jeudi 5 mars 2015

Critique 582 : UNCANNY AVENGERS, VOLUME 4 - AVENGE THE EARTH, de Rick Remender et Daniel Acuña


UNCANNY AVENGERS, VOLUME 4 : AVENGE THE EARTH rassemble les épisodes 18 à 22 de la série, écrits par Rick Remender et dessinés par Daniel Acuña, publiés en 2014 par Marvel Comics.
Ce volume conclut la saga entamée depuis le début de la série, en particulier depuis le 6ème épisode (et l'arc The Apocalypse Twins).
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(Extrait de UNCANNY AVENGERS #18.
Textes de Rick Remender, dessins de Daniel Acuña.)

Suite au sort de ravissement lancé par la Sorcière Rouge, tous les mutants peuplent désormais une planète qui leur est réservés. Eimin, la fille élevé par Kang le conquérant, continue d'exercer son influence auprès du conseil X, composé notamment de Magnéto, Cyclope, son fils Cable, Tornade, Psylocke, Jean Grey et Quiksilver.
Mais ces dignitaires craignent pour leur royaume : Havok  est toujours activement recherché car il veut détruire le barrage de tachyons qui permettrait à Kang et des renforts d'accéder à la planète X et changer le cours des choses. Alex Summers n'est pas seul puisqu'il est désormais en couple avec la Guêpe, avec laquelle il a eu une fille, Katie, élevée par le Fauve.
Lorsque Kang débarque, il est accompagné de Thor mais aussi d'un gang d'alliés peu recommandables - Ahab, Stryfe, Dr Fatalis 2099, Deathlock 2055, Venom d'Earth X, la Magistrate Bettsy Braddock et Iron Man 2020 (Arno Stark). Havok rechigne à leur faire confiance mais reconnaît cependant qu'il n'a guère le choix.
L'Histoire pourra-t-elle être corrigée ? Et si oui, à quel prix ?

Au terme de ce nouvel acte, la série menée par Rick Remender arrive donc au total de 22 épisodes, dont 17 consacrés à cette saga opposant les Uncanny Avengers aux jumeaux d'Apocalypse, avec comme arbitre Kang. Ce décompte permet d'apprécier à la fois la principale qualité du projet - son ambition - et son principal défaut - sa complexité.

Effectivement, la série n'est pas simple à suivre avec son casting extrêmement fourni, ses sauts dans le temps et l'espace, les motivations troubles de plusieurs de ses protagonistes, sa violence souvent racoleuse, et ses références parfois ardues à de précédentes productions du scénariste (les jumeaux d'Apocalypse sont des reliquats de son run sur Uncanny X-Force) : quoiqu'on pense du résultat, ce n'est pas évident à lire et à comprendre et on a souvent le sentiment que l'auteur insiste pour nous dire qu'il en sait plus que nous - pire : que c'est à nous de se mettre à son niveau. 
C'est une conception de l'écriture à laquelle j'ai toujours du mal à adhérer, car j'estime qu'un scénariste doit toujours écrire de manière à ce que n'importe quel lecteur, aguerri ou néophyte, ne soit perdu. Il ne s'agit pas de faire le procès de Remender, bien d'autres procèdent aujourd'hui de la même façon mais cela ne signifie pas que ce soit un progrès (sauf à vouloir s'adresser prioritairement à des fans qui connaissent la continuité sur le bout des doigts). 

Néanmoins, comme je l'ai dit plus haut, l'ambition et le savoir-faire de Rick Remender sont indéniables, il sait s'y prendre pour injecter du souffle dans une intrigue, ménager des coups de théâtre, composer des séquences spectaculaires. Sa dextérité à manier les différentes réalités de son récit, à jongler avec l'espace-temps, est consommée. Il est certain que son histoire possède une réelle densité, et même si on peut juger que 17 épisodes pour raconter cela est excessif, non dénué de quelques longueurs, il faut reconnaître qu'on ne s'ennuie jamais.

En vérité, la logique d'Uncanny Avengers selon Remender n'est rien d'autre que celle d'une saga événementielle comme en propose une ou deux fois par an Marvel, mais traitée sur une longueur exceptionnelle. Tous les ingrédients y sont : casting abondant, menaces d'envergure, rebondissements incessants... Et aussi une sorte d'épuisement qui peut gagner le lecteur confronté à tant de héros, de vilains (parfois allant de l'un à l'autre camp), de situations "hénaurmes" (il ne faut pas avoir craindre une grandiloquence certaine), une propension affichée à vouloir tout réécrire (quand bien même ça ne doit pas durer).

Là où Remender est un peu plus pataud, c'est lorsqu'il se pique de susciter de l'émotion à son épopée, comme s'il voulait prouver qu'il est aussi fort pour enchaîner les morceaux de bravoure que pour écrire des moments plus émouvants. Le scénariste a souvent expliqué en interview qu'il voulait montrer que les violences commises par ses héros les impactent profondément.
Ici, il utilise une ficelle bien épaisse en présentant l'enfant qu'ont eu Havok et la Guêpe, prétexte pour hâter le choix du chef des Uncanny Avengers à sacrifier toute une planète (celle de ses semblables mutants) pour venger la terre ("avenge the earth") et rétablir l'équilibre temporel. Cette astuce mélodramatique est si grossière et expédiée qu'elle échoue à susciter toue émotion.
Chassez le naturel, il revient au galop aussi quand Wolverine revient dans la partie et inflige une redoutable série de coups de griffes à son fils ressuscité (Daken, devenu un des nouveaux cavaliers des jumeaux d'Apocalypse), mais qui refuse quand même de le tuer à nouveau parce qu'il a compris que ça ne servait à rien (quelle mansuétude...) ; ou bien quand le même Logan convainc Sunfire de ne pas complètement brûler le Hurleur (alors qu'il est déjà bien embrasé...).

De toute manière, Remender ne fait pas preuve d'une grande finesse pour traiter ses personnages dont les prises de conscience (Thor qui reconnaît s'être conduit comme un arrogant irresponsable, Malicia qui tombe dans les bras de la Sorcière Rouge en s'excusant d'avoir été si agressive avec elle... De grands moments de ridicule) ou les manoeuvres (l'inévitable trahison de Kang) arrivent avec leurs gros sabots pile quand il faut relancer l'intrigue. Tous les héros apparaissent comme de gros nigauds et les méchants comme des vilains traditionnels dont on s'étonne que les héros ne se méfient pas davantage.   

Là où il est plus à son avantage, c'est quand il ose et réussit à casser le fil de son récit, ponctué de bastons homériques et de coups tordus, pour créer le temps de quelques épisodes un monde alternatif plein de promesses, comme cette planète X, ou en évoquant les Guerres Secrètes de Jim Shooter (avec Kang dans un rôle voisin de Fatalis et Exitar le Bourreau Céleste à la place du Beyonder).

Cet arc narratif retrouve pour sa mise en images Daniel Acuña. L'espagnol abat un boulot considérable et impressionnant dès les premières pages, en représentant ce monde mutant aux architectures sensationnelles, et avec de nombreux redesigns très inventifs et cohérents.

Acuña emploie l'infographie avec intelligence et efficacité pour donner vie à cette réalité parallèle, sans sacrifier à un découpage dynamique et des personnages expressifs. Sa colorisation, aux teintes souvent vives, rend le récit attractif et compense les passages où on sent que l'artiste a été pressé par le temps (on le lui pardonne d'autant plus que le script de Remender a exigé de lui des efforts que peu de dessinateurs soutiendrait mensuellement sans bâcler).

S'il est un mérite indéniable à cette série, ça aura été de permettre à Acuña d'accéder à la reconnaissance qu'il méritait et il a su en profiter pour relever des défis visuels importants : au terme de cette aventure, on lui doit une large part du plaisir de la lecture.

Avec cette saga, Rick Remender et Daniel Acuña ne font pas un sans-faute : leurs parti-pris aboutissent à une bande dessinée parfois trop riche, un plat trop garni, avec des assaisonnements  un peu épais. C'est du comics pour gourmands, faits par des auteurs qui veulent des lecteurs repus, à la limite de l'indigestion.
Mais il est certain que la dimension épique est au rendez-vous, et que les héros sont confrontés à des situations tellement ahurissantes qu'on doute avec un plaisir certain qu'ils réussissent à les surmonter. Dommage que ce feuilleton soit totalement dénué d'humour et ne soit pas assumé par son éditeur comme ce qu'il est vraiment, un event démesuré qui n'oblige pas toutes les séries à marquer le pas.

2 commentaires:

Cyttorak a dit…

Bonjour,
J'aime bien votre article mais il sort quand en français?

RDB a dit…

Je l'ignore. Panini Comics a publié la série en vf dans la revue "Uncanny Avengers" et ces épisodes ont été traduits durant le printemps et l'été 2015 (la revue est bimestrielle et deux épisodes sont au sommaire chaque fois). Pour la version album, rien n'a encore été annoncé sur les plannings, mais pas avant la fin de l'année, et même plutôt début 2016, je pense.
Il vous faudra guetter l'agenda des sorties sur la page Facebook de Panini Comics France.