lundi 15 avril 2013

Critique 390 : FABLES 17 - INHERIT THE WIND, de Bill Willingham et Mark Buckingham

Fables : Inherit The Wind est le 17ème tome de la série créée et écrite par Bill Willingham, rassemblant les épisodes 108 à 113, dessinés par Mark Buckingham (#108-112), Rick Leonardi, P. Craig Russel, Zander Cannon et Jim Fern, et Adam Hughes (#113), publiés en 2011-2012 par DC Comics dans la collection Vertigo.
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- Inherit the wind (# 108-111). Trois récits s'entrecroisent : d'abord, Rose Red, en compagnie de Bagheera, Clara et Maddy, reviennent à la Ferme pour s'assurer que le défunt et démoniaque Mr Dark n'a pas piégé l'endroit ; ensuite on suit le singe Bufkin avec Lily Martagon, Bungle, Sawhorse et Jack Pumpkinhead au royaume de Roquat le Rouge depuis lequel ils espèrent regagner la communauté des Fables sur Terre ; et enfin Snow White et Bigby assistent leurs six enfants parmi lesquels se trouve l'héritier de North Wind tandis que les trois autres Vents Cardinaux s'invitent dans la partie (avec le projet d'éliminer l'élu).
De son côté, Miss Spratt, qui se fait désormais appeler Leigh Duglas, s'entraîne pour accueillir le retour des Fables à New York dans le château de Mr Dark qu'elle entend bien venger...

- All in a single night (# 112). C'est la nuit de Noël et pour Rose Red l'heure d'honorer son engagement envers celle qui lui a redonné le goût de vivre. L'occasion d'une virée mouvementée avec le Père Noël et de rencontres troublantes (dont une avec un fantôme à l'aspect familier) : quel genre d'espoir la soeur de Snow White choisira-t-elle d'incarner parmi l'ordre des Paladins ?

- In those days (# 113). 4 courtes histoires expliquent comment les Fables ont pu rester si longtemps indétectables parmi le commun des mortels et avant leur guerre contre l'Adversaire. 4 contes sur les thèmes de la découverte du monde, le pouvoir, la mémoire et... Les porc-épic !
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Il s'est écoulé un an avant que je replonge dans la lecture de Fables, le temps que deux nouveaux recueils de la série soient publiés. Entretemps, sans véritable raison, je me suis éloigné du titre mais sans cesser d'en consulter les previews de chaque épisode. Je gardai donc de l'intérêt pour la série mais je suis allé voir ailleurs, le temps que l'envie redevienne trop forte pour résister à la lecture.
Fables a désormais dépassé les 100 épisodes, ce qui pour une publication alternative aux comics super-héroïques est un exploit, et cela sans décevoir (même si, évidemment, il y a eu parfois des chapitres, voire des arcs moins satisfaisants). La problématique qui se pose désormais est de savoir si Bill Willingham réussira à chaque fois à nous séduire et nous étonner, même si la matière dont il s'inspire a un potentiel apparemment inépuisable - encore faut-il savoir la transformer, la raffiner, la convertir en histoires intéressantes. Du coup, on attend chaque nouvel album avec une petite appréhension : la flamme est-elle encore là ? Ou tout cela ne va-t-il pas finir pas tourner en rond ?
Après le festival qui avait conduit au 100ème épisode et le dénouement spectaculaire du combat contre Mr Dark dans le tome 16 (Super Team), l'inquiétude était encore plus vive. Mais Willingham a su rebondir une nouvelle fois en se concentrant non pas sur une seule intrigue mais plusieurs (qui convergeront certainement dans un futur proche) : il s'agit à la fois d'évoquer le retour des Fables sur Terre, où les attend de pied ferme Ms Pratt, mais aussi de traiter le dossier de l'héritage du père de Bigby (qui a renoncer à lui succéder comme maître des vents du Nord - ce sera donc un de ses enfants), sans oublier le périple de Bufkin et sa bande dans le royaume d'Oz. 
Ces trois pistes narratives (quatre en comptant les scènes avec Ms Pratt, mais qui sont plus là pour préparer la suite), Willingham les développe sans jamais en perdre le fil, sans oublier de les rendre palpitantes, avec ce qu'il faut d'humour.
Tout n'est pas de qualité égale cependant : par exemple, les tribulations de la bande de Bufkin semblent plus là pour détendre l'atmosphère (même si la scène finale du #111 aboutit à un cliffhanger accrocheur) par rapport à l'histoire centrée sur la désignation de l'héritier de North Wind, avec les complots ourdis par les trois autres Vents Cardinaux. L'élu est d'ailleurs surprenant, totalement imprévisible, et permet de ramener dans la série deux personnages qui avaient quitté la scène au terme du #100.
Mais cette manière qu'a Willingham de jongler avec les temps forts et ceux plus faibles lui permet de toujours garder le lecteur en éveil et prouve sa détermination à n'abandonner aucun personnage, fusse-t-il un singe bleu en territoire hostile que les autres Fables considèrent mort. Bufkin gagne se galons de héros, acquiert une étonnante personnalité, et ses aventures sont autant de leçons sur le courage et la volonté de s'en sortir, de s'affirmer : c'est épatant, mais on finit pas vraiment se préoccuper de ce qui va lui arriver.
Ce qui se joue dans le château de North Wind démontre encore l'habileté de Willingham a déjouer l'attente des lecteurs, à ne rien céder à la facilité et à introduire de nouvelles menaces (sans que les héros s'en méfient forcément assez au départ). 
Enfin, son conte de Noël est également suffisamment troublant et énigmatique pour que Rose Red conserve son attrait et suggère de prochains rebondissements, d'autant qu'une silhouette familière se glisse l'épisode 112...
 

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Mark Buckingham dessine les 5 épisodes principaux (les 4 d'Inherit the wind et celui d'All in the single night), signant à nouveau (comme d'habitude, a-t-on envie de dire) de très belles planches. Il réussit toujours à animer les éléments fantastiques avec un naturel, une simplicité admirables, avec une constance remarquable. Son découpage s'est simplifié (dans la droite ligne de son inspiration "Kirby-esque"), avec dans les marges de ces pages des incrustations des visages des protagonistes, ce qui permet de situer immédiatement où l'action se passe.
Steve Leialoha se charge de l'encrage, suppléé occasionnellement par Andrew Pepoy ou Dan Green, sans qu'on sente une quelconque différence. Ensemble, avec le dessinateur, ils donnent une identité visuelle unique à la série, ses personnages, d'une humanité merveilleuse.
Plus que des scènes specatculaires, ce sont les moments d'intimité qui sont ici mis en valeur, notamment dans les séquences au château de North Wind, avec la famille de Snow White et Bigby, leurs enfants, les serviteurs du maître disparu.
Et puis bien sûr, comme toujours là aussi, les décors sont superbes - l'antre de Mr Dark est impressionnante, traîtée comme un personnage à part entière, aussi sinistre, menaçante que son défunt résident. 
 
On notera une évolution plus nette en ce qui concerne la colorisation de Lee Loughridge auquel Buckingham et ses encreurs laissent désormais le soin de peindre des fonds (forêts, montagnes enneigées, landes désertiques), ce qui ajoute au cachet de la série.

Pour le dernier épisode, le scénariste a invité des artistes à s'amuser avec lui. P. Craig Russell signe trois pages magnifiques, tout comme Adam Hughes. Les contributions de Zander Cannon avec Jim Fern ou Ramon Bachs avec Ron Randall sont, en comparaison, très faibles. Mais quatre histoires sont savoureuses.
 
 Adam Hughes dessine trois pages,
splendides of course !
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Un tome qui solutionne une intrigue mais en lance d'autres : la série est dans une phase transitoire mais prometteuse. Prochain arrêt : Cubs in Toyland (critique à venir sous peu)...


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