mercredi 29 septembre 2010

Critique 167 : UNCANNY X-MEN OMNIBUS, de Chris Claremont, Alan Davis et Olivier Coipel

Pendant 17 ans, la série Uncanny X-Men a été indissociable du nom de son scénariste Chris Claremont : ce dernier s'est emparé des personnages intégrés au titre lors de son relaunch par Len Wein et Dave Cockrum en 1976 et a développé durant un run exceptionnellement long tout un univers au point d'en faire la franchise la plus populaire de Marvel.
Claremont a eu la chance d'être secondé par des dessinateurs de premier plan : Cockrum d'abord, puis John Byrne avec lequel il a co-signé des épisodes inoubliables, Paul Smith, John Romita Jr, Jon Bogdanove, Marc Silvestri...
Il aura fallu un violent différent artistique avec l'éditeur en 1991, alors que Marvel avait restructuré la série et ses spin-off, pour que Claremont cède sa place. Depuis, les X-Men ont connu des périodes inégalement inspirés, mais leur étoile a considérablement pâli et les Vengeurs les éclipsent désormais en popularité.
Aussi, quand j'ai pu acquérir cet ouvrage, pour un prix dérisoire, je n'ai pas hésité, convaincu d'y trouver du matériel de qualité vu les hommes aux commandes de ces épisodes : le retour de Claremont d'une part ; la contribution d'un de ses anciens complices, Alan Davis (avec lequel il lança la série Excalibur) ; et deux chapitres illustrés par Olivier Coipel (avant sa consécration lors de la saga House of M). Et je n'ai pas été déçu.
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Cet Omnibus contient quatre story-arcs :

- The End of History (#444-447) met en scène une équipe à la composition originale - Storm, Wolverine, Nightcrawler, Marvel Girl, Bishop, Sage, Cannonball - dont le statut est devenu bien particulier : ils sont devenus une sorte de brigade de police spécialisée dans les affaires impliquant des mutants. Bien entendu, cela ne va pas de soi pour les autorités humaines et la collaboration se passe mal. Au sein de l'Institut Xavier, la présence d'Emma Frost, devenue la compagne de Cyclops, suscite aussi des tensions.
Dans ce premier récit, le groupe formé par Bishop, Marvel Girl, et Cannonball se rend en Angleterre pour aller prendre des nouvelles de Brian Braddock/Captain Britain et Meggan. C'est ainsi qu'ils vont devoir affronter, en leur absence, la Furie, une créature surpuissante.
Entretemps, les autres membres de l'équipe doivent faire face à une situation dramatique où un jeune mutant meurt en découvrant ses pouvoirs...

- Guess Who's Back in Town (#448-449) oppose l'équipe à Arcade et plus particulièrement à Vipère, qui profite des installations du Murderworld pour attirer les héros dans un piège. Privés de leurs pouvoirs, les X-Men ont fort à faire et Sage est dans le viseur de la tueuse...

- The Cruelest Cut (#450-451) est encore un dyptique et introduit un nouveau personnage, X-23, issue comme Wolverine, avec lequel elle partage certaines facultés, du programme Arme X. Les héros sauront-ils s'en faire une alliée ou compteront-ils une nouvelle ennemie ? En tout cas, la jeune fille est au centre de diverses convoîtises...

- World's End (#455-459) va conduire nos héros en Terre Sauvage, ce territoire hors du temps, hostile, où Marvel Girl et Storm, manipulées, mettront en péril la survie du monde entier. C'est aussi l'occasion pour Betsy Braddock/Psylocke, la cousine de Brian Braddock/Captain Britain, de faire son retour dans la partie, après que tout le monde l'ait crue morte (elle, la première)...
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Ce qui frappe avec ses histoires, c'est leur efficacité et leur sens du spectacle et de l'action - autant dire tout ce qui fait défaut à la série actuellement.
Claremont, qui a bâti sa réputation (sa légende même) sur son écriture feuilletonnesque, avec des subplots courant sur des années, surprend par la brièveté et la nervosité des intrigues : est-ce parce qu'il n'avait pas l'assurance de rester longtemps en place ? Ou pour rompre avec la narration décompressée qui est devenue la norme des comics ? En tout cas, il ne perd pas son temps et, en construisant ses récits selon un plan classique mais imparable (exposition, action, climax), il accroche le lecteur.
L'autre bon point, c'est le choix de se reposer sur une équipe à la composition stable (Cannonball cède sa place, X-23 arrive, Sage se retire, Psylocke revient) et réduite : chaque membre est remarquablement caractérisé par un auteur qui connaît et aime ses personnages, mais continue à s'amuser avec. Il suggère des couples comme ceux de Storm et Wolverine, Nightcrawler et Marvel Girl, Wolverine et X-23, Bishop et Psylocke, qui renoue avec la veine "soap opera" de la série tout en donnant un dynamique au groupe très distrayante.
Ce mélange entre l'action effrenée et des plages romantiques donne de la chair aux récits : chaque X-man travaille pour un autre car il a des liens sentimentaux (amicaux, amoureux) pour lui. C'est simple, mais cette simplicité est payante. Claremont ne se disperse pas en évoquant les élèves de L'institut, il montre les élèves, l'encadrement, et cela suffit pour nous faire comprendre l'environnement dans lequel évoluent les personnages.
Savoir choisir, c'est ce qui distingue un bon scénariste d'un type qui a des idées mais ne réussit pas à nous y intéresser. Même lorsqu'il avait les clés de la maison mutante, Claremont ne perdait jamais cela de vue : d'abord proposer un récit prenant, et ensuite détailler l'arrière-plan.
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Visuellement, ces épisodes offrent parmi ce qu'on peut trouver de mieux : l'immense Alan Davis, qui n'aime pas s'engager durablement sur une franchise, a signé un run exceptionnellement long et sa complicité avec Claremont, pour lequel il a une grande estime, est éclatante.
L'artiste donne tout pour ces histoires, qui ne sont peut-être pas les meilleures de toute la série, mais auxquelles son talent apporte une dimension impressionnante. Admirez l'explosivité du découpage, la variété et la justesse des expressions, le soin apporté aux décors (les séquences en Terre Sauvage sont éblouissantes) : c'est bluffant. Avec un tel illustrateur, c'est comme si on roulait dans une voiture de sport, constamment à toute allure. On en sort un peu essoré car on n'a pas l'habitude d'une telle puissance esthétique, mais on en a vraiment pour son argent.

Les épisodes 448-449 sont dessinés par Olivier Coipel : le français n'était pas encore la star ni l'artiste accompli d'aujourd'hui, mais la facilité avec laquelle il anime ces personnages est formidable. Et puis Coipel comme fill-in de Davis, c'est quand même la grande classe !
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13 chapitres qui vous procureront un vif plaisir : l'alliance d'un scénariste expérimenté et de deux dessinateurs de première classe, de quoi combler le fan le plus blasé !

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