifié pour eux la fin d'une époque et le début d'une autre.
Le rythme ne faiblit jamais tout au long des 250 pages et, au mot "Fin", on éprouve à la fois le sentiment d'avoir lu un récit extraordinairement dense et parfaitement huilé : une prouesse qui confirme l'exceptionnelle qualité narrative de cette série.
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Brent Anderson et Alex Ross ont de leur côté mis en forme avec maestria la partie visuelle de cette épopée, haute en couleurs, peuplées de créatures mémorables. Qu'Anderson ait dessiné toute la série constitue un idéniable bonus car sa contribution a donné une cohérence esthétique à l'entreprise : son style n'est pas toujours séduisant, son trait a une allure brute, nerveuse, mais quelle force, quelle énergie !
Grâce à Ross et Anderson, Astro City a échappé à ce qui a ruiné Rising Stars de J. Michael Straczynski (autre série marquante née dans les années 90, mais minée par une publication chaotique et l'absence d'un artiste régulier). Loués soient-ils pour cela.
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L'avenir d'Astro City est désormais incertain (un autre album, Shining Stars, collection de numéros spéciaux, vient de paraître) puisque le label Wildstorm a disparu dans la restructuration de DC Comics, dont les dirigeants artistiques (le trio Dan Didio-Jim Lee-Geoff Johns) veulent unifier les créations avec celles du DCverse classique.
Il serait pourtant déplorable qu'un univers aussi original que celui d'Astro City voisine avec les héros de Metropolis, Gotham et compagnie. Souhaitons que cette grande série conserve son identité et son indépendance.

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