Et encore du Fear State au programme ! Cette fois, dans les pages de Catwoman, sans doute la série attachée à cette saga la plus convaincante. Il faut dire que Ram V, lui, prend grand soin de construire une histoire digne de ce nom pour son héroïne, quelque chose qui ne ressemble pas trop à un exercice imposé (mais si c'en est un). Dommage que graphiquement ce ne soit pas aussi solide puisque Nina Vakueva a besoin du renfort de Laura Braga pour boucler son épisode.
Catwoman a compris qu'assainir Alleytwon n'était plus la priorité de Simon Saint : il veut capturer Poison Ivy. En revanche, elle ignore que c'est aussi l'objectif du Sphinx, qui pourtant travaille de son côté, et du Pingouin, pour reprendre le contrôle du quartier.
Tandis que la bande rassemblée par Gueule d'argile tente de freiner la progression des Gardiens de la Paix dans Alleytown, Catwoman, Harley Quinn et la Jardinière les rejoignent. Afin d'empêcher que Ivy tombe entre de mauvaises mains, il faut qu'ils coordonnent leurs efforts.
Gueule d'argile et son gang devront divertir les Gardiens de la Paix pendant que le Sphinx exfiltre Ivy et que Catwoman, Harley et la Jardinière affrontent une colonne armée menée par la Sorcière Blanche. Le Pingouin, en contact permanent avec le Sphinx, s'assure que celui-ci ne le double pas.
Si James Tynion IV s'est rêvé en grand architecte de Fear State, il a visiblement "oublié" de communiquer des détails de sa grande intrigue à ses petits camarades scénaristes contraints d'aligner leurs séries sur les événements qui se déroulent dans Batman. Du coup, la saga donne l'impression que ses tie-in composent plus qu'elles ne complètent la trame principale.
C'est flagrant avec Nightwing où Tom Taylor s'occupe de Batgirl aux prises avec un hacker (la Voyante) dans des épisodes dispensables. Ram V s'en sort mieux avec Catwoman parce qu'il l'entraîne dans une confrontation directe avec les forces du Magistrat alors qu'elle vient juste de sortir d'un combat éprouvant et dramatique avec le Père Vallée : Selina Kyle y est décrite comme une femme aux abois qui voit son royaume, le quartier d'Alleytown, s'effondrer.
En fait, Ram V appuie là où ça fait mal : Catwoman s'est vue trop belle, elle a réussi à écarter des rivaux mineurs, mais une fois face aux Gardiens de la Paix de Simon Saint, ce n'est pas avec sa bande de gamins des rues qu'elle allait faire le poids. Surtout qu'elle avait sur le dos un tueur professionnel, le Pingouin (qu'elle a doublé) et, ce qu'elle ignore, le Sphinx, qui complote contre elle avec Oswald Cobblepot.
Blessée, dépassée, traquée, elle ne sait plus trop quoi faire. A l'évidence, elle a perdu et cherche surtout à sauver ce qui peut l'être, à limiter la casse. Mais il ne fait aucun doute qu'à la fin de Fear State, et juste ensuite, quand Ram V quittera la série, qu'elle ne sera plus la reine d'Alleytown.
Dans ce chaos, désespéré, elle s'appuie sur des renforts de fortune, comme Gueule d'argile qui a formé une équipe impropable, davantage motivée par le fait de se battre contre des super-flics que pour protéger un quartier de Gotham. Catwoman a surtout compris que la cible s'était déplacée d'elle à Poison Ivy que Simon Saint veut capturer. Elle ignore que c'est aussi le plan du Sphinx et du Pingouin.
Pour bien comprendre cela, il faut rappeler que Ivy existe sous deux formes désormais : d'un côté Poison Ivy, qui a été détenue pour créer une drogue à partir de son ADN et qui ne semble plus avoir toute sa tête (ce qui est compréhensible), et de l'autre Queen Ivy, qui s'est installée dans les sous-sols de Gotham, où elle tolère les membres du Collectif Insensé, tout en menaçant de provoquer l'effondrement de Gotham si quelqu'un vient la déranger. On devine (on espère) qu'au terme de Fear State, ces deux parties d'Ivy seront réunies, qu'Ivy sera reconstituée, en ayant échappé l'une comme l'autre à Simon Saint, le Sphinx et le Pingouin. Si l'une ou l'autre devait tomber entre de mauvaises mains, ce serait un désastre annoncé.
L'heure est donc à l'union sacrée mais aussi au baroud d'honneur. Ram V souligne cet aspect quand il fait dire à Catwoman qu'elle est prête à se sacrifier pour sauver Ivy, qu'elle offira à Gueule d'argile, à Harley, à la Jardinière une issue de secours au péril de sa propre vie. Ram V fait de Catwoman une authentique héroïne et imprime à ses épisodes une dimension au potentiel tragique très efficace. C'est autrement plus puissant et troublant que tout ce que produisent Taylor dans Nightwing et Tynion dans Batman, où l'action prime sur tout le reste, et où ne subsiste qu'un sentiment d'agitation vaine, de gesticulation fatiguante. C'est aussi pour ça, sans présager de ce que fera Tini Howard sur la série l'an prochain, qu'on regrette déjà Ram V : parce qu'il avait su donner un vrai souffle et une vraie sensibilité à Catwoman.
Hélas ! La qualité de l'épisode est ternie par son graphisme : Nina Vakueva a fait ce qu'elle a pu pour que l'absence de Fernando Blanco ne soit pas trop cruelle, et dans le précédent numéro, elle s'en sortait bien. Mais cette fois, elle n'arrive même pas à boucler les vingt pages du script et doit passer le relais dans le dernier tiers à Laura Braga.
Globalement, ce n'est pas vilain ni mauvais, mais Braga a un style trop propre, trop quelconque pour la transition avec Vakueva soit harmonieuse. Cela se produit en plus en pleine scène d'action, au pire moment, et du coup, on sort du récit, trop frappé par la différence esthétique entre les deux artistes.
Vakueva, de toute façon, affichait déjà dans la partie qu'elle a eu le temps de dessiner des faiblesses, avec des décors représentés par intermittence, des personnages parfois trop esquissés. Braga est plus soigneuse, mais elle a aussi moins de pages à sa charge, donc plus eu de temps. On peut tourner ça dans tous les sens, de toute manière ça ne prend pas : lorsqu'un épisode est illustré par deux personnes, la lecture est brouillée.
Décidément, ces tie-in auront été bien dommageables aux séries concernées, et dans le cas de Catwoman, j'ai l'impression tenace que cela a précipité la décision de Ram V d'écourter son run.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire