dimanche 19 décembre 2010

Critique 193 : SPIROU ET FANTASIO, TOME 9 - LE REPAIRE DE LA MURENE, de Franquin

Les Aventures de Spirou et Fantasio : Le Repaire de la Murène est le 9ème album de la série écrit et dessiné par Franquin, sorti en 1957.
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Le comte de Champignac a inventé un nouveau produit révolutionnaire à base de champignons, le X4, qui permet de décupler les capacités cérébrales. Pour le tester, il accepte de relever le défi que lui proposent Spirou et Fantasio et lancé par voie de presse par Xénophon Hamadryas : concevoir un engin permettant de descendre dans le grands fonds marins tout en laissant sa liberté de mouvement au plongeur. L'appareil mis au point, reste à le fabriquer et le comte commande les matériaux pour cela. Mais des attentats ruinent les efforts de Champignac, Spirou et Fantasio : d'abord, le camion de livraison est victime d'un accident, puis une explosion endommage le château.
Le trio part dans le Sud et s'installe dans la maison d'un ami du comte, près de la mer, pour y achever leurs travaux. Il rencontre Hamadryas qui leur explique pourquoi il a organisé son concours : il s'agit de retrouver l'épave du "Discret", un de ses anciens cargos commandé par le capitaine John Héléna, et qui aurait coulé.
Spirou descend dans les abysses et découvre l'épave transformé en un repaire alimenté par des générateurs d'oxygène depuis lequel Héléna dirige de juteux mais malhonnêtes trafics. Mais c'eest sans compter sur le Marsupilami, dont la faculté amphibienne lui a permis de suivre Spirou et qui l'aide à neutraliser le malfrat.
Hamadryas rend visite à son ancien capitaine en prison et lui révèle qu'il avait caché une réserve d'or dans une cellule du "Discret", magot qu'il compte récupérer grâce à l'appareil de Champignac. Héléna doit taire le passé mafieux de Hamadryas contre la promesse de ce dernier de le libérer. Mais la police a placé des micros dans la cellule et arrête l'affairiste lorsqu'il tente ensuite de s'emparer du bien du comte par la force. Quant au Marsupilami, il règle son compte à la murène du Cap Rose comme Spirou et Fantasio ont réglé celui d'Héléna et Hamadryas...

Chef-d'oeuvre ! Le Repaire de la Murène est, à mes yeux, le meilleur album de Franquin (seul aux commandes - ses opus écrits par Greg, comme le "dyptique Zorglub", seront d'autres sommets) et il reste mon préféré de tout son run : c'est une histoire que j'ai souvent relue sans jamais m'en lasser.

Tout est parfaitement dosé dans cette aventure, à commencer par le mélange d'action et d'humour : l'intrigue est magnifiquement construite, avec l'idée du concours, l'usage du X4, la découverte de l'épave et des agissements d'Héléna, et enfin la révèlation des mobiles d'Hamadryas. Franquin ménage ses effets avec génie, ponctuant le récit de séquences spectaculaires superbement mis en scène - les sabotages, le recours au Métomol et au Fantacoptère, les tests de plongée. L'auteur convoque ses inventions les plus mémorables pour résoudre et faire progresser l'histoire.

C'est aussi l'occasion de donner au Marsupilami une nouvelle faculté : il est amphibie et ce don sera décisif pour Spirou dans le repaire d'Héléna. Franquin regrettera d'avoir dôté son animal de capacités supplémentaires pratiquement à chaque nouvel album : c'était une sorte de défi potache entre lui et son ami Yvan Delporte (mythique rédacteur en chef du "Journal de Spirou"). Mais la bonne bouille de la bestiole excuse tout : le vrai talent merveilleux du Marsupilami est de donner la banane au lecteur dès qu'il apparaît. Qu'importe alors qu'il soit amphibie, de parler comme un perroquet (comme ce sera le cas dans l'album suivant : Les Pirates du Silence), cette créature est euphorisante et témoigne de la poétique fantaisie dont se sentait curieusement coupable Franquin.

Il ne manque guère que Seccotine à cette aventure pour que tout le "Spirou-gang" soit au complet. Mais la dynamique des personnages fonctionne à plein régime et Spirou lui-même vole la vedette à Fantasio en étant au coeur des séquences-clés, faisant le coup de poing avec les saboteurs, s'enfonçant dans les abysses, défiant Héléna... Preuve, là encore, que le groom n'est pas qu'un simple héros boy-scout dans l'ombre de son bouillonnant complice ou du comte lunaire.

Les dessins atteignent également des sommets d'élégance et d'énergie : le découpage est d'une fluidité imparable, les dimensions des vignettes alternent pour servir au mieux l'action, et l'atmosphère angoissante des profondeurs permet à Franquin de prouver qu'il sait représenter un milieu pour lequel il éprouvait une authentique phobie (car s'il admirait Cousteau, l'artiste détestait l'eau !).

Quel régal ! Voilà vraiment une bd extraordinaire arrivée à son zénith !

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