jeudi 11 octobre 2012

Critique 353 : HELLBOY, VOL. 1 - SEED OF DESTRUCTION, de John Byrne et Mike Mignola


Hellboy: Seed of Destruction est le premier récit complet, en quatre épisodes, de la série créée et dessinée par Mike Mignola, publiée en 1994 par Dark Horse Comics. Le scénario est écrit par John Byrne. Deux courts récits, réalisés par les mêmes auteurs, complètent le programme.
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En 1944, une unité militaire et trois civils (le professeur Malcolm Frost, l'expert du paranormal Trevor Bruttenholm et la médium Lady Cynthia Eden-Jones) sont en mission en Angleterre en compagnie du héros masqué, la Torche de la Liberté, pour y contrarier un des plans apocalyptiques d'Adolf Hitler. Plus au Nord de leur position, Gregori Rasputin et des nazis organisent une cérémonie pour invoquer des démons sur Terre. Apparemment ce rituel est un échec mais en vérité il aboutit à l'apparition à East Bromwich, où sont les alliés, d'une étrange créature provenant de l'enfer et qui sera baptisé Hellboy.
Un demi-siècle plus tard, Bruttenholm sent sa fin proche et demande à Hellboy, devenu adulte le plus grand détective du paranormal au sein du B.R.D.P. (Bureau de Recherche et de Défense sur le Paranormal), de mener une enquête sur une famille d'explorateurs maudite.
Avec ses partenaires Liz Sherman, une pyrokinésiste, et Abe Sapien, un amphibien, Hellboy se rend à la demeure des Cavendish, théâtre d'étranges évènements, et découvre que Rasputin est toujours vivant, s'apprêtant à déchaîner à nouveau des forces démoniaques sur la planète.
Mais surtout Hellboy apprend qu'il est sans doute l'être qui peut permettre à Rasputin d'accomplir ses funestes desseins...
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En 1991, pour le catalogue d'un festival de bandes dessinées, Mike Mignola imagine un monstre qu'il appelle, comme une plaisanterie, Hellboy. Mais cette illustration commence alors à l'obséder et il entreprend d'écrire un comic-book à parti de là. La conception de ce projet est laborieuse, Mignola pense d'abord à un "team-book", mais seul son Hellboy (dont l'aspect change progressivement) l'intéresse vraiment.

Avec l'aide de John Byrne, qui s'est lancé dans l'édition indépendante avec d'autres stars des comics, Mignola va mettre en forme ses idées et c'est ainsi que dans les pages du "San Diego Comic-Con #2" de 1993 puis dans le "Comics Buyer's Guide", apparaît Hellboy dans sa forme définitive.

En 1994, paraît le volume 1 de la série Hellboy avec l'histoire en quatre  parties Seed of Destruction. Les bases du Mignolaverse sont jetées rapidement avec le héros, détective du paranormal provenant lui-même de l'enfer ; le BRDP, l'agence gouvernementale secrète au sein de laquelle il travaille ; ses partenaires, Abe Sapien et Liz Sherman ; et Rasputin, convoqué comme celui qui a amené Hellboy dans notre dimension durant la 2nde Guerre Mondiale.

Cette exposition rapide des personnages et des évènements porte la marque de Byrne avec une narration très efficace, s'appropriant les références de Mignola sans difficultés tout en les mixant aux codes des pulp fictions et des comics super-héroïques. Il humanise cet univers en précipitant Hellboy dans une mission après la mort de son père adoptif - mort lié aux évènements sur lesquels il va enquêter.

L'aventure va apprendre au héros aussi bien qui est responsable de sa venue sur Terre que laisser des éléments irrésolus, qui nourriront ensuite les autres histoires. D'une certaine manière, cet aspect généalogique importe plus que la solution aux problèmes surnaturels, même si l'histoire n'est pas avare en spectacle et en mysticisme. C'est heureux quand on n'est pas spécialement passionné par le mythe de Cthulhu et autres lubies inspirées par la littérature de H.P. Lovecraft, l'idole manifeste de Mignola.

Car, c'est là la faiblesse de cette mini-série, quand Mignola impose davantage ses idées, l'intérêt faiblit nettement : cela se ressent nettement dans les dialogues abondant en formules tarabiscotées que vient à peine nuancer la voix-off ironique d'Hellboy. Les monologues de Rasputin, tout ce jargon pseudo-mythologique, ce prêchi-prêcha magique, est ennuyeux et appuyé, ralentit le rythme de la lecture, et en définitive n'apporte pas grand'chose de plus.

Il faut donc mieux lire ce récit complet (même si la fin est ouverte) avec l'envie de goûter à une fiction épique, parfois distanciée, qu'en espérant y trouver une oeuvre achevée, accomplie, et suffisamment intelligente pour préférer la sobriété suggestive. Hellboy (et ça, le réalisateur Guillermo Del Toro qui l'a adapté deux fois pour le cinéma l'a bien compris) est bien plus savoureux pour son humour décalé que pour sa galerie de monstres et son fantastique lourdaud.
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En revanche, Hellboy reste une expérience visuelle mémorable. Selon un mot d'Alan Moore, Mike Mignola serait le produit de la rencontre entre Jack Kirby et l'expressionnisme allemand. Et on est effectivement saisi par ce mix improbable entre l'énergie du "King" et ses jeux de lumière où dominent les à-plats noirs, qui font de chaque case une image capable d'être isolée et en même temps de chaque planche un enchaînement de vignettes percutantes, flirtant avec l'abstraction.

La capacité de Mignola à concevoir des personnages esthétiquement puissants est admirable et les designs d'Hellboy, d'Abe Sapien ou de Rasputin et ses démons-batraciens sont stupéfiants. Quel dommage que ce dessinateur incroyable n'exerce pratiquement plus son art aujourd'hui, ayant préféré développé son personnage en une fructueuse franchise, déléguant scénarios et dessins pour ne signer qu'occasionnellement quelques couvertures... 



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Les deux courts récits qui complètent le programme sont anecdotiques mais sympathiques : on devine déjà tout le potentiel du héros et de cet univers traversé par de multiples références narratives et visuelles.
Une galerie d'illustrations par des artistes fans d'Hellboy (Mike Allred, Art Adams, Simon Bisley...) et des dessins préparatoires de Mignola bouclent l'ouvrage.

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