Mine de rien, on arrive cette semaine, avec ces treizièmes épisodes de Excalibur et X-Men à presque la moitié de X of Swords (le cap sera franchi la semaine prochaine avec X of Swords : Stasis). C'est passé drôlement vite et cela me rassure car cela dissipe mes craintes sur les possibles longueurs de ce crossover. Ce premier acte aura donc mis en scène la présentation des champions de Krakoa (même s'il en reste encore deux à identifier) et les chapitres 9 et 10 réservent encore de belles surprises. A commencer par cette étape dans l'Outremonde avec Captain Marvel écrite par Tini Howard et dessinée par RB Silva....
Saturnyne a convié dans sa citadelle la famille Braddock. Il s'agit de désigner le champion de son royaume pour le tournoi contre les Arakki. Mais elle a déjà son idée à ce sujet et va conspirer pour arriver à ses fins en dressant Betsy (qu'elle déteste) contre Brian (son favori), devant Jamie.
Brian veut remettre l'épée de puissance à Betsy qui refuse. Lorsque Saturnyne s'en mêle, elle oblige Betsy à détruire l'amulette de la sagesse, ce qui la condamne à une incarcération et promeut Brian comme champion de l'Outremonde.
Jamie échappe de peu à une arrestation par les membres d'Excalibur, asservis par Saturnyne, et aide Betsy à prendre sa revanche. Saturnyne remet à Brian l'épée Starlight mais Brian a joué la comédie pour que Betsy s'en empare. Brian et Betsy combattront ensemble pour Krakoa.
*
Jonathan Hickman reprend la main ensuite. Il est désormais accompagné de Mahmud Asrar, à qui revient le redoutable honneur de remplacer Leinil Yu (qui signe la couverture, puissante, de l'épisode). Ce chapitre revient sur la guerre entre Amenth et Arakko et le rôle d'Apocalypse dans un récit épique et tragique.
A l'agonie après avoir été blessé par les cavaliers et l'Invocateur, Apocalypse reçoit un traitement de choc grâce au Guérisseur dont les pouvoirs sont amplifiés par Hope Summers. Il se remémore la guerre contre Amenth et ses conséquences pour sa famille directe.
Les démons d'Amenth ont dévasté Okkara, malgré la résistance offerte par l'Epée Blanche et ses troupes. L'intervention d'Apocalypse et surtout de sa femme Genesis et leurs enfants, les quatre cavaliers, a été décisivie pour négocier la paix face à Annihilation qui leur a soumis un test.
En réponse à ce défi, Genesis impose à Apocalypse de séparer Okkara en deux et de préparer dans le nouveau monde où il sera des champions au cas où elle échouerait à contenir la horde d'Annihilation. Apocalypse se remet de ses blessures et, escorté de Gorgone, va chercher son épée Scarab.
De manière finalement assez classique, X of Swords se sera déployé dans un premier temps à identifier les champions de Krakoa. Là où on pouvait redouter une intrigue complexe, on a eu un déroulé très simple. Au temps pour ceux qui reprochent à Jonathan Hickman ses intrigues trop sophistiquées (et j'ai longtemps été de ceux-ci, soyons honnêtes)...
Ce qui est très intéressant et réussi, c'est qu'on a pas eu droit à des désignations allant de soi (à l'exception de Wolverine, dont personne ne s'attendait à ce qu'il ne soit pas du nombre des champions). Les différents scénaristes ont dû composer avec des personnages aux motivations très diverses, un casting pas évident, et des surprises véritables pour le lecteur, qui ont permis d'instaurer un vrai suspense (grâce à la suspension de résurrections, puisque ceux qui périssent dans l'Outremonde ne peuvent revenir parmi les vivants - ou alors salement abîmés).
Je dois dire que j'ai été ravi des choix opérés, dans la conduite du récit et le choix des protagonistes. Si tous les épisodes ne se sont pas valus, tant sur les plans de l'écriture que des dessins, l'ensemble est tout de même d'une très belle facture. Cela se lit sans aucun ennui, avec même des chapitres au ton inattendu (Hellions).
L'autre surprise, c'est qu'alors que la semaine prochaine, X of Swords : Stasis va se pencher sur les champions d'Arakko dans un numéro spécial, on ne connaît pas, à la fin de X-Men #13, tous les élus de Krakoa (deux places sont encore vacantes). De quoi là aussi alimenter un certain suspense (et un suspense certain). Qui rejoindra Magik, Wolverine, Tornade, Cable, Cypher, Captain Avalon, Captain Britain et Apocalypse ?
Dans Excalibur #13, Tini Howard interroge la situation de Captain Britain, dont le titre appartient désormais à Betsy Braddock (ex-Psylocke). Elle n'a pas choisi de rôle et ses relations avec Saturnyne, qui est la chef du Captain Britain Corps (même si cette armée n'existe plus depuis sa décimation lors de Secret Wars), sont exécrables. Et pour cause, Saturnyne ne juge pas Betsy digne et lui préfére Brian Braddock (depuis toujours - Saturnyne a longtemps convoîté comme amant Brian et son ardeur ne semble pas franchement calmée, même si son champion est marié et père de famille).
Brian a renoncé à son titre, d'autant plus qu'il a récemment été possédé par Morgan le Fay. Il tient donc à confier l'épée de puissance à sa soeur. Mais celle-ci n'en veut pas car elle tient à choisir son arme, et donc reste réticente à toute question d'héritage impliquant Brian et le titre de Captain Britain. La présence lors de cette réunion du fantasque Jamie Braddock, qu'Apocalypse a installé sur le trône du royaume d'Avalon (là aussi, au grand dam de Saturnyne), n'arrange rien.
Même si on peut diversement apprécier que Betsy soit Captain Britain, lui avoir donné ce rôle rend cet épisode particulièrement savoureux et rend son personnage plus relevé. On a affaire à quatre individus aux caractères forts, à des conflits d'intérêts épicés, à des enjeux politiques et sentimentaux corsés. Tini Howard fait de cet épisode le théâtre de tous ce (res)sentiments, des non-dits qui éclatent au grand jour. La scénariste excelle à manipuler ces héros comme Saturnyne tout en piégeant finalement cette dernière de manière habile. Seul bémol : les membres d'Excalibur, comme c'était le cas pour les autres équipes dont les séries ont été "squattées" par la saga, sont relégués au rang de figurants.
Même si je reste parfois désarçonné par les variations de rythme d'une scène à l'autre, c'est l'épisode que je préfère parmi ceux que j'ai lu de Tini Howard, qui a indéniablement un style, une voix bien à elle, qui existe fortement, qui n'est pas écrasé par le crossover. Et puis elle bénéficie d'un dessinateur de première classe pour l'occasion.
R.B. Silva quitte donc la franchise X sur une belle prestation (il est désormais le dessinateur régulier de Fantastic Four, à compter du #25 qui sort cette semaine). Boosté par ses épisodes de Powers of X, il aura contribué grandement à donner une nouvelle jeunesse aux mutants avec Pepe Larraz. La facilité de Silva à s'emparer de ces héros est toujours aussi confondante, et il produit des planches superbes ici, depuis la vue d'ensemble sur la citadelle de Staturnyne, jusqu'au jardin où ont été érigées des statues des précédents Captain Britain en passant par la geôle obscur où croupit brièvement Betsy et la chambre de Saturnyne. On est à chaque fois saisi par la majesté des décors et les compositions dynamiques de Silva, sa façon de les éclairer pour donner le plus d'intensité possible aux scènes.
Il faut aussi voir avec quelle minutie il habille les personnages et pour cela s'attarder sur les tressages des habits de Brian et Jamie Braddock. Il représente Betsy dans son costume de Captain Britain en lui conférant une allure moins juvénile que Marcus To et plus expressive même que Alan Davis (à l'époque où elle grossit les rangs des X-Men, au lendemain du Massacre Mutant). Dommage vraiment qu'il n'ait pas été installé sur un titre régulier de la franchise (mais nul doute que son renfort fera du bien aux FF de Dan Slott).
Comme souvent (toujours), lorsque Jonathan Hickman revient en scène, il y a comme une montée en régime, un changement de relief, assez nets en termes d'écriture, de construction. Et X-Men #13 le confirme avec un épisode somptueux.
Le grand architecte de la franchise X ne cache pas ses préférences pour certains mutants et Apocalypse en fait clairement partie. D'ailleurs X of Swords n'existerait même pas sans En Sabar Nur. Leinil Yu a permis de manière décisive à imposer le colosse immortel comme une figure éminente de la nation X, en lui ajoutant une bonne dose de mélancolie, ce qui a nuancé tout ce qu'on pouvait aimer ou pas chez ce personnage. Apocalypse est la mémoire du peuple mutant, un survivant, qui a converti ses ambitions guerrières dans une cohabitation paisible, mais pas exempte de secrets. Ces secrets forment le terreau fertile de ce crossover. Et cet épisode y revient.
Dans X-Men #12, via l'Invocateur, le petit-fils d'Apocalypse, on avait appris le funeste destin d'Arakko, tombé sous les coups de la horde démoniaque d'Amenth. Il était également suggéré qu'Apocalypse avait dû consentir à un terrible sacrifice pour empêcher l'ennemi d'envahir totalement l'île originelle d'Okkara. De fait il avait séparé Krakoa et Arakko en laissant derrière lui femme, enfants et peuple. Mais le récit de l'Invocateur demeurait sujet à caution depuis sa trahision dans X of Swords : Creation, où avec les quatre cavaliers, comme un nouveau Brutus, il avait blessé gravement son grand-père.
Depuis son retour sur Krakoa, dans X-Factor #4, et les événéments ayant conduit à l'arrêt des résurrections, Apocalypse agonise er rien ne semble pouvoir améliorer son état. Ni le Guérisseur, ni le Dr. Cecilia Reyes, ni le Fauve n'ont été capables de soulager ses atroces souffrances. En autorisant qu'on lui administre un traitement de chox, potentiellement fatal, il se rémémore ses derniers instants sur Arakko.
J'ai déjà dit tout le bien que je pensais du traitement mythologique qu'avait apporté Hickman aux X-Men via Apocalypse dans le cadre de ce crossover. Je ne vais pas me répéter, même si je trouve toujours ça impressionnant et passionnant de revenir sur l'existence d'Arakko, et par extension d'Okkara, de découvrir les premiers cavaliers d'Apocalypse, sa femme Genesis, les assauts de la horde démoniaque d'Amenth, la séparation d'avec Krakoa. Tout ça possède un souffle vraiment épique, qui ne peut que vous emporter. Cela donne une perspective inouïe à l'histoire, une profondeur tragique et poignante à l'intrigue. Plutôt que de multiplier les spin-off, Jordan White, l'editor de la franchise, aurait été plus inspiré de développer au moins une mini-série consacré à ces origines de l'île mutante (ç'aurait été plus captivant que de consacrer un titre à Kid Cable ou aux futurs Children of Atom).
Du point de vue d'Apocalypse, le sort d'Arakko devient nettement plus émouvant. Bien entendu, on peut penser que ce n'est toujours pas la vérité, mais pourtant, dans les conditions où il se rappelle de tout ça, il me paraît diffile qu'il mente. D'ailleurs, il ne s'agit pas d'un récit proprement dît car il ne partage pas ses souvenirs, il y revient alors qu'il est incapable de parler, en proie à une terrible souffrance physique, à l'article de la mort. Plus prosaïquement, il s'agit alors d'une évocation d'un homme qui a dû, par devoir, tout abandonner derrière lui, pour la survie de son espèce et en prévision de sombres lendemains. On comprend alors le masque triste, ravagé, insurmontablement marqué d'en Sabbah Nur.
Mais il y a un autre masque dans cette histoire. L'Invocateur avait évoqué Annihilation comme l'adversaire ayant eu raison d'Arakko et de sa reine, Genesis. Pourtant, Marvel et Hickman ont ensuite beaucoup "teasé" sur l'identité d'Annihilation, laissant entendre qu'il s'agissait de la figure la plus importante de leur saga. Les spéculations vont bon train depuis...
Hickman ne dit encore rien, il faudra attendre (sans doute jusqu'au bout de l'aventure). Mais cela ne veut pas dire qu'il ne nous étonne pas. Car en vérité, Annihilation avant d'être une personne est un masque, au sens littéral, un artefact d'une puissance absolue. Celui qui le porte est possédé par lui et consumé. Et donc l'Annihilation évoquée par L'invocateur doit être un individu sacrément puissant pour avoir supporté ce masque, ce qui justifie qu'elle soit venue à bout de Genesis (dont l'efficacité est montrée dans cet épisode). On notera incidemment que X of Swords est garni de reliques, d'objets mythiques avec les épées, les masques, les armures, les armes (comme les blasons mais aussi comme les arsenaux). Et cela renvoie aux récits de chevalerie, à la geste chevaleresque, à la quête arthurienne. On voit donc que ce crossover est davantage un récit quasi-moyenâgeux qu'une histoire de SF comme Hickman les apprécie (en témoigne son actuel creator-owned avec Mike Huddleston, Decorum).
La mise en images de Mahmud Asrar est magnifique. Son style est d'ailleurs proche de celui de Yu, sans être aussi marmoréen, granitique. Toutefois, l'épisode tout entier appartient au même registre illustratif que le précédent numéro de X-Men, puisque la voix-off remplace abondamment les dialogues et donc tout découpage séquentiel.
Asrar est devenu, au gré d'une carrière qui est maintenant bien fournie, un dessinateur aguerri et capable de s'adapter à divers styles d'écriture (il a collaboré avec Bendis, Aaron, Waid...). Cette souplesse lui permet de s'approprier facilement et rapidement n'importe quel univers, personnages, décors, comme s'il les dessinait depuis toujours. Les designs de Pepe Larraz (qui a établi les looks des Arakki et de la horde de démons d'Amenth) ne lui posent aucune difficulté.
Grâce à sa technique très solide, il compose des plans avec la distance souhaitée, l'ampleur requise, le sentiment nécessaire. Qu'il s'agisse de montrer, en ouverture le visage du Hurleur perturbé par les cris d'Apocalypse ou les larmes que verse finalement ce dernier en se souvenant de sa rupture avec Genesis et leurs enfants, il sait parfaitement convoquer l'émotion et la transmettre. Mais quand il s'agit d'illustrer les batailles, une négociation tendue, ou un voyage express dans le désert lybien au coeur d'une pyramide, Asrar fait preuve d'un métier, d'une assurance comparables. J'espère vraiment qu'il restera sur le titre un moment (même s'il travaille actuellement sur King Conan avec Aaron, la suite de leur run sur Conan the barbarian).
Voilà en tout cas deux épisodes remarquables à tous points de vue. X of Swords s'apprête à basculer dans son Acte II, sans qu'on sache exactement de quoi il va être fait (et c'est une sorte d'exploit que d'avoir produit une telle saga sans que le lecteur sache où il va). La réussite de ce premeir mouvement inspire en tout cas confiance pour la suite.