mercredi 2 décembre 2009

Critique 117 : PLANETARY, VOLUME 3 - LEAVING THE 20TH CENTURY, de Warren Ellis et John Cassaday


PLANETARY : LEAVING THE 20TH CENTURY rassemble les épisodes 13 à 18 de la série créée et écrite par Warren Ellis et dessinée par John Cassaday, publiés entre 2001, 2003 et 2004 par DC Comics dans la collection Wildstorm.
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En 1919, en Allemagne, Elijah Snow a visité le château en ruines du Dr Frankenstein pour y récupérer la carte secrète du monde afin de la confier aux archives de l'organisation Planetary qu'il a fondée et financée. Il se déplace ensuite à Londres pour y faire la connaissance de Sherlock Holmes en compagnie de Dracula, afin d'y parfaire sa formation de détective.
En 1995, Elijah Snow est sur la piste d'une canne magique qui permettrait d'accéder à un marteau dans une cache d'armes inter-dimensionnel appartenant à ses rivaux, les Quatre.
De nos jours, Elijah Snow et Jakita Wagner se rendent chez la veuve de leur défunt ami Ambrose Chase avant d'assister à une impressionnante scène d'esprits primordiaux en Australie. Puis toute l'équipe défie la bande des Quatre en infiltrant une de leurs bases, mais c'est un échec cuisant qui aboutira à la capture de Snow et son lavage de cerveau.
Plus tard, ayant recouvré tous ses moyens, engagé dans une riposte plus musclée contre les Quatre, Elijah Snow veut sceller une alliance avec la descendante des Hark au Japon. 
En 1933, Elijah Snow découvre la citée cachée d'Opak-Ré où il a une liaison avec une indigène, la mère de Jakita Wagner qu'il recueillera ensuite.
Enfin, à nouveau de nos jours, le trio de Planetary (Elijah Snow, Jakita Wagner et The Drummer) récupèrent une capsule spatiale échouée après son lancement en 1851, l'occasion aussi de capturer un des Quatre.

Avec ce troisième et avant-dernier volume (si l'on met de côté le hors-série Crossing Worlds), la série atteint de nouveaux sommets narratifs et visuels et ses auteurs, Warren Ellis et John Cassaday, aussi dans l'expression de leurs talents respectifs mais si bien conjugués. Certes, c'est au prix d'épisodes livrés en de plus en plus de retards (à cause de problèmes de santé du scénariste et d'engagements pris ailleurs par le dessinateur, qui ne tient de toute façon plus la cadence mensuelle), mais quel résultat !

Chaque chapitre ici est construit sur une narration écrite et visuelle comme peu de comics en sont capables : on y trouve de nombreuses pages d'action sans texte, et des séquences en bandes dessinées traditionnelles.

Mais l'originalité est telle que ça ne ressemble à rien de connu, chaque nouvelle étape est différente de celle qui la précède et de celle qui la suit, on ne peut pas être plus dépaysé. Derrière cette liberté, on reconnaît quand même un ouvrage savamment agencé, d'une solidité imparable : Warren Ellis peut ainsi se permettre d'évoquer encore des figures connus appartenant au folklore super-héroïque ou littéraire tout en les interprétant à sa manière, en toute cohérence.

Ainsi passe-t-on d'une rencontre avec Sherlock Holmes et Dracula à un avatar de Tarzan et à une citation de Mjolnir, le marteau du dieu Thor. Il y a aussi un hommage au films d'action asiatique (Tigre et dragon de Zhang Yimou) lors d'un combat d'une exceptionnelle et intense beauté, une lecture des mythes de la création dans la culture aborigène (là encore, on est subjugué) et un clin d'oeil au Gun Club créé par Jules Verne dans le diptyque De la terre à la lune-Autour de la lune.

Ce bouillon de culture et de divertissement est un régal pour l'esprit et les yeux, mais Warren Ellis ne néglige pas la progression de son intrigue principale en entretenant une tension croissante à mesure que les affrontements entre Planetary et les Quatre se précisent et se précipitent. Cette partie mixe avec une efficacité redoutable l'action spectaculaire et l'aspect conspirationniste alimenté depuis le début, qui apparaît désormais à la surface du récit. L'attitude nettement plus pro-active de Elijah Snow en est la manifestation la plus frappante (même si on devine qu'en parlant à nouveau du cas Ambrose Chase, le dénouement du conflit avec les Quatre ne sera pas la seule finalité de la série).

Les illustrations comportent deux volets distincts :

- D'une part, John Cassaday consacre des pages, souvent pleines et sublimes (avec le renfort d'une colorisation renversante de Laura Martin), aux scènes d'action et c'est un enchantement.

- De l'autre, l'artiste dessine les scènes intermédiaires, dialoguées, de façon beaucoup plus sage, classique, en se concentrant sur des visages en gros plans dans des vignettes pouvant occuper toute la largeur d'une bande et des décors minimalistes. Ce parti-pris est déroutant mais judicieux par l'effet de contraste saisissant qu'il produit - et Cassaday a l'intelligence de ne pas en abuser.

Bâtie avec une maîtrise et une originalité toujours constante, et soutenue par un graphisme d'une qualité esthétique exceptionnelle, Planetary emmène le lecteur vers des cîmes comme les comics en offrent peu, avec son lot de révélations à la fois attendues et imprévisibles et de morceaux de bravoure visuelle. Le dénouement approche, et il est impossible de ne pas l'attendre avec fébrilité.

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