jeudi 3 février 2011

Critique 207 : EL CAZADOR, de Chuck Dixon et Steve Epting

El Cazador est une série écrite par Chuck Dixon et dessinée par Steve Epting, publiée par CrossGen Comics en 2004, et restée inachevée après 6 épisodes (suite à la banqueroute de son éditeur).
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En 1687, le navire La Misericordia est abordé par les pirates du redoutable BlackJack Tom qui enlève la mère et le fils de Donessa Cinzia Elena Maria Esperenza Diego-Luis Hidalgo. La jeune femme tue Mr Dane, le second de BlackJack Tom, et prend le commandement de la Misericordia, rebaptisée El Cazador, en achetant la loyauté des hommes à bord contre la promesse d'un trésor.
Cependant, le flibustier RedHand Harry échappe au bourreau et prend la fuite avec ses hommes. Il entreprend, alors qu'il le croise au large, d'attaquer le Cazador mais échoue et doit se réfugier sur une île pour réparer son bâteau.
C'est ainsi que Lady Sin traque BlackJack Tom tout en étant elle-même pourchassée par RedHand Harry...
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De 1998 à 2004, l'éditeur CrossGen Comics a été l'endroit où des créateurs plus ou moins confirmés ont tenté de lancer une gamme de séries formant un univers partagé. Les genres de prédilection étaient la science-fiction et le fantastique, et c'est ainsi que des productions ambitieuses comme Sigil, Crux, Negation, Ruse, avec des auteurs et artistes comme Chuck Dixon, Mark Waid, Brandon Peterson, Butch Guice, Steve Epting aux commandes.
L'aventure CrossGen touchait à sa fin quand El Cazador a été initié, un comic-book qui rompait avec les canons de la maison puisqu'il s'agissait d'une bande dessinée historique, d'aventures, de pirates, respectant les codes les plus classiques du genre.
Aujourd'hui, en lisant ce recueil des six épisodes de la série, l'expérience est des plus frustantes car l'histoire est inachevée et le livre se ferme sur la promesse de péripéties palpitantes.
Chuck Dixon s'est à l'évidence documenté et inspiré de films célèbres pour son récit, on pense en particulier La Flibustière de Antilles (1951) de Jacques Tourneur avec Jean Peters et Louis Jourdan car El Cazador présente la même spécificité d'avoir une femme comme premier rôle, une femme au caractère bien trempée, fine stratège. On devine qu'il y a un rapport entre son passé en Espagne et celui de RedHand Harry, et on peut imaginer que ces deux adversaires sur les mers auraient pu connaître une romance par la suite.
Les six chapitres réalisés sont riches en rebondissements et les séquences s'enchaînent rapidement, certaines sont de vrais morceaux de bravoure à l'ambiance saisissantes comme la mutinerie ou la course-poursuite dans le détroit menant à Ginger Island, avec un vrai suspense. Mais la qualité du script ne rend que plus frustrant le fait que cela s'interrompe brutalement après 140 pages.
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Les dessins de Steve Epting sont également somptueux : à l'époque, l'artiste avait déjà accumulé pas mal d'expérience, avec notamment un run mémorable sur Avengers dans les années 90 chez Marvel et Aquaman chez DC.
Après avoir illustré plus d'une vingtaine d'épisodes de Crux, écrits par Mark Waid, pour CrossGen, il signait son premier chef-d'oeuvre avec El Cazador, où il s'encre lui-même et collabore avec un de ses coloristes de prédilection, Frank d'Armata.
Le résultat est une oeuvre d'art : le soin avec lequel Epting dessine les costumes, les décors, les détails des bâteaux, découpe les scènes d'action et les plages plus calmes, est fabuleux. On s'y croirait vraiment, et ses épisodes rivalisent avec des classiques de la BD de pirates franco-belges comme Barbe-Rouge (de Charlier et Hubinon) ou Jérémie dans les îles (de Gillon).
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Une série à redécouvrir - en espérant, à l'heure où Marvel relance quelques titres CrossGen (comme Ruse et Sigil), qu'on en lira un jour la (véritable) fin...

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