dimanche 31 octobre 2021

LUMIERE SUR... CHRIS SAMNEE #INKTOBER 2021 #BATOBER 2021

 

Vous devez commencer à connaître le principe puisque je poste ça tous les ans, mais je le rappelle pour ceux qui l'ignoreraient : au mois d'Octobre, c'est l'opération #Inktober, c'est-à-dire que des dessinateurs (pros ou amateurs) postent chaque jour sur les réseaux sociaux un dessin original en noir et blanc inspiré d'un mot-clé.

Chris Samnee, qui cette année, avec Fire Power et Jonna and the Unpossible Monsters, n'avait guère le temps de s'amuser, a quand même relevé son défi annuel avec son #Batober inspiré du #Inktober, soit un dessin original chaque jour pendant les 31 que compte le mois, avec les personnages de Batman et de la Bat-family et de sa rogue gallery.

Je vous laisse admirer ces pépites.


































samedi 30 octobre 2021

BLACK HAMMER : REBORN #5, de Jeff Lemire, Malachi Ward et Matthew Sheean


Ce cinquième épisode de Black Hammer : Reborn est exceptionnel. Encore une fois, devrais-je ajouter. Jeff Lemire est un magicien et un sacré narrateur, qui fait feu de tout bois. Même le changement de dessinateur (Caitlin Yarsky n'assurant que le dessin de la couverture), avec l'arrivée du duo Malachi Ward-Matt Sheean, n'y change rien. On est embarqué dans cette lecture super-héroïque et méta-textuelle. Du grand art.


Dévastée par la mort de sa famille, désintégrée par le colonel Ward, Lucy, vêtue comme Black Hammer, sort de sa torpeur en attendant une sonnerie. Celle-ci provient de la chambre de Rosie, sa fille, dans le sac à dos de laquelle elle trouve un bipeur à l'effigie de Skulldigger.


Vingt ans avant. Alors qu'elle vient de tuer Dr. Andromeda pour l'empêcher d'ouvrir un portail sur notre dimension pour l'Anti-Dieu, Black Hammer incinère le corps et s'éclipse, n'assumant pas son geste. Elle rentre chez elle où l'attend sa mère - car Lucy avait passé le flambeau à Rosie à cette époque.


Aujourd'hui, Lucy vole au-dessus de la ville et observe l'autre Spiral City dans le ciel, sur le point d''entrer en collision avec sa jumelle. Des agents du T.R.I.D.E.N.T. ignorent comment éviter cette catastrophe. Lucy rejoint Spiral City 2, suivant le signal émis par le bipeur.
 

Elle découvre alors rapidement que Skulldigger émet le signal et sollicite son aide. Il lui explique qu'il existe un autre Dr; Andromeda, seule à même d'empêcher le désastre. Mais il faut faire vite car Sherlock Frankenstein et sa Ligue du Mal vont s'interposer...

Black Hammer, depuis le début, est à la fois une série super-héroïque, qui s'amuse à déplacer ses héros dans un cadre où leurs pouvoirs ne leur servent à rien, et un commentaire sur les séries super-héroïques en général. Jeff Lemire puise ainsi dans tout ce que Marvel et DC (principalement) on produit pour en recycler les personnages, les motifs, puis les intégrer dans l'environnement qu'il a créé et enfin en tirer une interprétation méta-textuelle.

Ce n'est donc pas un simple pastiche, ni une super fan-fiction. Jeff Lemire appose à sa grille de lecture un instrument critique qui révèle à la fois les clichés des comics super-héroïques et leur dimension néo-mythologique. En cela, il reconnaît à ce folklore une valeur symbolique, à laquelle j'ai toujours adhéré : les super-héros sont les descendants des chevaliers médiévaux, des cow-boys, des soldats, et leurs aventures explosives sont héritées des récits légendaires de l'antiquité, des chansons de gestes, etc.

D'une certaine manière, Lemire affirme que les comics n'ont rien inventé, mais ont, comme lui désormais, recyclé, reformulé des figures, des signes anciens. C'est, à mon sens, une grille de lecture sensée et pertinente. Le talent du conteur fait la différence et transforme ce matériau en une oeuvre originale. Seuls les meilleurs auteurs sont capables de transcender cela - c'était d'ailleurs la démarche de Alan Moore avec Watchmen, originellement conçu comme une histoire avec les action heroes de Charlton Comics, tout comme Tom Strong s'inspirait de Doc Savage, Top Ten de Hill Street Blues, sans parler de La Ligue des Gentlement Extraordinaires où il n'y avait plus de filtre.

Ce mélange de tradition et de relecture critique est le terreau de Black Hammer et avec le volume Reborn, Lemire pousse le curseur encore plus loin, en se confrontant à des héros et des scénarios plus récents. C'est évident dans ce cinquième épisode.

Tel Yggdrasil, l'univers de Black Hammer est composé de plusieurs régions, royaumes, autant de branches d'un même arbre. Certaines branches racontent des histoires passées, d'autres au présent, d'autres dans le futur, mais tout est lié par un tronc commun. Ainsi, dans Black Hammer : Reborn, on suit Lucy Weber vingt ans après qu'elle ait cessé son activité de super-héroïne, mais on croise aussi Skulldigger, Amanda Ryan (tous deux issus de la mini Skulldigger + Skeleton Boy), le Dr. Andromeda (ex-Dr. Star), le colonel Weird, on mentionne les Unbelievable Unteens (qui ont apparemment connu un sort funeste). Mais on n'en est pas encore à anticiper les événements de Quantum of Age (une mini-série futuriste). 

Et soudain, alors qu'on croyait tout savoir, Lemire nous cueille en révélant que, vingt ans avant les faits de Reborn, Lucy avait passé le flambeau à sa fille Rosie et que c'est cette dernière qui a tué le Dr. Andromeda quand il a voulu ouvrir un portail pour l'Anti-Dieu. Ce twist, fabuleux, imprévisible, modifie la perception et la compréhension des quatre épisodes précédents. Mais ce n'est pas tout.

Le centre-ville de Spiral City a vu apparaître des fenêtres dimensionnelles qui, lorsqu'on les franchit, révèlent des horreurs, un environnement anarchique, directement issus de la Para-Zone. La Para-Zone renvoie évidemment directement au colonel Weird et du Dr. Andromeda, qui l'ont exploré, avec des fortunes diverses (mais en y laissant des plumes tous les deux). Ces ouvertures dimensionnelles ont abouti à l'apparition d'une nouvelle Spiral City qui flotte à l'envers au-dessus de la Spiral City actuelle et la collision est aussi inévitable qu'imminente. Cela vous dit quelque chose ? Bien entendu, si vous avez lu les différentes Crisis de DC ou Avengers de Hickman, avec les fameuses "incursions" et le choc de Terres issues de dimensions parallèles.

Lorsque, suite à une découverte qui renvoie au début de Black Hammer : Reborn, quand Rosie Weber a rencontré Skulldigger qui lui a remis in bipeur, Lucy remonte le signal jusqu'à Spiral City 2 et tombe sur... Skulldigger. Celui évite de justesse son exécution par Black Hammer lorsqu'il lui révèle qu'un autre Dr. Andromeda est le seul à pouvoir empêcher la collision des deux villes. Mais, pour ne rien arranger, voilà que surgissent Sherlock Frankenstein (l'amant de Golden Gail - cf. Black Hammer : Age of Doom et la mini-série Sherlock Frankenstein) et sa Ligue du Mal, résolus à contrecarrer les plans des deux héros.

On ne s'ennuie vraiment pas. Mais on pouvait craindre que le résultat pâtisse de l'absence au dessin de Caitlin Yarsky, dont la perstation depuis quatre mois était irréprochable. Que nenni ! En recrutant Malachi Ward et Matt Sheean pour la remplacer, Lemire a eu le nez creux et gâgeons que, pour les fans, ce sera une très bonne surprise.

Je n'avais jamais lu ce que dessinaient Ward et Sheean auparavant (ils ont signé une série chez Image, The Ancestor, et réalisé des épisodes du relaunch de Prophet, créé par Rob Liefeld), mais j'ai été séduit par ce qu'ils font ici. Leur trait est plus rond que celui de Yarsky, mais comme elle, leurs planches sont détaillées. Il suffit de voir la double page où Lucy vole entre les deux Spiral City pour apprécier la minutie avec laquelle tous les buildings sont représentés.

Les deux artistes, chez qui il est impossible de distinguer qui fait quoi (même si je crois que Sheean réalise les finitions, l'encrage, et Ward les crayonnés), s'amusent volontiers avec le découpage, de manière toujours pertinente (voir la planche ci-dessus où Lucy trouve le bipeur de Skulldigger dans le sac de Rosie avec des cases qui se rétrécessent de bande en bande). Toutefois, l'ensemble reste sobre et cela contribue efficacement à souligner à quel point l'environnement est sans dessus-dessous (comme lorsque Lucy passe de Spiral City 1 à Spiral City 2).

Alors, oui, encore une fois, la limite de cette entreprise tient dans le fait que Black Hammer : Reborn s'adresse à des lecteurs initiés, familiers de cet univers de ces personnages. Si vous n'avez rien lu de Lemire à ce sujet, vous serez largués par les auto-citations. Mais raison de plus pour vous pencher sur le Black Hammer-verse, où il n'y a pratiquement rien à jeter, riche d'une diversité incroyable.

vendredi 29 octobre 2021

MARAUDERS #25, de Gerry Duggan et Phil Noto


On ne va pas se voiler la face : cet épisode fait peine à voir, ça sent vraiment la fin, et Gerry Duggan expédie ça sans élégance, en s'een fichant ostensiblement. Marauders effectue en quelque sorte une boucle, renouant avec ses pénibles et médiocres débuts. C'est un triste spectacle. Phil Noto et le lecteur méritent mieux que ça.


Ejectés dans le vide sidéral, les Marauders ne doivent leur salut qu'à Iceberg qui forme autour de ses compagnons une sphère de glace étanche. Kitty, Emma, Bishop, Pyro et Shaw reviennent à eux pour se rendre compte que leur réserve d'oxygène va vite s'épuiser.
 

Mais ils ne laissent pas abattre : Kitty met à profit ses connaissances scientifiques pour que le problème de l'oxygène soit provisoirement règlé. Puis Emma localise télépathiquement le vaisseau Mercury récupéré par Eden Ryxlo. Enfin, Shaw et Bishop trouvent un moyen de s'en rapprocher.
 

Reste à aborder le Mercury. Kitty se lance dans le vide sidéral et phase pour pénétrer dans vaisseau. Elle surprend Eden Rixlo et l'affronte vaillamment, en se servant des techniques de combat apprises auprès de Ogun. Ôtant ses bloqueurs psychiques à Rixlo, elle permet à Emma de le contrôler.


Iceberg, Bishop, Shaw, Pyro et Emma rejoignent Kitty à bord du Mercury. Contre toute attente, Emma épargne Rixlo et le débarque sur Arakko en lui laissant le Mysterium qu'elle lui avait remis pour racheter le Mercury, et pour le convaincre de ne plus lui chercher d'ennuis.

Gerry Duggan n'en a visiblement plus rien à fiche de Marauders. Tout comme Savage Avengers, qu'il concluera prochainement, le scénariste n'a plus qu'une hâte : se débarrasser d'une série qu'il n'a plus la motivation pour en rédiger les histoires, avant de se consacrer pleinement à X-Men. Mais il y a la manière...

On peut légitimement se séparer d'un titre qu'on a porté pendant plus de deux ans et 25 épisodes et le faire avec classe, estimant qu'on n'a plus rien à lui donner ou parce qu'on a n'a plus le temps de s'en charger ou parce qu'on a la tête pleine avec un titre plus exposé. C'est le cycle des comics : un auteur écrit une série, s'en va, un autre auteur arrive et prend le relais, le lecteur quant à lui voit s'il continue ou s'il embarque à la faveur de ce changement.

La façon de faire de Gerry Duggan est en vérité pathétique par le je-m'en-foutisme total qu'il affiche. Il a décidé de quitter le navire sans égards pour ses personnages ni pour le lecteur en lui servant, depuis plusieurs mois en vérité déjà, des épisodes indignes. On a vraiment l'impression de l'entendre penser que puisqu'il part, pourquoi se fouler ? C'est, je le dis, minable.

Marauders a toujours été le vilain petit canard de la franchise, une série souvent écrite à la va-comme-je-te-pousse, mais qui avait un capital sympathie étonnant, un côté attachant. Pour cela, j'ai passé beaucoup de choses à Duggan : son incapacité à respecter le cahier des charges (Marauders n'a jamais été la série qu'elle aurait dû être, devant parler du sauvetage de mutants persécutés et de livrer la médecine krakoane en détaillant le business de la Hellfire company), son absence de méchants sérieux, sa valse de dessinateurs, etc. Editorialement, cela relève de la paresse car on a laissé faire Duggan.

Le numéro du mois dernier et celui de ce mois-ci soulignent cette tendance : rarement ai-je lu une histoire en deux parties aussi médiocre. D'ailleurs, franchement, deux épisodes pour une intrigue pareille, cela laisse songeur, avec son vilain sorti de nulle part, un argument absolument nul, et une résolution aussi terne. L'impression de boucle est telle que, en plus d'être aussi mauvais que les premiers, ces épisodes se concluent avec une Kitty Pryde qui a à nouveau le nez cassé, comme une adresse lancée par le scénariste au lecteur de la première heure. Sauf que ce n'est ni inspiré, ni drôle. De là à dire que tout ce que Duggan aura voulu imposer, c'est que Kitty Pryde soit appelée Kate et qu'elle aura eu recours à la rhinoplastie, il n'y a qu'un pas. Quoi d'autre de notable ? Je ne vois pas.

Je suis fumasse, d'autant plus que, après avoir subi des dessinateurs souvent moyens (Matteo Lolli, Lucas Werneck) ou très bons (Stefano Caselli et ici Phil Noto), Marauders ne donne rien de bon à illustrer à Phil Noto. Il fait le job, en bon professionnel, habitué aux scripts de Duggan, rompu à tout. Mais c'est du gâchis d'avoir un artiste aussi expérimenté et de lui donner juste ça. Franchement, sans Noto, ce serait juste imbuvable.

Après avoir lu ça, je pense que Steve Orlando ne pourra pas faire pire en Janvier prochain. Mais aurais-je encore envie de suivre Marauders alors ? Il faudra que le série se remette en question (en commençant par se redéfinir) et assure sur le plan graphique (en ayant un artiste régulier de bon niveau). C'est pas gagné.  

S.W.O.R.D. #9, de Al Ewing et Jacopo Camagni

S.W.O.R.D. continue d'être la série la plus déroutante de la franchise X. En un sens, il est logique qu'elle ait l'espace pour décor car c'est un véritable ovn. Al Ewing joue certes habilement avec les nerfs du lecteur car il ne propose toujours pas d'arc narratif et le seul vrai méchant complote plus qu'il n'attaque. En outre, la série accueille un nouvel artiste, un de plus, avec Jacopo Camagni, dont la prestation est cependant très convaincante.




A bord de la station Alpha Flight, Henry Gyrich accueille James Hudson/Vindicator, ancien leader de la Divison Alpha et ami de Wolverine (Logan). Il a prêté allégeance à Orchis mais rechigne à trahir les mutants. Mais Gyrich l'informe qu'il a une taupe au sein du SWORD...


Sur Arakko, Frenzy, entourée de Forearm et Random, accueille l'impératrice Xandra et la garde impériale Shi'ar, venues rencontrer la régente Tornade. Abigail Brand et Wiz-Kid supervisent l'opération dont l'importance diplomatique est cruciale pour les mutants.


Tornade est en retard, retenue par un nouvel arakki récalcitrant à son autorité. C'est alors qu'apparaît la Légion Mortelle, un groupe de criminels qui veut assassiner Xandra. Le combat s'engage et la garde impériale est décimée avec une facilité désarmante.



Heureusement, Tornade intervient pour stopper le massacre et sécuriser Xandra, lui sauvant à nouveau la vie. Toute la scène n'a pas échappé à Vindicator et Gyrich grâce à la taupe de celui-ci, à qui il demande de prouver sa loyauté...

Je choisis (contrairement à hier lorsque j'ai parlé de Inferno #2) de ne pas spoiler l'identité de la taupe, pour la simple raison que ce neuvième épisode de S.W.O.R.D. peut se critiquer sans insister sur ce point.

Il n'empêche, la série continue d'être compliquée à analyser car elle ne ressemble à rien d'autre. Les plus sévères diront même qu'elle ne ressemble à rien tant elle semble avancer à tâtons, sans programme, sans plan, parfois en reléguant hors-champ le plus spectaculaire - même si ce n'est pas le cas cette fois. La fin, à ce titre, suggère pour la première fois une volonté de Al Ewing de développer une véritable intrigue digne de ce nom, même si cette histoire de taupe et l'identité du traître prêtent à confusion.

En même temps, chaque nouvel épisode de SWORD jusque-là prêtera à interprétation puisqu'il n'y aura pas de nouveau numéro en janvier. Je doute toutefois que la série soit annulée, et si elle devait être relaunchée, ce serait tout aussi étonnant parce que ce volume ne compterait que 11 chapitres. Mais on a vu Marvel renuméroter pour moins que ça...

Que lit-on ici ? Le scénario tient vraiment sur un post-it : une délégation Shi'ar de déplace sur Arakko pour rencontrer Tornade, la régente de la planète désormais capitale du système solaire et de ses habitants, des mutants oméga exilés d'une dimension infernale. La visite se passe mal car débarque une bande d'assassins qui veulent tuer Xandra, l'impératrice. On croit que l'affaire va être vite pliée par les Shi'ar mais c'est une erreur car on assiste à un vrai carnage... Que Tornade règle promptement dès qu'elle se montre. Tout cela est encadré par un prologue et un épilogue (qui ne disent pas leurs noms) où Henry Gyrich dévoile qu'il a une taupe au sein du SWORD, prêt à saborder les échanges diplomatiques des mutants avec de potentiels alliés extra-terrestres.

C'est efficace, convenons-en. L'action est rondement menée, et l'identité du traître au sein du SWORD est vraiment suprenante, surtout qu'on ignore totalement pour quelles raisons il collabore avec Gyrich et plus encore parce que c'est bien le dernier qu'on aurait imaginé se retourner contre Abigail Brand et compagnie.

Reste que c'esst tout de même très léger. Et ça pose encore une fois la question, lancinante, de ce que cherche à raconter Ewing avec cette série. Sur le papier, c'est un titre avec un potentiel énorme : le programme spatial mutant, la diplomatie galactique, avec un casting de personnages bien épicés, au sommet duquel se trouve Brand, véritable Nick Fury au féminin (avec ce que cela suppose de rouerie, d'agenda personnel, de secrets tordus, de magouilles risquées, et de charisme). 

Pourtant, SWORD avance à coup d'épisodes one-shot, sans véritable arc narratif, sans vrai méchant, au fil de l'eau, ce qui laisse un sentiment croissant de gâchis, d'inabouti. Etrangement, là où la série a le mieux fonctionné, c'est quand elle a dû composer avec l'event King in Black, qui a vraiment éprouvé les ressources du SWORD et joué avec une menace d'ampleur. En dehors, ça a été plaisant, mais jamais sensationnel.

Al Ewing a déclaré qu'il avait de grands projets pour Arakko. Le subplot avec le traître est accrocheur, même si très classique dans la forme. Les notes de Brand sont de la dynamite. Le retour récent du Old Cable peut changer pas mal de choses aussi, et peut-être que la fin d'Inferno impactera jusqu'au SWORD. Mais tout ça demeure hypothétique et il faudra au minimum attendre Février 2022 pour vraiment savoir de quoi sera fait le futur de la série.

En attendant cette échéance, la série accueille à nouveau un dessinateur différent (Stefano Caselli se contentant de signer la couverture). Cette fois, c'est Jacopo Camagni et il se peut que ce nom, comme à moi, ne vous dise rien ou pas grand-chose. Il s'est fait remarquer ces derniers mois avec une série en creator-owned, Nomen Omen (écrite par Marco Bucci, en vo chez Image Comics, en vf chez Panini), et Marvel lui a offert quelques épisodes par-ci, par-là (X-Men : Blue, Deadpool, Captain Marvel).

Franchemeent, j'ai été séduit par les planches de cet artiste italien, sans doute les meilleures dont a bénéficié la série depuis le départ de Schiti. Son trait fluide, son découpage clair et dynamique, ses compositions soignées, tout participe à une lecture très agréable. Parfois, il y a un air de Mark Bagley et de Ciro Tota mêlés et ça fonctionne très bien.

Ses doubles planches ont belle allure et comme l'épisode repose beaucoup sur l'action, Camagni fait preuve d'adresse pour varier les angles de vue, la valeur des plans. Il représente intelligemment la manifestation des pouvoirs, en particulier celle des membres de cette Légion Mortelle, sans sombrer pour autant dans des effets trop agressifs ou dérangeants. La supériorité de ces méchants n'en est que plus efficace, on ressent bien l'incertitude du combat, le danger qui pèse sur Xandra, l'impuissance croissante des Shi'ar et des mutants sur place. L'apparition de Tornade, en majesté, produit l'effet désiré : celle de la seule adversaire en mesure de surpasser tous les combattants sur place.

Par ailleurs, les scènes au début et à la fin entre Gyrich et Vindicator sont très bien mises en scène, avec un recours à des impressions numériques sobres (pour signifier l'usage d'hologrammes informatifs). C'est très encourageant pour la suite puisque Camagni restera sur la série au moins jusqu'au #11 (en Décembre) car il en maîtrise les codes et les personnages avec une assurance bluffante.

Bref, il y a du très bon dans cet épisode (enfin une intrigue qui se pose, avec la taupe de Gyrich, un intérêt manifeste pour Arakko), qui compense le moins bon (la construction même de la série). Ewing a suffisamment de talent, et désormais un dessinateur stable et efficace, pour enfin convaincre qu'il a plus que bonnes intentions pour SWORD.

jeudi 28 octobre 2021

INFERNO #2, de Jonathan Hickman et Stefano Caselli


Je ne le dis pas souvent (pas assez ?) mais là, je dois vous prévenir d'emblée : si vous n'avez pas lu Inferno #1, de Jonathan Hickman et Valerio Schiti, et/ou si vous ne comptez lire Inferno qu'une fois la mini-série terminée, en vo ou en vf, passez votre chemin. Pourquoi ? Parce qu'après avoir lu Inferno #2, de Jonathan Hickman et Stefano Caselli, je n'ai d'autre choix pour en tirer une critique que de spoiler massivement ce qui se passe dans cet épisode. Pas moyen de faire autrement. Si vous avez choisi de rester et de lire la suite de cette entrée, alors ça va shaker sévère !



Sans que personne ne l'ait vu venir, Mystique a abattu sa carte maîtresse en faisant ressuciter Destinée afin qu'elle siège au conseil de Krakoa. Charles Xavier convoque un vote immédiatement pour évincer les deux femmes, sans se douter que Mystique a préparé son coup depuis des semaines.


Le résultat est sans appel : Xavier est mis en minorité. Destinée est élue au conseil. Mystique a su convaincre en coulisses assez de membres pour aller dans son sens. Moira MacTaggert apprend cela et tente aussitôt de convaincre Magneto de tuer Destinée. Mais il lrefuse.
 

Lors des semaines précédents le vote, Mystique a renoué avec Destinée mais celle-ci est incapable de lire dans l'avenir pourquoi Xavier et Magneto craignent sa présence. Mystique usurpe la place de Sage durant une de ses pauses et trouve les coordonnées d'une base d'Orchis à Paris.


Là-bas, des savants s'activent, en même temps que dans la station Orchis, pour diriger l'éergie solaire contre Krakoa. Pendant ce temps, au Louvre, Xavier et Magneto révèlent à Emma Frost, en présence de Moira, le secret de celle-ci. Furieuse qu'on le lui ait cachée, Emma tourne le dos aux deux hommes.


Xavier, Magneto et Moira doivent réagir en imposant un mutant au dernier siège vacant du conseil de Krakoa. Le vote est cette fois en leur faveur. Colossus est admis. Mais quelque chose cloche, qui a écahppé à tout le monde...

Pour ceux qui sont donc restés découvrir le résumé de cet épisode et ce qui va l'accompagner, vous pouvez constater que je n'ai pas menti en affirmant que ce numéro redistribue les cartes de manière spectaculaire. C'est une véritable note d'intention adressée par Jonathan Hickman, presque un manifeste : après Inferno, rien ne sera plus jamais pareil. Et il reste encore deux chapitres, cent pages, donc autant dire que ça risque d'encore pas mal secouer.

Tout ce chapitre est fondé sur la figure du masque, de la tromperie, de la magouille. C'est un vrai festival de coups fourrés, de coups de théâtre, de retournements de situation. Cela ressemble à un récit d'espionnage où chacun joue un rôle, la comédie, cache son jeu, abat ses cartes maîtresses, marque et perd des points. Même la fin de l'épisode cache une surprise terrible (mais j'y reviendrai).

Le premier acte d'Inferno se terminait sur la réapparition inattendue de Destinée, un personnage qui a hanté tout le run de Jonathan Hickman depuis House of X #2, dans lequel on voyait la confrérie des mauvais mutants attaquer Moira MacTaggert dans sa troisième vie, celle où elle se consacra à trouver un antidote pour éradiquer le gène mutant.

Irène Adler et Moira devenaient inextricablement liées. Son pouvoir de résurrection permettait à Moira d'être indétectable par Irène et celle-ci ne l'avait remarquée qu'à cause de la médiatisation de ses travaux scientifiques. Dans leur échange, qu'on a pu redécouvrir dans le précédent épisode d'Inferno, Destinée mettait en garde Moira X sur deux points : le premier, c'était qu'elle lui prédisait dix, peut-être onze vies maximum, mais que si elle mourrait avant que ses pouvoirs se manifestent, elle ne ressuciterait pas ; et le second, c'est que, désormais, Destinée la surveillerait dans sa prochaine vie pour s'assurer qu'elle ne reprenne pas ses recherches contre le gène mutant. Après quoi, Pyro incinéra Moira vive, pour qu'elle se souvienne dans ses vies suivantes de ce qui lui en coûterait.

Bien entendu, avec l'avènement de la nation X de Krakoa, Xavier et Magneto, ses pères fondateurs, veillèrent à ne jamais ressuciter de mutants avec des pouvoirs précognitifs. S'ils intégrèrent Mystique au conseil de Krakoa, c'était pour mieux avoir un oeil sur elle, tout en lui promettant que sa loyauté à la communauté et ses principes, serait récompensée, le moment venu, par ses retrouvailles avec Destinée. Mais ils ne tinrent jamais parole : au contraire, ils envoyèrent Mystique dans une série de mission-suicide, où elle ne pouvait qu'échouer, différant ainsi sans cesse la résurrection de sa femme. Ce que les deux hommes, et Moira, ignoraient, c'est qu'avant sa mort, Destinée avait eu une vision du futur, d'une île refuge pour les mutants et qu'elle avait fait promettre à Mystique de la brûler si elles ne pouvaient se retrouver.

Il n'est pas certain que Mystique, même en retrouvant, par une succession de ruses très habiles (détaillée dans un flashback au début de cet épisode, où on la voit prendre l'apparence de Magneto pour dérober un casque Cerebro dans son palais, puis prendre l'apparence de Xavier pour prendre chez M. Sinistre l'échantillon d'ADN de Destinée et ensuite convaincre les Cinq de la ressuciter, en abusant au passage Hope Summers pour qu'elle utilise le casque Cerebro et rendre son âme à Irene Adler), ait renoncé au projet de brûler Krakoa. C'est en tout cas suggéré quand, plus tard, elle se substitue à Sage pour infiltrer une base de Orchis où elle découvre des expériences pour utiliser une considérable décharge solaire en direction de l'île. Nous verrons dans les deux prochains épisodes où mène cette piste narrative, qui fournit un suspense efficace (à la fois du point de vue de Mystique mais aussi de l'organisation Orchis).

Bien entendu, la résurrection de Destinée et ses conséquences constituent le noyau dur de cet épisode. Hickman en tire des scènes redoutables, humiliant Xavier, Magneto, provoquant l'ire de Moira, et opposant le triumvirat de Krakoa sur le moyen de règler ce problème. Le scénariste fait preuve d'une logique imparable quand Magneto refuse de tuer Destinée : ses motifs sont valables. De même, malgré son attitude jusque-là discutable, Xavier affiche des doutes légitimes sur le pragmatisme glaçant de Moira. L'onde de choc est telle qu'on voit tout de suite à quel point elle a ébranlé ces trois personnages, leur union sacrée, comme jamais auparavant.

Mais Hickman montre aussi que le retour de Destinée a été à la fois plus ancien que ce qu'on peut croire (il se situe en vérité quatre semaines auparavant) et plus douloureux car Mystique a veillé à ce que Irene Adler revienne en ayant l'âge qu'elle avait lors de leur première rencontre. Cela aussi à des conséquences puisqu'elle était alors une mutante qui ne maîtrisait pas aussi bien ses pouvoirs, elle est donc assaillie par des visions multiples sans réussir à les maîtriser. Et surtout elle n'est pas (pas encore) en mesure de cerner pourquoi elle effraie Xavier et Magneto. De fait, elle est surtout incapable de détecter Moira. En revanche, elle peut très bien anticiper le résultat humiliant du vote que réclame Xavier en la voyant resurgir et en constatant le geste de Mystique.

Mais, même sans cela, à nouveau grâce à une succession de flashbacks, Mystique avait préparé son coup à la perfection en convaincant habilement Sinistre, Exodus, Shaw, Emma de voter pour que Destinée siège au conseil à la place de Apocalypse. Le vrai coup de poker de Mystique, ce sera d'avoir miser sur son propre fils, Diablo, pour faire pencher défintivement le vote en sa faveur : Kurt Wagner a aussi approuvé l'arrivée de Destinée pour faire plaisir à Raven, sans malice. Lorsqu'on lit la justification de Diablo, alors que le verdict n'est pas encore certain, on pressent avec quelle adresse Hickman via Mystique vient de renverser la table.

Le deuxième temps fort de l'épisode se situe lors de la scène dans le Louvre (un renvoi à une autre scène dans le musée parisien dans Powers of X #5, quand Xavier et Magneto convainquent Emma de participer à l'avènement de Krakoa). Xavier et Magneto doivent réagir après el revers subi devant le conseil et ils choisissent avec Moira de partager le secret de celle-ci avec un membre de l'assemblée digne de confiance. Sauf qu'ils vont commettre une terrible erreur, non pas sur la personne, mais dans le timing et la manière de présenter les choses.

Logiquement, puisque cette scène fonctionne en miroir à celle de PoX #5, c'est Emma Frost qui est choisie par Xavier, Moira et Magneto. Elle apprend donc que Moira est une mutante et sonde son esprit pour connaître son pouvoir et pourquoi celui-ci est si important. Le choc est rude bien sûr. Mais lorsque Emma demande depuis combien de temps Xavier et Magneto lui ont cachée Moira, elle s'estime trahie, abusée. Et leur signifie de ne pas/plus compter sur elle. Emma ne va probablement rien dévoiler aux autres membres du conseil, mais elle ne soutiendra plus Xavier et Magneto fidèlement, incondtionnellement lors de votes sur des questions cruciales pour la communauté (et son business).

De manière remarquable, sur le plan visuel, Stefano Caselli dessine à ce moment Emma qui se retire furieuse en prenant son apparence adamantine (qui, je crois, la rend imperméable sur le plan psychique mais aussi évidemment quasi-invulnérable physiquement). L'artiste succède donc à Valerio Schiti pour ce chapitre et renoue avec Hickman en compagnie duquel il débuta chez Marvel (avec la série Secret Warriors). Depuis, il a fait du chemin, sans toujours avoir de la part de Marvel la considération qu'on pouvait espérer pour lui. Il a collaboré à Avengers World, spin-off des Avengers de Hickman, signé des épisodes de Spider-Man, de Avengers Initiative, plus récemment il avait lancé (avec Kelly Thompson) les nouveaux West Coast Avengers, puis a brillé sur Marauders. Son transfert sur S.W.O.R.D. promettait beaucoup mais fut frustrant car alors Hickman l'a rappelé pour ce volet de Inferno.

Caselli est un dessinateur dont le point fort est l'expressivité. Son trait rond donne à ses personnages une densité et une plasticité épatantes, et il ne lésine pas sur les décors détaillés. Pourtant, malgré ces atouts indéniables et une belle régularité, il n'a jamais vraiment percé, en ayant la responsabilité d'une grande série. Inferno lui offira peut-être cette reconnaissance, quoique avec un seul épisode à illustrer, entre Schiti et RB Silva, sa prestation risque d'être noyée.

Pourtant, on ne peut qu'admettre la méticulosité dont il fait encore une fois preuve. Parce qu'il n'a pas souvent eu l'occasion d'animer la majorité des personnages ici présents (à l'exception de Emma et Kitty), son mérite n'en est que plus grand. Certes, à mon goût, il représente Xavier plutôt maladroitement, trop musclé, et le casque Cerebro a parfois une drôle d'allure, comme s'il avait perdu du volume et comprimait la tête du professeur X. Mais son Magneto a une belle présence, Moira affiche un tempérament virulent très bien rendu, et Mystique déborde de charisme malfaisant.

Par ailleurs, le découpage de Caselli, habitué à l'écriture de Hickman, retranscrit fidèlement le rythme et l'intensité des scènes. Il peut enchaîner des planches presque entièrement composées de "talking heads" sans qu'on se lasse, et réussir avec le même brio technique des cases généreuses dans leur format et leur contenu (comme lorsque Mystique investit la base de Orchis).

Tout cela trouve son point culminant avec le dernier tiers de l'épisode, qui contient le plus gros spoiler et révèle à quel point Hickman a dirigé l'orchestre des scénaristes de la franchise pour servir son intrigue. En effet, l'élection de Colossus pour occuper le dernier siège vacant du conseil de Krakoa (celui laissé par Marvel Girl donc) prend une toute autre saveur quand on connaît la situation de Piotr Rasputin actuellement.

Ne suivant plus la série X-Force, j'ai eu la chance de tomber sur un article du site d'infos Bleeding Cool pour m'éclairer à ce sujet. Depuis plusieurs épisodes, Mikhail, le frère de Piotr et Illyana, collabore avec l'organisation anti-mutante Xeno (apparue dès le début du run de Benjamin Percy). Grâce à ces complices, Mikhail a pu capturer Kid Omega en échange de quoi il a mis la main sur l'épée Cerebro, confectionné par Magneto à la suite de la tentative d'assassinat de Charles Xavier (là encore au tout début de la série X-Force). Puisque l'épée a été littéralement matérialisée à partir d'un casque Cerebro, Mikhail possède sous forme fragmentée de quoi, via un télépathe russe, Moniker, accéder aux pensées de son frère Piotr sur Krakoa.

Ces derniers temps, Piotr est donc manipulé à son insu (à l'insu de tous) et il peint Krakoa, fournissant ainsi des images de l'île, de ses installations, à son frère. Lorsqu'il est surpris par une mutante qu'il aime et qui l'aime, il la tue, toujours sous influence, pour qu'elle ne le dénonce pas. Sur ces entrefaîtes, le Pr. X frappe à sa porte pour lui soumettre une offre - celle d'entrer au conseil de Krakoa.

Vous allez me dire ? Mais comment, avec tous les télépathes qui résident sur l'île, personne n'a remarqué que Colossus était manipulé psychiquement à distance. Et je vous rappelerai que ce n'est pas si simple puisque Krakoa se sustante grâce à l'énergie des télépathes qui vivent chez elle (on se souvient des migraines que cela cause à Jean Grey comme à Emma Frost, on peut supposer que même coiffé du casque Cerebro Xavier n'est pas non plus insensible à ce parasitage de l'île).

Si on accepte cette explication (qui n'a sûrement rien d'imparable, mais qui est celle à laquelle j'ai choisi d'adhérer), alors l'arrivée de Colossus et le tout dernier plan de l'épisode (un gros plan sur son visage avec une brillance trouble dans son oeil droit) devient diabolique puisque Xavier croit avoir fait entrer au conseil de Krakoa un soutien fiable mais qui ne l'est pas du tout puisqu'il est sous l'emprise de son frère et qu'il espionne l'île pour son compte. Imaginez alors à quoi Mikhail va avoir accès maintenant que Colossus est carrément à la table des ministres de Krakoa.

Cette ultime note, cette dernière péripétie, ce rebondissement de dernière minute vient s'ajouter à une série de précédents qui rend Inferno palpitant, angoissant, jouissif. Hickman, avec Caselli, a une idée derrière la tête bien précise, c'est évident. On ne peut qu'être impatient d'apprendre où il va nous entraîner, et ses personnages avec, mais c'est avec un frisson exquis qu'on va suivre ça.