jeudi 25 mars 2010

Critique 138 : FRESHMEN 1 - OPERATION BIZUTAGE, d'Hugh Sterbakov, Seth Green et Leonard Kirk

Freshmen est une série parodique publiée par Top Cow (Delcourt pour la v.f.) en 2005-2006 (pour le volume 1). C'est une création originale de Seth Green (interprète de Oz dans le feuilleton télé Buffy contre les vampires) et Hugh Sterbakov, illustrée par Leonard Kirk.
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En entrant à la fac', Annalee doit faire à de multiples désillusions : elle est obligée de partager une chambre avec trois autres étudiantes dans le centre scientifique de l'université sans partager aucune affinités avec elles. Il y a là : Paula , jeune femme dodue et commère ; Renée, une bimbo caractèrielle se disputant constamment avec son fiancé Brady ; et "Cacophonie", une gothique solitaire.
Elles voisinent avec les garçons : Liam, un amish naïf ; Jacques, un français arrogant ; Kenneth "Norrin", passionné de comics attiré par Annalee ; Charles, jeune black et fervent défenseur de l'écologie ; Elwood, petit génie en informatique ; Ray, obsédée par les filles ; et Jimmy, un rêveur.
Une fête est organisée par les élèves des classes supérieures, et lors de la soirée, une explosion a lieu dans un laboratoire de la fac'. Cet accident, qui passe d'abord inaperçu, dôte les bizuths d'étranges pouvoirs en rapport avec ce qu'ils pensaient à ce moment. Ainsi Liam peut produire des tremblements de terre en faisant vibrer son estomac, Annalee se plonger (et manipuler) les pensées des gens, Charles communiquer avec les végétaux, Elwood intoxiquer tous cex qui respirent ses rots alcoolisés, ou Paula rendre n'importe qui amoureux d'elle… Même le castor mascotte de l’école hérite d'une intelligence prodigieuse !
C'est ce rongeur et "Norrin" (le seul à n'avoir pas "profiter" de l'accident) qui convainquent les étudiants de former une équipe de super-héros, les freshmen !
Mais le Dr Théodore Tomlinson, professeur de sciences et concepteur de l'Ax-Cell-Erateur qui a explosé, est lui aussi résolu à utiliser leurs talents pour, à sa manière, faire le bien de l'humanité...
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Freshmen appartient à une catégorie de comics rare : celle de la parodie. Mais l'exercice dépasse la moquerie facile pour aboutir à une comédie certes régressive mais très bien conçue et qui fournit une lecture fort agréable, avec son lot de péripéties et un groupe de personnages attachants.
A l'origine, la série est le fruit des efforts d'Hugh Sterbakov, scénariste de séries télé (Robot Chicken), et de Seth Green, comédien (vu dans Austin Power) - même si c'est Sterbakov qui a rédigé le script. Fans de comics, ils nous offrent une relecture ludique des clichés des histoires de super héros.
Ils se sont visiblement beaucoup amusés (et à nous amusent beaucoup) avec les pouvoirs dont ils ont affublés leurs protagonistes : tantôt grotesques (les rots d’Elwood grisant autrui), tantôt parfaitement inutiles (Jacques collectant des glands comme un écureuil), ils sont la source de gags efficaces.
Mais ils savent aussi respecter les codes et s'en servir pour animer un récit enlevé, avec des séquences troublantes (le voyage intérieur d'Annalee dans les pensées de Paula) ou spectaculaires (les affrontements avec les sbires du Dr Tomlison).
Le déroulement de l'intrigue évoque des classiques comme les X-Men (avec les amants télékinésistes, l'héroïne télépathe), les FF (avec "Norrin", une référence au Surfeur d'Argent, Liam qui fait penser à Ben Grimm) ou Batman (avec un récit articulé autour des ambitions du Dr Tomlinson).
Freshmen joue la carte de la dérision mais on sent chez ses auteurs un respect et un amour pour le genre, allant jusqu'à réutiliser certaines répliques fameuses (comme le célèbre «de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités » de Spider-Man).
Le début est un peu lent mais l’histoire accélère dès le deuxième chapitre, mixant avec bonheur humour, action et émotion. Construite comme un récit initiatique où chaque chapitre est une étape supplémentaire franchie par les héros, la série s'autorise même quelques audaces narratives en changeant plusieurs fois de narrateurs. Et la fin ouverte donne envie d'en savoir plus (y a-t-il eu d'autres étudiants pourvus de pouvoirs ? Comment vont évoluer les relations entre plusieurs Freshmen, comme Paula et Jacques ou Annalee et "Norrin" ?), même si ces six premiers épisodes forment un tout complet et suffisant.
Ce n'est pas aussi décapant et débridé que Nextwave d'Ellis et Immonen, mais tout à fait concluant.
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Les dessins du vétéran Leonard Kirk (Agents of Atlas) sont un régal - c'est d'ailleurs d'abord pour lui que j'ai acquis cet album.
Son trait, élégamment encré par Andrew Pepoy (déjà vu à l'oeuvre sur Fables), fait merveille dans tous les registres, conférant de l'expressivité aux personnages comme du dynamisme aux scènes d'action.
Il ne surligne aucun effet et évite ainsi à cette production de sombrer dans la vulgarité facile (même lorsqu'il s'agit de suggérer qu'un des héros est pourvu d'un pénis démesuré...).
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Freshmen a tout du "sleeper" : une bande dessinée qui ne paie pas de mine mais qui, finalement, possède une énergie irrésistible. Une curiosité, certes, mais qui mérite qu'on s'y arrête.

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