jeudi 31 mai 2018

STUART IMMONEN ARRÊTE !


Source : Immonen elaborates on comics retirement

Hier, sur sa page Facebook, pour la parution d'Amazing Spider-Man #800Wade von Grawbadger annonçait, à la surprise générale, que Stuart Immonen se retirait du monde des comics avec ce numéro ! Pour l'encreur, c'était la fin d'une collaboration de 23 ans, et pour le dessinateur, une sortie inattendue, imprévisible. La nouvelle a ému ses fans - dont je suis.

Une double planche de Amazing Spider-Man #800 : le chant du signe ?
(dessins de Stuart Immonen, encrés par Wade von Grawbadger)

En activité depuis 1988, Immonen peut se vanter de faire l'unanimité aussi bien auprès des critiques que des fans de comics pour sa ponctualité, mais aussi ses audaces formelles, sa solidité technique, son art consommé du storytelling. D'un caractère discret mais très travailleur, l'artiste s'est aussi bien imposé chez DC que Marvel mais aussi avec des graphic novels en creator-owned avec sa femme Kathryn ou Mark Millar. L'homme impose le respect.

Mais son retrait a donc pris tout le monde de vitesse. Et serré la gorge d'amateurs de comics, déjà désappointés par le départ de Chris Samnee (toujours sans nouvel éditeur, sans aucun projet annoncé).

Est-ce définitif ? Von Grawbadger assurait que non, expliquant que son partenaire reviendrait sûrement si un projet intéressant se présentait, ou, du moins, pour faire un petit quelque chose ici ou là. Comment estimer cela ? C'était vague.

Puis Immonen, contacté par le site spécialisé Newsarama, a (un peu) précisé les choses : 

"Mon engagement exclusif avec Marvel a pris fin il y a peu. Toutes les parties concernées restent en bons termes." a déclaré Immonen à Newsarama. "Pour le reste, je n'ai pas de plans dans l'immédiat ; si le bon projet avec les bons collaborateurs se présente, je le considérerai bien sûr. Mais, pour le moment en tout cas, Kathryn et moi allons consacrer avec enthousiasme notre temps et notre énergie à des activités non-professsionnelles."

La porte n'est donc pas fermée, mais il apparaît clairement que Immonen ne va plus produire de comics mensuels pendant un certain temps afin de profiter de son couple et de sa vie privée. 

On ne saurait critiquer cette décision, surtout pour un dessinateur qui a été très actif et toujours d'une régularité exemplaire. Vouloir se reposer, se ressourcer, prendre du recul, être auprès de sa femme, voilà qui est tout à fais indiscutable. Et pas incompatible d'ailleurs avec la bande dessinée - car peut-être que cette prise de distance cache la réalisation d'un projet en creator-owned (leur dernier OGN, Russian Olive to Red King avait été réalisé sur le rare temps libre que Stuart Immonen avait entre deux travaux de commandes chez Marvel)...

Quoiqu'il en soit, c'est quand même le deuxième artiste que j'apprécie énormément (même si la prestation sur Amazing Spider-Man m'a un peu déçu, peu aidée, il faut le dire, par des scénarios gratinés de Dan Slott) qui se met en marge après Chris Samnee (même si le cas de ce dernier est différent car il souhaite rebondir ailleurs que chez Marvel qui n'a pas renouvelé son contrat). Les comics sans Samnee, c'était déjà triste, alors maintenant sans Immonen, ça devient accablant. Même si les talents ne manquent pas, l'industrie et les fans perdent coup sur coup quasiment deux dessinateurs de première classe.

Il ne reste, j'en ai peur, qu'à croiser les doigts pour 1/ que de nouvelles défections n'aient lieu, et 2/ que Samnee trouve enfin un nouvel éditeur et qu'Immonen ne reste pas trop longtemps loin de sa table à dessin.

JUSTICE LEAGUE : NO JUSTICE #4, de Scott Snyder, James Tynion IV, Joshua Middleton et Francis Manapul


La saga s'achève donc avec ce quatrième numéro et il fallait espérer que les scénaristes - Scott Snyder, James Tynion IV et Joshua Middleton - en aient gardé sous le pied pour le grand final. De ce côté-ci, rien à redire : le dénouement est spectaculaire (mais pas que...). Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, Francis Manapul est aussi de retour pour conclure au dessin. Avec en fin de compte, une reconfiguration des Ligues de Justice...


La graine semée par les Titans Oméga a fait pousser quatre arbres sur Terre consécutivement à la destruction de Colu et de ses quatre plants arrivés à maturité. Mais désormais ces jardiniers cosmiques dominent notre planète, prêts à la dévorer. Et si Amanda Waller veut tenter de les repousser avec une attaque nucléaire, Green Arrow adresse un S.O.S. à Hal Jordan, déjà bien occupé avec le Green Lantern Corps à colmater le Mur de la Source. 


La fin tragique de Colu a traumatisé les quatre Ligues de Justice envoyées là-bas par feu Brainiac mais Vril Dox, son fils cloné, ne veut plus aider les héros et vilains de cette mission qu'il juge désastreuse. Il se téléporte sur Terre pour en précipiter la fin et venger son père.


Les Green Lanterns humains - Hal Jordan, John Stewart, Guy Gardner, Simon Baz et Jessica Cruz - arrivent à la prison de Belle Reve où a surgi le nouvel arbre d'Entropie et Vril Dox pour empêcher Amanda Waller de déclencher une riposte nucléaire contre les Titans Oméga et stopper le fils de Brainiac.


L'équipe Entropie de Batman se téléporte sur place grâce à un boom-tube d'Apokolopis de Cyborg et élabore un plan pour stopper les Titans en attendant l'arrivée des renforts. Il s'agit de faire converger l'énergie des trois autres arbres vers celui-ci puis d'expédier ce flux en direction du Titan Oméga Entropie, ce qui poussera les trois autres à le dévorer pour se sustenter.


Afin de détourner une telle masse d'énergie dans l'arbre d'Entropie, Cyborg se sert des données de Brainiac puis Hal Jordan matérialise une arbalète géante avec laquelle Green Arrow tire une flèche contenant les forces de Sagesse, Merveille et de Mystère en direction du Titan éponyme. Comme prévu, ses trois semblables l'engloutissent puis disparaissent, repus. Profitant de la situation, les vilains recrutés par Brainiac pour aider les quatre Ligues en profitent pour s'éclipser avant d'être arrêtés et incarcérés sur place, dans le pénitencier de Belle Reve.
  

Cependant, cette victoire oblige les héros à repenser leurs formations et leur missions car, même avec le Mur de la Source réparé, l'univers a été profondément altéré et il faut être paré pour de nouvelles menaces : Cyborg prend la tête de la Justice League Odyssey en charge des affaires cosmiques (avec Starfire, Azrael, Jessica Cruz et... Darkseid !), Wonder Woman veut veiller aux forces occultes avec la Justice League Dark (aux côtés de Zatanna, Man-Bat, Swamp Thing, Man-Bat et le détective Chimp), et enfin une nouvelle Justice League présidée par le Martian Manhunter compte dans ses rangs Superman, Batman, Wonder Woman, Flash, Aquaman, Cyborg, John Stewart et Hawkgirl. Green Arrow se voit remettre par J'onn J'onzz un coffret contenant toutes les données de Brainiac sur la JL afin de l'arrêter si elle représente un jour un danger pour la Terre.

Si on excepte le précédent épisode, un peu gâché par une partie graphique décevante, la tétralogie composée par Justice League : No Justice aura été un sans-faute pour moi. Concis, rapide, dense, efficace, spectaculaire, le récit a proposé un divertissement franchement impeccable et une redistribution des cartes bien menée pour préparer en quelque sorte l'Acte II de DC version "Rebirth".

Le dénouement de cette aventure parvient à une synthèse satisfaisante même si évidemment elle est expéditive et ne corrige pas quelques défauts et curiosités du projet. Parmi ces derniers, les scénaristes n'auront jamais justifié le nombre absurde de participants à l'expédition sur Colu, encore moins la présence dans leurs rangs de vilains (qui ont d'ailleurs peu pesé sur l'action - à l'exception notable de Luthor et Sinestro et du sacrifice surprenant de Starro). Cette véritable légion étrangère a aussi empêché de caractériser les acteurs de l'histoire, mais on sera plus indulgent sur ce point car on sait bien que les sagas de ce type n'aident guère à affiner psychologiquement ceux qui sont convoqués.

On passera aussi sur quelques facilités bien pratiques comme le fait, dans cet ultime volet, que tout ce contingent de héros et vilains, lâchés par Vril Dox, doit trouver un moyen de regagner la Terre au plus vite et que l'utilisation d'un boom-tube - la technologie d'Apokolips contenue dans l'exosquelette de Cyborg aura été bien providentielle (pour contourner celle de Brainiac au moment d'absorber la banque de données dans l'arbre de la Sagesse sur Colu ou, donc, rejoindre notre planète au pic de la crise). Mais c'est aussi le jeu : il faut accepter ces raccourcis, ces béquilles scénaristiques, on n'est pas dans un récit réaliste de toute façon, et il faut tout boucler en quatre épisodes.

L'objectif de Justice League : No Justice était de toute façon moins de vaincre les Titans Oméga (on se doutait bien qu'ils ne boufferaient pas la Terre) que de justifier honnêtement la création de trois Ligues de Justice annoncés avant même la mini-série. Et là, pas de souci, tout est disposé de manière crédible, acceptable : les héros ont compris que leurs actions passées et récentes ont créé de nouveaux champs des possibles, donc autant de menaces potentielles, et il faut donc se préparer à y faire face sans tarder mais avec des effectifs correspondants.

La Justice League classique, qui sera écrite par Scott Snyder et dessinée par Jim Cheung et (surtout) Jorge Jimenez, sera l'équipe des titulaires, la formation en première ligne : son effectif est fourni (pas moins de neuf membres - on se croirait revenu au temps de Brad Meltzer, en souhaitant que ce soit mieux exploité).
La Justice League Dark fait son retour (après avoir été un des titres les plus plaisants des "New 52") et s'occupera des affaires magiques. Wonder Woman devra cumuler son poste de leader de ce groupe avec celui qu'elle occupe dans la JL, mais comptons sur James Tynion IV et Alvaro Martinez pour produire une série captivante (l'auteur en parle comme d'un "vieux rêve").
Enfin, la Justice Ligue Odyssey de Joshua Middleton et Stepjan Sejic n'est pas complètement prête à l'usage à la fin de No Justice car Darkseid en sera un des membres : une recrue de choc, dont on se demande comment elle sera intégrée, mais qui donnera du poids à ce groupe opérant dans l'espace.

Pour terminer, un mot quand même sur le retour de Francis Manapul (qui pourrait maintenant s'atteler à un graphic novel Aquaman : Earth One, depuis longtemps dans les tuyaux) qui livre de superbes planches, souvent doubles, avec un encrage plus soutenu. Si la couverture et les crédits intérieurs le citent comme unique artiste, j'ai quand même l'impression que Marcus To a signé la première page avec le Green Lantern Corps, mais je ne peux rien assurer. Manapul en tout cas s'occupe bien du reste et avec brio, prouvant qu'il a les épaules pour animer un casting aussi abondant dans un concentré d'action spectaculaire, même si, à l'avenir, DC devra veiller à préparer plus longtemps à l'avance une parution hebdomadaire pour dispenser les lecteurs de fill-in moins convaincants.

Rendez-vous le 6 Juin maintenant pour assister aux premiers pas de la nouvelle série Justice League made by Scott Snyder et Jim Cheung, à un rythme bimensuel (puis en Juillet pour la Justice League Dark). 

mardi 29 mai 2018

HUNGER GAMES 1 ; 2 : L'EMBRASEMENT ; 3 & 4 : LA REVOLTE, de Gary Ross et Francis Lawrence


Je n'avais jamais vu la tétralogie Hunger Games et j'ai voulu corriger ça ces derniers jours en visionnant les films de cette saga cinématographique à succès, adaptée des romans de Suzanne Collins, qui ont consacré Jennifer Lawrence comme une vedette - en parallèle à sa carrière tout aussi brillante dans des productions d'auteur. Le résultat : un habile mais captivant cocktail de divertissement et de réflexion politique sur fond de symboles dans un cadre dystopique.

 Effie, Haymitch et Katniss (Elizabeth Banks, Woody Harrelson et Jennifer Lawrence)

Katniss Everdeen, 16 ans, vit dans le District 12 de l'Etat de Panem, autrefois les Etats-Unis d'Amérique. Le pays a pour Président Snow, qui le dirige d'une main de fer après avoir, jadis, mis fin dans un bain de sang à une insurrection populaire, détruisant notamment le 13ème District.

Snow, le Président de Panem (Donald Sutherland)

Pour distraire la bourgeoisie du Capitole mais aussi dissuader la populace de se rebeller à nouveau sont organisés depuis 73 ans les "Hunger Games" (les Jeux de la Faim") pour lesquels sont tirés au hasard deux adolescents mixtes dans chaque District. Ils doivent ensuite s'affronter dans une série d'épreuves dans une arène sous un dôme jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un seul vainqueur.
  
Katniss et Gale (Jennifer Lawrence et Liam Hemsworth)

Face à cela, Katniss et son ami Gale, qui s'aiment depuis l'enfance, font contre mauvaise fortune bon coeur, attendant résignés l'année où ils seront sélectionnés tout en rêvant de s'enfuir dans les forêts environnant leur District en y chassant à l'arc (discipline pour laquelle ils sont remarquablement doués).
  
Caesar, Katniss et Peeta (Stanley Tucci, Jennifer Lawrence et Josh Hutcherson)

Mais lorsque c'est sa soeur cadette, Prim, qui est désignée pour participer aux Jeux, Katniss la remplace en se portant volontaire et elle fait ensuite équipe avec Peeta Mellark, le fils du boulanger, également épris d'elle, mais sans le lui avoir avouée. Ensemble, ils déjouent les pièges et ont raison de leurs adversaires, Katniss s'attirant même la sympathie des autres Districts en accompagnant une jeune candidate dans son agonie, ce qui déplaît à Snow. In fine, Katniss et Peeta sont déclarés vainqueurs de l'édition après avoir menacé de se suicider plutôt que de s'entretuer. 

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Le triomphe du premier film conduit naturellement le studio Lionsgate à enchaîner avec la production d'une suite, avec l'espoir de confirmer et d'exploiter la franchise comme Twilight auparavant. Le budget grimpe notablement comme cela est visible à l'écran mais le réalisateur change : Francis Lawrence s'installe dans le fauteuil et ne le quittera plus, nouant avec Jennifer Lawrence une collaboration fructueuse (jusqu'au récent Red Sparrow, sorti cette année et dont j'ai parlé dernièrement).  

Peeta, Haymitch et Katniss

Suite à leur sacre, Katniss et Peeta deviennent les jouets de la propagande du Capitole et enchaînent avec une tournée dans les Districts pour promouvoir les vertus du régime. Ils sont accompagnés par Haymitch, leur coach, et Effie, leur costumière, dans un train spécialement affrété.

Katniss et Peeta

Katniss se montre peu coopérative, écoeurée après avoir vu le faste dans lequel vit la bourgeoisie de la capitale alors que les Districts sont dans le dénuement complet. Mais Snow l'a menacée de s'en prendre à sa famille si elle n'est pas plus docile pour apaiser les velléités de rébellion qu'elle inspire. En vérité, le Président veut se débarrasser d'elle et charge pour cela le haut-juge Plutarch d'organiser l'assassinat de l'adolescente.

Le haut-juge Plutarch (Philip Symour Hoffman)

Plutarch lance alors l'idée d'organiser une édition spéciale des "Hunger Games" dit de l'Expiation dans lesquels les champions des précédentes années s'affronteraient. A nouveau Katniss et Peeta (qui a refusé que Haymitch le remplace, malgré la promesse faite à Katniss) font équipe. Mais cette fois les concurrents nouent des alliances pour ne pas se massacrer. Le point culminant de cette fronde a lieu quand, séparée de Peeta à la suite d'une péripétie, Katniss brise la plafond du dôme de l'arène avec une de ses flèches. Elle est alors évacuée à bord d'un overcraft.

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L'Embrasement est un carton tel que Hunger Games devient un vrai phénomène au box office et dans les médias : l'emblème du Geai Moqueur auquel est associé l'héroïne de la saga et qui est le signe de ralliement des rebelles devient même, à l'époque, un logo pour les plus jeunes spectateurs. Le studio Lionsgate, constatant qu'il tienne un filon inestimable prend alors la décision de transformer ce qui était conçu comme une trilogie en quatre films, coupant l'histoire du troisième opus, La Révolte, en deux parties. Un choix qui décevra la critique et divisera les fans sans diminuer les recettes...

Tous derrière le "Geai Moqueur"

Katniss découvre qu'elle a été exfiltrée par la Rébellion dont le haut-juge Plutarch est l'éminence grise et Gale Hawthorne, son ami d'enfance, un des soldats. Tous se cachent dans les souterrains du District 13, autrefois rasé par Snow, sous le commandement de leur propre chef, la Présidente Coin, consciente de l'importance de Katniss mais qui aurait préféré sauver Peeta, plus malléable.
  
La Présidente Coin (Julianne Moore)

Plutarch, Coin, Haymitch et Effie préparent Katniss à jouer le rôle du Geai Moqueur, l'égérie de la résistance à Snow dans des films de propagande afin d'unifier les Districts contre le Capitole. Mais la jeune femme n'est pas à l'aise pour jouer la comédie, plus soucieuse de savoir si Peeta est encore vivant.
  
Peeta

Ce qui va la motiver, ce sont les découvertes de la destruction du District 12 (dont Gale a réussi néanmoins à sauver sa mère et sa soeur) et la présence, dans une vidéo du régime, de Peeta comme partisan de Snow, comme si on lui avait lavé le cerveau, appelant à la cessation des combats. Un raid est organisé pour délivrer le compagnon de Katniss mais en le retrouvant, elle le découvre conditionné mentalement pour la haïr, ce qui la plonge dans la détresse et la colère contre Snow...

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Plus encore que les précédents volets, la seconde partie de La Révolte est donc la suite organique de Hunger Games 3 : l'histoire reprend exactement là où elle s'arrêtait et met en scène le dernier acte de la saga dans une super-production ambitieuse, à la fois synthèse et conclusion. Francis Lawrence et Jennifer Lawrence retrouvent tout leur élan pour leurs adieux à cette saga. 

En route pour prendre le Capitole avec Boggs (au centre : Mahershala Ali)

Katniss, ivre de vengeance après le traitement infligé à Peeta, s'échappe du District 13 avec le projet d'assassiner Snow. Mais sa réputation et son signalement la précédent désormais partout où elle se déplace et Gale, avec la compagnie dans laquelle il sert, ne tarde pas à la localiser. Bon gré mal gré, un commando accepte de la soutenir dans la mission qu'elle s'est fixée à condition qu'en chemin elle continue d'être filmée pour des vidéos de propagande au bénéfice de la Rébellion.
  
Dans les entrailles du Capitole avec Peeta, Katniss et Cressida (Natalie Dormer)

En plus des pièges qu'il rencontre durant leur progression en remontant vers le Capitole, le groupe doit aussi composer avec Peeta que Plutarch a jugé opportun de rapprocher de Katniss afin qu'elle ne tente pas de semer les soldats qui l'escortent. Mais l'état mental du jeune homme en fait un danger supplémentaire dans un environnement déjà très hostile. Le commando perd ainsi son chef dans une embuscade mais, juste avant de mourir, il a désigné Katniss comme son second.

Peeta et Katniss

Atteignant le Capitole, après avoir essuyé d'autres pertes humaines, Katniss décide de profiter de l'invitation de Snow à ses partisans de rejoindre son palais pour y être protégés et s'infiltre parmi eux avec Gale. Mais alors qu'ils arrivent aux portes du bâtiment, des vaisseaux de la Rébellion bombardent la foule et tuent des centaines de civils innocents, dont la soeur de Katniss, Prim, venue porter secours en sa qualité d'infirmière. 

Katniss

Lorsqu'elle revient à elle, Katniss constate que Snow a été renversé et que la Présidente Coin a pris sa place. Invitée à prendre place à la table des décisions du nouveau gouvernement provisoire, avant des élections prévues dans plusieurs mois, Katniss entend la dirigeante proposer la tenue de nouveaux "Hunger Games" pour calmer la foule qui souhaite l'exécution massive des anciens partisans de Snow. La proposition divise mais Katniss la soutient en échange du privilège de tuer en place publique Snow - c'est une ruse pour abattre Coin. Son geste lui vaut d'être bannie, renvoyée dans le District 12 en ruines, où Peeta la rejoint vite. Ils deviennent amants et parents, libres enfin du tumulte et des intrigues politiques.

De 2008 à 2012, la saga Twilight a raflé la mise au cinéma, après avoir été un succès de librairie : cette romance fantastique sur fond de vampires et de lycanthropes conquit le coeur de midinettes éprises de Robert Pattinson et permit à Kristen Stewart d'accéder à une popularité immense. Malgré une niaiserie souvent épinglée, on assistait à un phénomène proche de celui des Harry Potter, avec de jeunes héros aux destins contrariés par des forces obscures.

Cela allait donner lieu à une vraie recette qu voulurent reproduire toutes les majors companies d Hollywood en achetant les droits de romans en plusieurs tomes susceptibles de charmer le même public avec des arguments narratifs similaires. A ce jeu-là, finalement, peu rivalisèrent avec Twilight et Harry Potter, et bien des starlettes sur lesquelles les studios comptaient pour devenir la nouvelle Kristen Stewart ou de jeunes bellâtres pour succéder à Robert Pattinson furent vite jetés aux oubliettes.

Jusqu'à ce que Lionsgate mit la main sur les best-sellers de Suzanne Collins et entreprit d'en faire leur machine à cash. Le pari, rétrospectivement, était ambitieux car le fond des romans n'était pas optimiste et possédait un discours politique, certes manichéen, mais détonant par rapport aux adaptations de Stephanie Meyer (Twilight) ou J.K. Rowling (Harry Potter). On est là dans le registre de la dystopie et de l'uchronie, et même sans rivaliser avec la complexité d'un Philip K. Dick, c'est tout de même moins léger et sentimental que les amourettes des vampires ou l'apparentissage des sorciers.

La production du premier film Hunger Games trahit d'ailleurs une certaine prudence (et une prudence certaine) : la réalisation est confiée à Gary Ross, qui est davantage un habile faiseur, un technicien compétent, ancien scénariste (on lui doit notamment Big de Penny Marshall avec Tom Hanks dans les années 80), qu'un auteur racé. Le budget dont il dispose est confortable mais on ne sent jamais qu'on a affaire à un long métrage taillé comme un blockbuster, avec de fastueux décors et une débauche d'effets spéciaux (seuls les costumes du Capitole se distinguent par leur exubérance). Néanmoins, il y a quelque chose dans cette modestie qui rend le résultat direct, sans fioritures, très efficace, comme si, en cas d'échec ou du moins de résultats insuffisants au box office, le film devait se suffire à lui-même.

Le propos est original et brode autour d'une version moderne des jeux du cirque romain conçus pour distraire l'élite et contrôler le peuple par le divertissement. Dans la république de Panem, les jeunes adolescents sont de la chair à canon, des outils pour le pouvoir autoritaire en place, qui se sacrifient pour le District auquel ils appartiennent dans une loterie cruelle et absurde. Le concours n'est rien d'autre qu'une battle royale où il ne doit en rester qu'un à la fin.

Le plus choquant en dehors de cette compétition aberrante est le contraste que montre le film entre la bourgeoisie, oisive, composée de courtisans, de goinfres, ignorant (ou choisissant d'ignorer) la misère des Districts. Panem est une société concentrique : le Capitole en occupe le centre, les Districts à mesure qu'ils sont éloignés sont de plus en plus pauvres, désolés. Le Président Snow et ses sujets les plus proches sont habillés de vêtements colorés, coiffés de manière délirante, agissent avec affectation, ont profité de tous les avantages dus à leur rang (bonne éducation, confort matériel...). Les Districts sont gris, leurs habitants exercent des métiers pénibles, l'espérance de vie y est faible, leur condition archaïque (on y chasse à l'arc dans des forêts environnantes comme dans le District 12 dont est originaire Katniss).

Katniss est le produit de ce milieu et le scénario la décrit rapidement et très bien : c'est une archer remarquable, aussi déterminée que mélancolique, aspirant à fuir ce monde quitte à aller ailleurs en se contentant d'encore moins mais en étant libre. Ses projets sont bouleversés quand sa jeune soeur est choisie pour participer aux "Hunger Games" et elle se porte volontaire pour la remplacer, devinant qu'elle n'y survivra pas car elle n'est pas une guerrière et qu'elle veut préserver son innocence. Katniss est à cet égard une soeur exemplaire, une fille aînée remarquable, mais aussi un peu "l'homme de la famille" (sa mère vit seule, veuve).

Son partenaire est Peeta et non Gale, comme le spectateur pouvait s'y attendre et le prologue le suggérer en nous montrant Katniss chassant avec son ami d'enfance, beau et amoureux d'elle (et elle de lui). Ce choix scénaristique va bouleverser la donne de l'intrigue jusqu'à la fin de la saga, la rendant moins prévisible que ce qu'on craignait (même si Josh Hutcherson dans le rôle de Peeta tout comme Liam Hemsworth souffrent d'un égal manque de charisme préjudiciable).

Il est souvent décisif de trouver dans un film la scène où tout bascule et ici, elle se trouve lorsque Katniss assiste à la mort d'une très jeune concurrente noire, Rue, touchée à sa place. L'attention avec laquelle elle l'accompagne dans sa brève agonie et la sincérité de son chagrin après sa mort ainsi que, surtout, le signe de solidarité qu'elle adresse aux habitants du District de la sacrifiée éclairent son personnage d'une aura singulière et durable, autant parce qu'elle s'attire ainsi la sympathie des spectateurs que l'ire du Président Snow, qui comprend aussitôt qu'elle devient l'égérie des affamés - un grain de sel dans sa machine bien huilée, un danger contre le système, la potentielle étincelle d'une poudrière, celle par qui la rébellion pourrait resurgir. Donald Sutherland n'a pas à forcer son talent pour incarner alors le mal absolu, ce politicien déjà bien accablant qui, non content d'envoyer les enfants à la mort, a désormais comme adversaire une adolescente qu'il faut éliminer sans la transformer en martyr.

C'est ce que Francis Lawrence, un cinéaste qui a percé en 2008 et a ensuite servi des stars (comme Will Smith dans Je suis une légende ou Keanu Reeves dans l'adaptation du comic-book Constantine) avec un goût pour la belle image, va s'employer à développer avec un peu plus de style et d'envergure que Gary Ross dès le deuxième film.

Le premier opus a en effet cassé la baraque et Lionsgate n'a donc pas hésité à mettre en chantier non pas une mais deux suites, une trilogie orchestrée comme un crescendo. La franchise ainsi lancée profite même d'un atout inattendu quand, en 2012, son actrice principale reçoit, pour son exceptionnelle interprétation dans Happiness Therapy de David O. Russell, l'Oscar de la meilleure actrice. Désormais Hunger Games dispose non plus simplement d'une jeune comédienne prometteuse mais d'une lauréate de la prestigieuse académie, de quoi conférer une crédibilité artistique providentielle au projet qui passe de divertissement de masse pour un public jeune à une oeuvre portée par sa jeune vedette reconnue par le milieu.

Sous-titré L'Embrasement, le script du deuxième épisode a la délicate tâche de faire mieux que le premier tout en préparant une conclusion accrocheuse. Et il y parvient impeccablement avec restant focalisé plus que jamais sur le personnage de Katniss dont le Capitole fait un instrument de propagande au cours d'une tournée à la suite de sa victoire aux Jeux de la Faim. Mais la jeune femme n'est pas dupe ni très coopérative, elle n'obtempère d'ailleurs que sous la menace de Snow qui veut s'en prendre à sa famille.

Mais le ver est de toute façon dans le fruit : les Districts, même sous la contrainte des sinistres Pacificateurs (la police de Panem), accueillent Katniss et Peeta pour les écouter réciter un discours que personne ne veut plus entendre. Des exécutions sont commises contre des francs-tireurs, horrifiants le jeun couple. Plutarch, le haut-juge du gouvernement, convainc Snow d'organiser à la hâte de nouveaux Jeux dits de l'Expiation pour mater ce début de révolte : de manière sournoise, on va y opposer les vainqueurs des précédentes éditions dans l'objectif qu'un ancien champion aguerri saura éliminer Katniss et étouffer l'espoir qu'elle a suscité.

Lawrence mène son affaire avec beaucoup de maîtrise en profitant de moyens plus larges mais sans verser dans l'exagération. Il y a un sens du dosage exemplaire chez le metteur en scène qui lui permet de découper son récit en plusieurs étapes et on passe du premier au second acte avec de quoi encore surprendre. Les pièges qu'affrontent les candidats sont pervers à souhait (fumée empoisonné, animaux mutants, éléments déchaînés...), les forçant à nouer des alliances pour survivre. Katniss se méfie malgré tout de tout le monde, ayant deviné qu'elle est la cible à abattre.

Comme dans le premier film, il faudra une péripétie déchirante pour qu'elle agisse radicalement. Mais le réalisateur choisit une solution intermédiaire, moins tragique que la mort d'un candidat (ce qui évite la redite), se "contentant" de séparer Peeta de sa partenaire pour qu'elle interrompe la partie de façon spectaculaire dans un cliffhanger parfait à l'iconographie très christique (Katniss évacuée dans les pinces géantes d'un overcraft les bras en croix, à demi-morte électrocutée).

L'Embrasement dépasse en entrées et en gains le premier opus et va conduire Lionsgate à un choix plus commercial qu'artistique, que tout le monde lui reprochera : découper en deux parties le dernier chapitre et donc transformer la trilogie en tétralogie. Il n'y a pas de petits profits pour le studio qui espère ainsi doubler ses bénéfices. Le calcul ne dispensera pas le studio de devoir augmenter ses acteurs, peu désireux d'enchaîner deux nouveaux épisodes au prix d'un seul...

La Révolte 1 & 2/2 n'est cependant pas un ratage indigne car Francis Lawrence s'emploie avec énergie à filmer une histoire plus décompressée sans pour autant livrer un montage trop lâche (le troisième film dure ainsi seulement deux heures). Mais il ne peut malheureusement pas tout corriger et les scénaristes manquent l'occasion de développer des aspects importants comme leur aurait permis de le faire ce re-découpage du récit.

Aux mains de la Rébellion, installée dans le District 13 (autrefois rasé par Snow pour empêcher une insurrection), et commandée par la Présidente Coin (dont on devine, comme Katniss, qu'elle ne vaut guère mieux que son adversaire déclaré - et qui le lui rend bien car cette chef n'apprécie pas la jeune femme trop indocile pour ses projets de reconquête), Katniss prend pleinement la mesure de son rôle d'égérie, d'incarnation du Geai Moqueur (l'oiseau emblématique des insurgés). Mais cela ne signifie pas qu'elle sait jouer mieux cette partition que lorsque Snow voulait qu'elle serve la propagande du Capitole.

On le voit ainsi quand elle doit être filmée dans des petits films à destination des Districts hésitants à se rebeller. Elle n'est pas une actrice pouvant singer l'insubordination parce qu'elle l'a vécue et donc elle doit être saisie en situation. En apprenant par Gale, soldat de la Rébellion, que le District 12 a été détruit (mais que sa famille en a été évacué à temps), elle trouve l'inspiration et les accents de la pasionaria parce qu'elle a des raisons objectives d'en vouloir à Snow et de le défier. L'autre raison étant que Peeta est aux mains du Capitole...

Et le jeune homme, pour lequel Katniss a éprouvé depuis le premier épisode, des sentiments confus, apparaît lui aussi dans des vidéos émises par le régime présidentiel, soutenant Snow et appelant les révoltés à déposer les armes. Une mission est désignée pour aller le délivrer et quand il est ramené, avec d'autres candidats torturés, au District 13, Katniss découvre son ami rendu fou de haine contre elle, le cerveau lavé - une manoeuvre odieuse de Snow pour la décourager. Sauf que, évidemment, la colère va l'emporter sur le chagrin et la jeune femme, pour la satisfaction de Plutarch et Coin alliés, veut désormais faire payer personnellement le Président en le tuant pour tout le mal qu'il (lui) a fait.

Le quatrième film reprend avec adresse la structure même des Jeux de la Faim mais en l'appliquant à l'insurrection lors d'un raid auquel participent Katniss, Gale, Peeta, l'équipe de tournage des films de propagande de la Rébellion, et des soldats, en direction du Capitole. A nouveau on a droit à une succession de pièges, d'étapes, à des pertes humaines, à des courses d'orientation (à la surface et en sous-sol). Le spectacle renvoie, dans des décors ravagés par des bombardements et des obstacles sadiques, aux théâtres de guerre, laissant les villes des Districts à l'état de ruines. Francis Lawrence a le bon goût de ne pas esthétiser ces horreurs et se montre même étonnamment sobre pour les représenter (qu'il s'agisse d'explosions, de tirs échangés, de jets de flammes, de mutants voraces dans les égouts...), préférant souligner la tension au sein du commando, l'état mental fragile de Peeta (qui constitue un poids supplémentaire pour le groupe), l'émancipation de Katniss (qui doit rapidement remplacer le chef de l'équipe). Bien joué.

En revanche, les scénaristes manquent une occasion en or, dans le troisième film, de s'intéresser (et nous avec) à l'organisation de la Rébellion, sa hiérarchie, son passé, ses stratégies, sa base, son armée, ses équipements. Tout cela aurait été passionnant à décrire et aurait permis à l'histoire d'être enrichie sans sacrifier le reste (l'évolution de Katniss, ses retrouvailles contrariées avec Peeta, son amitié amoureuse sacrifiée avec Gale, la trahison de Plutarch qui abandonne Snow pour Coin...).

Cela est, en quelque sorte, compensé par la constance apportée au personnage de Katniss, et il est temps de parler de Jennifer Lawrence. La jeune actrice porte son personnage avec une rigueur impressionnante : elle est crédible en archer, en survivante acharnée, en égérie, en forte tête, sans oublier d'être séduisante (même lors des scènes de parade où elle est affublée de costumes kitschissimes). Son regard clair et perçant, son visage qu'on voit s'affiner des rondeurs de l'adolescence jusqu'à celui d'une jeune femme ayant vécu le pire, entourés d'une chevelure brune (comme dans Happiness Therapy, alors qu'elle est blonde et lumineuse au naturel), saisissent le regard. Elle capte l'attention naturellement et n'a aucun mal à voler la vedette même à des partenaires confirmés mais dont les prestations sont très inégales : pour une Elizabeth Banks au maquillage, coiffure et costumes ahurissants, qui donne le change, Woody Harrelson répète son numéro trop souvent vu de mec désabusé, noyant ses désillusions dans l'alcool, affublé d'un postiche ridicule, ou Julianne Moore échoue à surprendre en politicienne dont on devine trop vite la duplicité derrière un jeu froid, calculateur. Seul le regretté Philip Seymour Hoffman (mort en 2013, avant la fin du tournage, mais auquel est dédié le troisième épisode) donne satisfaction en Machiavel sans surjouer, avec une présence physique fabuleuse, à la douceur perfide.

La morale de ce casting, c'est que Jennifer Lawrence a besoin de comédiens de sa trempe pour que le film soit plus qu'une simple machine la mettant en valeur (David O. Russell l'a bien compris en lui associant Bradley Cooper et Robert de Niro). Car le succès et les prix d'interprétation plus le charisme immédiat de la comédienne lui ont donné une place à part dans le cinéma américain : bien que celui-ci regorge de jeunes actrices remarquables (Emma Stone, Kristen Stewart, Elle Fanning, Saoirse Ronan, j'en passe et j'en oublie), Lawrence est la seule à passer aussi bien des grosses productions sans s'y noyer aux films d'auteur en choisissant des cinéastes assez solides. Elle profite de l'attractivité de franchises lucratives (X-Men) comme de longs métrages "oscarisables", et même quand la critique étrille un de ses choix (comme dans le récent Mother !), elle trouve le moyen d'en tirer un bénéfice car on lui reconnaît le culot d'aller vers un projet casse-gueule (et qui se casse effectivement la gueule dans la presse spécialisée et au box office) en produisant une performance notable. Enfin, quand elle veut retomber sur ses pieds et retrouve son metteur en scène homonyme (même s'ils n'ont aucun lien de parenté), elle réussit à nouveau à performer dans les salles et à envoûter le public dans Red Sparrow de Francis Lawrence. C'est vraiment un cas.

La fin de la saga Hunger Games pourrait aussi illustrer le phénomène car l'histoire ne se termine pas franchement sur une happy end : Katniss, jusqu'au-boutiste, fait un choix tactique salutaire pour la démocratie mais sacrificiel pour elle. Son panache, c'est de réussir malgré tout à transformer son bannissement en libération, et même les derniers plans où on la voit, en couple avec Peeta, de retour dans le District 13 dont ils sont les seuls habitants, avec deux enfants en bas âge, diffuse la même mélancolie qu'on lisait dans ses yeux au tout début - celui de quelqu'un qui n'a jamais connu le bonheur spontanément mais a du lutter, abandonner beaucoup de choses, pour le gagner. Et promettant d'enseigner en priorité à sa progéniture ce pour quoi elle s'est battu, ce qui en vaut la peine de se battre, même en laissant derrière soi des amis, une carrière, la civilisation.

Pour échapper à la simplification ainsi, et malgré quelques errements de production, Hunger Games vaut la peine. A l'image de sa star, il y a dans cette épopée un éloge de la rectitude, de la droiture, de la pugnacité, sans concessions, irrésistiblement séduisant.              

lundi 28 mai 2018

SKYWARD #2, de Joe Henderson et Lee Garbett


Skyward a été un de mes coups de coeur le mois dernier et j'étais curieux de voir si la série allait poursuivre sur ses excellentes bases. Or, non seulement le scénario de Joe Henderson continue de développer l'intrigue à toute vitesse mais Lee Garbett rivalise d'énergie pour la mettre en images.


Juste après que son père lui ait annoncé avoir trouvé un moyen de rétablir la gravité sur Terre vingt ans après sa disparition, Willa Fowler refuse de croire à ce miracle mais le croit devenu fou après avoir passé tout ce temps enfermé chez lui, à refuser de chercher un nouveau travail.


Au boulot, Willa raconte cet échange à une collègue qui lui reproche sa dureté : elle a bien connu Nathan Fowler et, comme lui, le "G-Day", elle a perdu beaucoup de ses proches. Mais la conversation entre les deux femmes est interrompue par l'apparition à la télé de Roger Barrow, ancien collègue du père de Willa, qui a fait fortune dans le commerce d'équipements onéreux pour lutter contre l'absence de gravité.


Willa décide alors de rencontrer cet homme d'affaires, pensant qu'il pourra aider son père à sortir de sa réclusion et à retravailler, même si sa collègue assure que Barrow n'est qu'un égoïste. Quoi qu'il en soit, pour l'atteindre, Willa devra accéder aux rues huppées de Chicago où il donne une réception en présence du Maire.
  

Une fois sur place toutefois, les videurs refusent de la laisser entrer mais elle se défend et, en rusant, avec l'aide d'Edison, Willa réussit à s'infiltrer dans la fête, munie de chaussures magnétisées. Il lui faut encore passer outre l'assistant de Barrow pour lui parler en se présentant comme la fille de Nate Fowler.


Barrow accepte de s'entretenir avec elle... Mais Willa ignore qu'elle vient de tomber dans un piège car l'affairiste recherche son père depuis vingt ans pour l'éliminer car il craint qu'il ne trouve un moyen de rétablir la gravité, et donc de ruiner son business !

Skyward s'est distingué par sa légèreté, non seulement vis-à-vis de la situation de départ (l'absence de gravité) mais aussi par l'énergie positive que dégage son héroïne. Et pourtant ce deuxième épisode s'ouvre par une scène glaçante qui ramène le lecteur à la réalité du postulat de l'histoire en montrant des corps et des véhicules flottant en orbite au-dessus de la Terre, attirés dans l'espace depuis le "G-Day". De quoi rappeler efficacement que dans le monde de la série, même si plus rien ne vous cloue au sol, il convient de garder les pieds sur Terre.

Cette piqûre de rappel place le lecteur dans une position distincte de celle de Willa, qui ignore (préfère ignorer) ce fait, et s'étend à la suite du récit où on a souvent un peu d'avance sur elle, pressentant les ennuis dans lesquels elle plonge.

Image Comics a eu la bonne idée d'ajouter aux vingt pages de l'épisode une petite interview des auteurs, ce qui nous permet de les connaître mieux (et au passage d'apprécier que le monde est petit...). Joe Henderson fait ses premiers pas dans les comics mais il n'est pourtant pas étranger à ce média puisqu'il fut le showrunner de la série Lucifer (sur la Fox)... Précisément adaptée de la bande dessinée éponyme écrite par Holly Black et dessinée par... Lee Garbett. Le néo-scénariste a "pitché" son histoire à Image Comics puis téléphoné au dessinateur en lui demandant d'abord s'il connaîtrait un artiste intéressé pour la réaliser. Mais Garbett a été séduit par le projet et, parvenu à la fin de sa prestation sur Lucifer, a décidé de se lancer dans cette aventure en creator-owned.

L'expérience de Henderson à la télévision se ressent dans la manière dont il conduit ce nouvel épisode : après avoir le mois dernier les bases de son intrigue, il progresse d'un bond en soulignant la caractérisation de ses personnages - la relation difficile et douloureuse entre Willa et son père, sa complicité avec Edison - et en créant un rebondissement - l'apparition de Roger Barrow, dont le passé commun avec Nate Fowler est à la fois un espoir et une menace pour Willa.

Le scénario laisse intelligemment le lecteur opérer les déductions (pourquoi Barrow veut-il éliminer Nate ? Parce qu'il a fait fortune avec des équipements contre l'absence de gravité et qu'il craint que Fowler ne ruine cela en trouvant, comme il le prétend à sa fille, remédier à cette situation). S'il est toujours périlleux de donner de l'avance au lecteur car l'héroïne peut alors donner le sentiment d'être moins vive que nous, on accordera du temps à Henderson pour juger de la manière dont il gère l'avantage qu'il nous procure.

Lee Garbett et son coloriste Antonio Fabela (qui collaborent ensemble depuis Lucifer) ont établi, à l'évidence, la cohérence de l'univers de la série en amont car rien n'est laissé au hasard. Les planches conservent une tonicité grisante et on a droit à quelques moments efficacement évocateurs (comme la descente, digne d'un saut à l'élastique, dans les rues de Chicago). Justement, une bonne partie de l'action se déroule dans les quartiers huppés (qui sont aussi les bas quartiers de la ville ironiquement dans ce monde inversé) et tout y apparaît plus artificiel, avec les éclairages, les vêtements des personnages, par rapport à l'insouciance fataliste du haut de la cité.

En s'invitant dans la bourgeoisie de Chicago, Willa détone de manière comique (voir son entrée dans la réception, marchant de façon maladroite avec des chaussures magnétisées). Son enthousiasme, traduit par une expressivité habilement forcée par le trait vif de Garbett, tranche avec les mines patibulaires des physionomistes ou les mondanités convenues des invités. Il est évident qu'elle n'appartient pas à cette élite et cela est remarqué, ce qui introduit une menace perceptible par le lecteur avant même qu'on sache clairement les mauvaises intentions de Barrow vis-à-vis de Nate Fowler.

En seulement deux épisodes, Skyward nous aura introduit dans un contexte surprenant et captivant, avec des protagonistes bien campés, et une dose de suspense addictif. De quoi attendre la suite avec confiance.

dimanche 27 mai 2018

BLACK HAMMER : AGE OF DOOM #2, de Jeff Lemire et Dean Ormston


Pourquoi Jeff Lemire a-t-il ajouté au titre Black Hammer la formule Age of Doom pour relancer sa série ? On pouvait facilement saisir que les héros de son histoire étaient déjà en fâcheuse posture avant cela. Mais c'est avec cet épisode qu'on mesure vraiment la justesse de cet accroche supplémentaire où, avec Dean Ormston, le scénariste nous entraîne littéralement jusqu'en Enfer...


Lucy Weber demande à Lonnie James de l'aider à quitter l'Anteroom et il accepte de la guider vers une sortie. Ils traversent ainsi un portail dimensionnel avant qu'il ne l'abandonne devant de hautes grilles menant directement aux Enfers !


Cependant, à Rockwood, Abe répare le toit de la ferme, précédemment endommagé par Gail, laquelle part en ville enquêter avec Barbalien sur l'histoire de la commune au sujet de laquelle Lucy, avant sa disparition, n'avait rien trouvé. Direction : la bibliothèque.


En Enfer, Lucy rencontre Jack Sabbath, un ancien de l'Escadron de la Liberté, qui la reconnaît, grâce à son costume, comme la fille de Black Hammer. Mais leur conversation est interrompue par l'apparition du Diable qui s'amuse de l'identité de la visiteuse et lui montre qu'il détient son père. Un leurre en vérité mais qui provoque la colère de la jeune femme.


A leur grande surprise, Gail et Barbalien trouvent, au contraire de Lucy, plusieurs ouvrages richement documentés sur l'histoire de Rockwood. Qu'est-ce que cela signifie ? Leur amie aurait-elle été abusée ? Ou sa disparition a-t-elle altéré la réalité ? Gail est désorientée et lasse, au point qu'elle confie à Barbalien sa romance passée avec un de leurs ennemis communs, Sherlock Frankenstein, qu'elle souhaiterait retrouver tout comme sa vie avant d'être coincée à Rockwood.


Lucy a corrigé les démons de l'Enfer et exige du Diable qu'il la renvoie chez elle. Il s'exécute... Mais en se jouant d'elle et de Jack Sabbath qui l'accompagne car ils atterrissent alors au Pays des Rêves !

Le dispositif narratif de Jeff Lemire, depuis la relance de la série, est simple mais habilement exploité. Cette narration parallèle suit en alternance d'un côté Lucy Weber devenue Black Hammer dans l'au-delà, et de l'autre côté reste auprès des héros retenus dans les environs de Rockwood.

Lemire s'amuse avec ces deux cadres d'une façon qui rappelle indéniablement la série télé Lost, notamment à partir de sa saison 2 (lorsqu'on fit connaissance avec d'autres survivants du vol 815 de la compagnie Ocean Airlines). Il ne s'agit pas tant de fournir des réponses claires au lecteur que de continuer à l'égarer, à le faire douter en multipliant les rebondissements, les fausses pistes.

Dans le cadre de Black Hammer : Age of Doom, la ballade aux Enfers de Lucy figure l'aspect désormais le plus fantastique et fantaisiste de la série et le scénariste ne cherche pas à innover dans la représentation : nous voilà transporté dans des profondeurs écarlates et fumantes, dominée par un Diable gigantesque et sournois. Dean Ormston s'amuse visiblement beaucoup à animer cette dimension effectivement cauchemardesque tout en maintenant un découpage très simple à base de larges cases et d'images évocatrices (comme celle où le Black Hammer original est captif dans une cage).

Puis dans le feu et le sang, Lucy se déchaîne et impressionne le Diable au point de lui arracher un droit de sortie. Mais évidemment, il ne faut jamais parier avec le Diable car il se joue toujours de ses ennemis. Ce qui aboutit à un dénouement sarcastique à souhait. On pourra grogner en trouvant que Lemire ne fait que gagner du temps en expédiant son héroïne d'un endroit à un autre, mais c'est si jubilatoire qu'on serait mal inspiré de s'en plaindre.

Le décor de Rockwood nous est désormais familier avec la ferme, la ville voisine, et les multiples sous-intrigues en pleine éclosion depuis qu'elles ont été semés dans le premier Volume de la série et plus encore depuis sa reprise récente. Les héros se sont pourtant désormais organisés à la fois pour partir de leur prison et retrouver Lucy Weber, convaincus que les deux événements sont liés.

L'épisode consacre donc de la place au duo Gail-Barbalien et leurs investigations sont déroutantes. sans remettre en cause ce que leur avait racontés Lucy, ce qu'ils découvrent la contredit totalement. Comme eux, nous voilà bien décontenancés... Mais la scène la plus remarquable a un autre objet : depuis dix ans qu'ils sont coincés dans cette bourgade, le temps a diversement usé les personnages. Si Abe s'est résigné, Gail a, depuis le début de la série, exprimé sa frustration (d'avoir perdu ses pouvoirs, d'être restée une fillette) : on apprend maintenant qu'elle est aussi accablée parce qu'elle était l'amante du vilain Sherlock Frankenstein avec lequel elle souhaite renouer si elle peut s'évader. Cet aveu étonne Barbalien à bien des niveaux tout en le renvoyant à ses propres secrets (qu'a deviné Gail - cf. son attirance pour le curé).

On peut facilement (et malencontreusement) limiter Black Hammer à un projet référentiel, un divertissement ludique et ponctué par quelques scènes spectaculaires. Mais, derrière cela, le projet de Jeff Lemire est (surtout) une épatante réflexion sur une autre forme d'héroïsme : celui d'exister, ce continuer à vivre, à espérer, malgré des pertes profondes, intimes, et lutter malgré tout contre la fatalité.

OLD MAN HAWKEYE #5, de Ethan Sacks et Marco Checchetto


On approche de la moitié de cette saga (le mois prochain sera, je crois, consacré à un flash-back revenant sur la chute des héros, 45 ans dans le passé) et Old Man Hawkeye doit marquer un peu le pas pour ne pas tomber dans la routine d'un épisode/une vengeance. N'allez cependant pas croire que Ethan Sacks et Marco Checchetto vont laisser du répit à Clint Barton...


A la recherche de Songbird, une autre membre des Thunderbolts, Clint Barton s'arrête au "Josie's Bar" tenu désormais par Turk (ancien indicateur du Caïd et souffre-douleur de Daredevil). Le barman évoque un couvent où elle se serait retirée. Mais la conversation est interrompue par l'irruption des Venoms.


A Electroville, l'ex-marshall Bullseye, blessé précédemment par les enfants de Kraven le chasseur, se fait soigner par Claire Temple dans sa clinique. Il lui demande également si elle peut lui retirer l'implant Deathlock qui permet à Crâne Rouge de le localiser mais cela nécessiterait une intervention chirurgicale délicate. Dehors, une voix familière exige que Bullseye sorte et se rende sans résistance.


Au "Josie's Bar", la bataille fait rage et un des Venoms tue Turk. Son jeune neveu, en possession du casque de Ant-Man, attaque les symbiotes avec des fourmis tandis que Hawkeye exploite un de leurs points faibles en les incendiant.


Bullseye se débarrasse facilement des hommes envoyés par Crâne Rouge pour l'arrêter. Il fait passer au chef de ce commando, le Maître de Corvée, un message à leur Président de lui fournir des renforts dans trois jours à Rock Springs, sinon il continuera de tuer tous ceux qui le traquent.


Blessé par un Venom, Hawkeye prend la fuite avec Dwight. Ils roulent dans une zone ne figurant plus sur aucune carte en dehors des friches : la cité fortifiée dont Kate Bishop est la Maire...

Comme je le rappelais en ouverture, l'histoire approche de sa moitié et Ethan Sacks a suffisamment bien bâti son projet pour en ménager la progression. D'un côté, il ne peut pas se contenter d'aligner les règlements de comptes entre Hawkeye et les Thunderbolts à chaque épisode, ce qui générerait une lassitude. De l'autre, il ne peut épargner à ses protagonistes les conséquences de leurs actes, sans quoi le réalisme qu'il ambitionne serait démenti.

Alors il met en scène des corps éprouvés, à la croisée des chemins. Bullseye a été blessé par les enfants de Kraven et doit se faire soigner pour poursuivre sa traque, tout en échappant à Crâne Rouge auquel il ne répond plus. Clint Barton retrouve de manière explosive les Venoms qui ont pris pour hôtes les doubles de Madrox l'homme multiple et cette bataille le laisse également amoindri, obligé de battre en retraite et de différer la suite de sa vengeance.

On pouvait tiquer sur la forme parfois insolente du héros et des vilains dans les épisodes précédents au regard des combats qui les opposaient. Pour des quinquagénaires-sexagénaires, Hawkeye, Atlas, the Beetle, Bullseye et compagnie affichaient une santé encore vigoureuse (quand bien même l'archer se sait condamné à une cécité prochaine). Cette fois, Sacks les et nous rappelle à l'ordre et en décrivant Bullseye sur la table d'opération de Claire Temple ou Clint Barton obligé d'aller se cacher chez une vieille amie, on constate que ces hommes-là tiennent d'abord par la rage qui les animent. Mais quand ils sont atteints, ils doivent recevoir des soins.

L'ombre de la mort, ou du déclin, plane alors d'autant plus fortement et renvoie à la référence au western Impitoyable de Clint Eastwood, qui inspira Mark Millar pour Old Man Logan.

Marco Checchetto ne cesse d'aligner des épisodes de haute volée depuis le début de la série et on ne peut que répéter les compliments déjà adressés à l'artiste italien qui accomplit là son meilleur ouvrage. 

Lorsqu'il anime le morceau de bravoure de ce chapitre, avec l'assaut des Venoms dans le "Josie's Bar", tout reste lisible et énergique. La violence de la bagarre, qui culmine avec la mort très sanglante (mais traitée avec intelligence par le coloriste Andres Mossa) de Turk, est d'une intensité peu commune, d'autant qu'elle se passe dans un espace réduit, en intérieur. 

La présence du jeune Dwight, le neveu de Turk, qui a hérité du casque de Ant-Man, ajoute une force incongrue au combat car le jeune garçon est d'abord le spectateur dépassé de la séquence avant d'en être un acteur déterminant. Et la dernière page marque l'entrée en scène d'une figure familière qui fait plaisir et fait le lien avec le second volume du Hawkeye tel qu'écrit par Jeff Lemire et dessiné par Ramon K. Pérez (quand les deux archers étaient montrés dans leur grand âge grâce à un saut dans le temps).

Si Old Man Hawkeye ne s'aventure pas dans l'étrangeté interprétative de Mister Miracle, c'est une saga qui lui fait une concurrence (même format de douze épisodes, même complicité entre le scénariste et le dessinateur, même puissance narrative). Un projet alternatif comme Marvel serait bien inspiré d'en produire davantage.   

samedi 26 mai 2018

THE TERRIFICS #4, de Jeff Lemire et Evan Shaner (+ BONUS)


Après un premier arc gâché par la mauvaise gestion éditoriale de la ligne "The New Age of Heroes", résumé par l'incapacité d'Ivan Reis à assurer ses trois épisodes, et particulièrement la médiocrité du dernier, The Terrifics avait beaucoup à se faire pardonner. Si l'avenir proche nous dira si ce titre peut durablement se redresser, ce quatrième chapitre concrétise en tout cas un spectaculaire sursaut de la part de Jeff Lemire, cette fois soutenu par Evan Shaner.


Comme il le lui avait promis, Mr. Terrific, après avoir contacté Hal Jordan pour prévenir ses parents de son arrivée, emmène, avec Metamorpho et Plastic Man, Phantom Girl sur sa planète natale, BGZTL. La jeune femme consigne son voyage dans un journal.


Après avoir traversé une partie de l'univers en hyper-propulsion, le vaisseau sphérique de l'équipe est intercepté par un rayon tracteur qui l'oblige à atterrir sur une décharge spatiale. Très rapidement, les quatre acolytes sont séparés en deux groupes. 


D'un côté, Mr. Terrific (privé de ses T-sphères) et Metamorpho : celui-ci demande si, une fois rentré sur Terre, son chef pourrait chercher un moyen de lui rendre son apparence humaine. Mais très vite, cette conversation est interrompue car ils tombent nez à nez avec des collecteurs pirates.


De l'autre, Plastic Man et Phantom Girl : elle culpabilise d'avoir entraîné l'équipe dans ce lieu inhospitalier mais son camarade la réconforte. Puis voyant passer les T-sphères de Mr. Terrific, ils les suivent. C'est ainsi qu'ils viennent en aide à Metamorpho et leur chef aux prises avec les pirates.
  

Cette péripétie a soudé l'équipe mais, à l'approche de BGZTL, Phantom Girl est anxieuse et elle va rapidement avoir des raisons de l'être : son séjour dans le Dark Multiverse a duré dix ans mais sur sa planète, trente-sept années se sont écoulées. Sa mère lui apprend que son père est mort mais la console en lui promettant que plus rien désormais ne les séparera.

Tout d'abord, le plaisir qu'on a à lire cet épisode provient des dessins, magnifiques, de Evan Shaner, qui devait ronger son frein depuis le lancement de la série car il s'y est investi particulièrement. Les uniformes que portent désormais tous les Terrifics (ainsi que Plastic Man baptise l'équipe) sont des designs de Shaner, par ailleurs grand fan de Plastic Man et Metamorpho en particulier. Il a aussi créé l'apparence de Lyanna alias Phantom Girl de manière à la distinguer de son homonyme dans la Légion des Super-Héros (dont DC préparerait le retour, comme la JSA).

Mais cela traduit aussi la mauvaise gestion éditoriale du titre (et de presque tous ceux de la collection "New age of heroes") qui voulait mettre en avant des dessinateurs vedettes tout en prévenant qu'il ne ferait pas plus que les trois premiers épisodes. Hormis l'inusable Romita Jr (sur The Silencer) et le médiocre Kenneth Rocafort (sur Sideways), aucun n'a été en mesure de tenir cette promesse. La question se pose alors : n'aurait-il pas été plus sage et logique de lancer ces séries avec des artistes capables de tenir les délais quitte à ce qu'ils ne soient pas des stars ?

Il faut savourer les épisodes de Shaner car il n'en fera finalement que deux, DC l'ayant réquisitionné pour un épisode de la mini-série hebdomadaire Man of Steel (écrite par Brian Michael Bendis - où il sera secondé par Steve Rude) et lui confiant les couvertures de rééditions de titres du "Silver Age". Le dessinateur, pourtant capable d'enchaîner les chapitres, mais ne pouvant pas être au four et au moulin, passera le relais à Dale Eaglesham (que j'apprécie, mais il n'empêche, quel défilé horripilant !).

Pourtant quand on lit ces vingt pages, Shaner s'impose comme une évidence : son style élégant, son affection visible des personnages, le soin apporté aux finitions, associés à la colorisation quatre étoiles de Nathan Fairbairn donne à The Terrifics un look à la fois rétro et tonique, collant idéalement au sujet.

Et ce sujet, Jeff Lemire le reprend vigoureusement en mains après s'être fourvoyé le mois dernier dans un épisode inhabituellement médiocre de sa part. D'abord il consacre ses efforts à la caractérisation du personnage le moins défini du groupe, Phantom Girl, en lui donnant directement la parole puisque l'aventure est relatée via son journal intime. On s'attache vraiment à la benjamine de l'équipe, longtemps éloignée de chez elle, en délicatesse avec ses pouvoirs, et soucieuse à l'idée de rentrer à la maison (tout en sachant qu'elle ne pourra y rester).

Ensuite, le scénariste, au gré des rebondissements qui émaillent le voyage des quatre héros, en profite pour "changer de cavalière", redistribuer les rôles. Vite séparés, les protagonistes sont obligés de s'appuyer sur un acolyte avec lequel il n'avait pas eu le temps de faire connaissance jusqu'à présent. Plastic Man fait moins le mariole et c'est reposant, pour se montrer attentionné et touchant avec Phantom Girl. Metamorpho est moins grognon et débute même une relation amicale avec Mr. Terrific très inspirée par celle qui existe entre la Chose et Mr. Fantastic (avec l'envie de recouvrer un aspect normal). Cette reconfiguration est d'autant plus efficace que Lemire la met en scène sans négliger l'action au cours de deux scènes très mouvementées.

Enfin, le dénouement de l'épisode est carrément une auto-citation de Lemire à son Doctor Star... quand Phantom Girl comprend grâce à Mr. Terrific, une fois chez elle, que le temps qu'elle a passé dans le Dark Multiverse ne s'est pas écoulée normalement par rapport à celui de BGZTL, aboutissant à des conséquences poignantes... Et à une promesse de sa mère que le lecteur (et le reste de l'équipe) sait intenable.

La série rebondit donc à point et on en sort ragaillardi, mais aussi déjà un brin nostalgique car le duo magique formé par Lemire et Shaner sera vite dissous. En définitive, l'avenir de la relation entre les fans et ce titre est à l'image de sa conception : alléchant et incertain. On verra s'il s'agit d'une glorieuse incertitude ou d'un fâcheux fiasco.

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Bonus : les characters designs d'Evan Shaner pour The Terrifics.