vendredi 29 novembre 2019

DIAL H FOR HERO #9, de Sam Humphries et Joe Quinones


Le second arc de Dial H for Hero a connu un sérieux coup de mou depuis trois épisodes, mais Sam Humphries semble s'être ressaisi avec ce numéro 9 qui revient en force sur l'intrigue principale et bénéficie du retour de Joe Quinones comme seul dessinateur. Il était temps puisque la saga entame son dernier tiers.


Mr. Thunderbolt a désormais en sa possession deux des quatre téléphones magiques - le rouge (qui donne des pouvoirs aléatoires) et le jaune (qui donne deux pouvoirs). Miguel et Summer détiennent le bleu (qui révèle le héros en chacun de nous). Le noir se trouve à Apokolips.


Mais Miguel est frustré par la situation : désirant toujours confier le téléphone à Superman et lui parler des autres appareils, il s'est fait embaucher comme coursier au "Daily Planet" avec Summer qui lui a interdit d'utiliser le téléphone bleu car, alors, ils seraient repérés par Mr. Thunderbolt.


L'Opérateur du Heroverse a également deviné la mauvaise humeur de Miguel et l'appelle sur le téléphone bleu pour le mettre en garde contre leur ennemi. Ce qu'il ignore, c'est que Thunderbolt et ses adeptes sont également cachés dans le "Daily Planet".


Pressé d'en découdre autant que de renouer avec le super-héroïsme, Miguel désobéit à l'Opérateur et Summer et utilise le téléphone bleu. Mal lui en prend : il est transformé en un justicier ridicule et, à l'instant même, localisé par Thunderbolt qui lui envoie ses sbires.
  

Miguel ne doit son statut qu'à Summer, qui redevient Lolo Kick You grâce au téléphone bleu, et défait les agents du Thunderbolt Club. Avec elle, Miguel prend la fuite à bord du van de son oncle qui se téléporte dans le Multivers.

Trois épisodes pour (presque) rien, c'est ce qu'on retiendra des trois derniers mois de parution de Dial H for Hero. Et sans doute faut-il autant y voir un manque d'inspiration de la part du scénariste que la conséquence de prolonger un projet conçu pour durer six chapitres et prolongé en récit étalé sur douze mois.

Mais ce neuvième épisode renoue avec le meilleur du projet (ça tombe bien, puisque le premier recueil est disponible, gorgé de bonus). L'intrigue reprend ses droits et les personnages sont confrontés à des problèmes directs résumés avec adresse en première page.

Ainsi Sam Humphries opère-t-il une sorte de rappel, comme si, lui aussi, avait besoin de savoir où il en est. On apprend (ou on ré-apprend) les particularités des quatre téléphones cardinaux (le rouge donne des pouvoirs aléatoires, le jaune en donne deux, le bleu fait surgir le "héros intérieur", mais on ignore la propriété du noir qui se trouve sur Apokolips). On découvre aussi que Miguel et Summer, pour attendre Superman, ont réussi à se faire embaucher au "Daily Planet" (où travaille Clark Kent), mais les tâches ingrates qu'on leur donne frustre particulièrement Miguel qui aimerait bien redevenir un super-héros.

Un double souci se présente : s'il le fait, Mr. Thunderbolt le remarquera aussitôt et aussi en quoi le transformera le téléphone bleu. Pendant quelques pages, ça patine un peu, on se demande où veut aller Humphries (ou plutôt on le devine trop bien) - d'ailleurs ce qu'on pressent arrive, à tous les niveaux, et cela est très convenu, décevant. Un signe que la série est encore convalescente.

En vérité, cela indique qu'on se trouve en présence d'un épisode de transition : nous entamons ici le dernier tiers de la série, il faut à la fois pour Humphries garder des cartouches en vue d'un final spectaculaire mais aussi re-dynamiser une histoire qui s'est embourbé. Pour cela il mise sur une sorte de crise d'adolescence malvenue de son héros, un ressort paresseux mais qui aboutit à un cliffhanger accrocheur.

Le salut vient réellement de Joe Quinones qui, lui aussi, a été bien absent depuis trois mois et doit donc prouver qu'il est toujours investi dans la série. L'artiste ne déçoit pas, au contraire : il nous en met plein la vue.

Déjà il se passe à nouveau d'encreur (même si Scott Hanna n'a pas démérité pour l'aider) et avec le coloriste Jordan Gibson il produit des pages formidables. Un des plaisirs de Dial H for Hero, c'est la manière dont Quinones réussit à imiter, de manière virtuose, le style d'autres grands dessinateurs pour représenter les transformations des héros ou les astuces narratives du scénario. Cette fois, il fait très fort.

On a d'abord droit à deux planches traitées à la manière de Chris Ware (le créateur de Jimmy Corrigan) et c'est d'autant plus savoureux que Ware a toujours exprimé son dédain pour les comics de super-héros. Quinones ne le singe pas méchamment mais la performance est remarquable.

Puis, plus loin, lorsque Miguel se change en Early Adopter, c'est Alex Toth et ses characters designs pour Hanna-Barbera qui sont convoqués sous le crayon de Quinones. Le trait naïf, épuré, cartoon est une merveille de dérision dans cette scène où la parodie est à l'oeuvre.

(En revanche, je dois avouer ne pas avoir reconnu l'artiste imité pour l'intervention du gang des Geckos, qui fait penser aux Teenage Mutants Ninja Turtles.)

Ces tours de force visuels ne sont pas des gadgets, ils servent le récit et lui donnent une énergie qui manque au seul scénario de Humphries. Ce dernier, en souhaitant qu'il se ressaisisse complètement le mois prochain, après avoir donné de tels défis à son dessinateur, serait bien inspiré en effet de se bouger pour que les belles dispositions affichées dans le premier acte de la série soient converties alors que son dénouement approche. Mais je lui fais confiance. 

jeudi 28 novembre 2019

NEW MUTANTS #2, de Jonathan Hickman et Rod Reis


J'ai été sceptique avec le premier numéro de New Mutants. Mais je tenais à donner sa chance au produit et bien m'en a pris. Jonathan Hickman, seul à la barre de ce deuxième épisode, redresse la barre, même s'il ne corrige pas tout. En vérité, il faut lire cette nouvelle version du titre avec un certain détachement et alors on en retire du plaisir. Bien traduit visuellement par Rod Reis.


Abandonnés par les Starjammers et arrêtés dans la foulée par la garde impériale Shi'ar, les Nouveaux Mutants sont placés en détention avant leur procès. Sunspot a fait appel à un avocat mais le verdict rendu est sans appel : ils sont reconnus coupables et condamnés à la prison à vie !


Pour les prendre en charge, pourtant, une surprise les attend puisque c'est leur ami Cannonball et sa femme, Smasher, qui se présentent. Grâce aux relations de cette dernière, ils échappent au pénitencier mais sont assignés à résidence.


C'est que la situation est critique dans l'Empire : une guerre se prépare et Gladiator, le chef de la Garde Impériale, est à la manoeuvre pour riposter efficacement. Dans cette configuration, les Nouveaux Mutants ont un rôle à jouer.


Gladiator, en effet, à décidé de mettre à l'abri Xandra, l'héritière du trône Shi'ar, afin de mieux préparer l'Empire au conflit qui l'attend. Les Nouveaux Mutants sont désignés pour assurer la protection de Xandra.


Et, pour éduquer la jeune femme à son future rôle d'impératrice, elle sera accompagnée et guidée par sa tante, Deathbird, une des plus redoutables guerrières Shi'ar... Qui tape immédiatement dans l'oeil de Sunspot.

Dans ma critique du premier épisode, j'insistai sur le fait que la caractérisation des Nouveaux Mutants avaient de quoi surprendre tant ils étaient traités comme les ados/post-ados qu'on connaissait à leurs débuts. Un décalage criant quand on sait que, depuis, chacun a traversé bien des épreuves, mûri, changé.

Cette bizarrerie était d'autant plus déconcertante que Jonathan Hickman avait lui-même utilisé Sunspot et Cannonball, deux des membres emblématiques de l'équipe, au coeur de son intrigue actuelle, dans ses Avengers.

Cela continue de me perturber, mais finalement, j'arrive à en faire abstraction car la lecture de ce deuxième épisode s'avère très plaisante. L'histoire est narrée, en voix-off, par Sunspot, et Hickman fait preuve d'un humour réjouissant car Roberto da Costa est un garçon irrésistiblement arrogant, que les situations contredisent sans arrêt. Il est ainsi convaincu que sa fortune et son entregent vont tout arranger, que son charme est imparable, qu'il est le leader incontestable de l'équipe... Et il a tout faux.

De l'autre côté, Cannonball est l'archétype du type cool et sympa, plus pragmatique aussi. Absent des événements ayant secoué la communauté mutante récemment (depuis l'instauration de la communauté de Krakoa), il porte un regard frais et philosophe sur ce qu'il a raté, tout en ironisant sur Sunspot (qui espérait faire partie des membres éminents de la Nation X).

Le favoritisme de Hickman pour les deux garçons se fait au détriment des autres membres du groupe, réduits à faire de la figuration. C'est que, de Magie à Chamber en passant par Mirage, Karma, Mondo, Cypher, Wolfsbane, ça fait quand même beaucoup de monde - et on se demande alors s'il était si judicieux d'intégrer Chamber et Mondo au collectif, déjà fourni des Nouveaux Mutants (alors que Magma en a été écartée).

Ces maladresses, qui peuvent encore être corrigés (car Hickman travaille sur le long terme), ne sont pas réellement compensées par le dessin (ce n'est pas son rôle), mais la série profite à fond de la prestation formidable de Rod Reis.

L'artiste maîtrise son sujet et les personnages, auxquels il arrive à donner une vraie présence, même quand ils disposent de peu de place. Une scène comme la partie de cartes est un régal grâce à Reis qui représente les expressions des joueurs et, grâce à un découpage sobre (un "gaufrier"), souligne la malice de Mirage.

Sans avoir recours à beaucoup de plans larges, Reis, qui assure aussi sa colorisation, parvient à situer habilement chaque évolution du récit. On bouge quand même pas mal, entre la prison, le tribunal, l'appartement de Cannonball, un croiseur Shi'ar, la résidence de Xandra, l'arrivée de Deathbird.

Pour tous cs bons points, on sera indulgent sur ce qui cloche. Car, au fond, New Mutants ressemble à ce qu'on en attend : une série jeune mais pas futile ni superficielle, dynamique et pleine de ressources.

X-FORCE #2, de Benjamin Percy et Joshua Cassara


Le premier épisode de X-Force s'achevait sur un scène choc avec l'assassinat du Pr. X. Tout l'enjeu pour Benjamin Percy consistait alors à conduire la suite de son histoire avec assez d'efficacité car le lecteur sait que désormais la mort n'est plus un obstacle pour les mutants. Le résultat se trouve dans ce deuxième chapitre rondement mené et dessiné avec vigueur par Joshua Cassara


L'assassinat de plusieurs dizaines de mutants sur Krakoa, dont celle du Pr. X, a plongé la communauté de l'île dans la stupeur. Magneto comprend surtout que le temps joue contre eux car dès que la nouvelle de la mort de Xavier sera divulguée, ce sera une crise majeure.


Jean Grey prend les choses en main en promettant de ressusciter le guide de la Nation X. Elle conduit le Fauve dans une des cachettes où Xavier a camouflé des répliques de Cérébro pour qu'il réactive le casque dont le fonctionnement est complexe.


De son côté, Wolverine part en chasse et se rend à Séoul où les terroristes ont détourné l'avion de ligne depuis lequel ils se sont parachutés sur Krakoa. Grâce à l'aide de Quentin Quire, il obtient rapidement une adresse.


Sur Krakoa, le docteur Cecilia Reyes et le Guérisseur s'emploient à maintenir en vie le seul assassin épargné par Wolverine. Il s'agit d'un méta-humain augmenté artificiellement et qui a pu déjouer le système de surveillance de l'île grâce à un prélèvement effectué sur Domino.
  

Et, justement, Wolverine et Quire aboutissent à un laboratoire secret où sont conçus des assassins artificiels. Encore inachevés, ils s'en prennent à eux. Wolverine se déchaîne tandis que Quire se carapate et découvre dans une salle voisine Domino qu'on a utilisée comme cobaye.

Il semblerait que Marvel ait choisi de publier en recueil les nouvelles séries "X" non pas en tomes consacrés à un titre chacun mais en volumes réunissant six épisodes de chaque nouveau titre. Cela confirme, s'il le fallait encore, que le nouveau statu quo lie chaque série qui forme un ensemble de manière indissociable.

Même si on peut zapper des séries sans être perdu et que ces liens ne sont pas aussi organiques que le voudrait Marvel, il est indéniable que dans ce contexte X-Force est le pivot autour duquel s'articule l'essentiel, le plus important. Et ce pour une raison simple : c'est dans les pages de ce titre que s'est produit l'assassinat de Charles Xavier, qui constitue le rebondissement le plus important à ce jour de "Dawn of X".

On a remarqué que l'événement a été évoqué dans Marauders #2 et X-Men #2. En revanche il n'est pas parvenu jusqu'à Excalibur ni aux New Mutants (pour ces derniers, de façon logique, puisqu'ils sont actuellement dans l'espace). X-Force #2 démarre tout de suite après la découverte du cadavre de Xavier.

Benjamin Percy instaure tout de suite une ambiance oppressante : dès que le décès de Xavier sera connu du reste du monde, ce sera la crise pour les mutants. Il faut donc le ressusciter au plus vite. Ce n'est pas un problème en soi puisque la mort a été résolu par les mutants, avec les Cinq et Cérébro. Sauf que Cérébro était activé par Xavier. Personne d'autre que lui n'en connaissait le fonctionnement (dont l'application est, rappelons-le, de replacer l'esprit du défunt dans son nouveau corps).

L'épisode développe donc deux lignes narratives : d'un côté, les efforts déployés, sous la direction de Jean Grey, pour préparer la résurrection et comprendre le fonctionnement de Cérébro, le plus vite possible. De l'autre, la chasse menée par Wolverine pour découvrir qui a commandité le raid sur Krakoa.

Percy joue sur deux tableaux et accomplit un travail remarquable, avec un sens du rythme impeccable. Le récit est très habilement ponctué, la tension constante, avec même une pointe d'humour - grâce à la présence de Quentin Quire (remercions Grant Morrison pour avoir créé ce personnage). Le scénariste caractérise superbement Jean Grey mais surtout Wolverine, dont il fait un limier et un tueur sans adoucir sa violence (pas étonnant que Marvel ait confié à Percy l'écriture de la série solo du griffu).

L'autre bon point, c'est Joshua Cassara. C'est un dessinateur rugueux qui convient parfaitement à une telle série, à pareille histoire. Soutenu par les couleurs de Dean White, il livre des planches nerveuses, habitées par une sorte d'urgence, de hargne aussi. 

On est vraiment plongé dans cette course contre la montre, avec des ambiances majoritairement sombres. On passe des décors végétaux et marécageux de Krakoa aux rues de Séoul avec un labo secret très flippant. Cassara traduit idéalement ces transitions, tant pis s'il n'est pas très subtil et que tout n'est pas beau : les mutants sont sur le pied de guerre et c'est une sale guerre, dans laquelle on fouille les pensées de terroristes, on charcute des assassins fabriqués à la chaîne.

Percy avait promis un "dirty book" : c'est bien le cas. Mais sans complaisance. Mais surtout avec intelligence car réellement on voit en mouvement toute la collection "X". Charles Xavier ne restera évidemment pas mort longtemps (il suffit, pour en être sûr, de consulter les solicitations futures), mais comme il l'a dit lui-même : "pendant que vous dormez, humains, le monde change.". 

vendredi 22 novembre 2019

MARAUDERS #2, de Gerry Duggan et Matteo Lolli


Le premier numéro de Marauders était sans doute la meilleure surprise de "Dawn of X" car Gerry Duggan investissait la série avec énergie et culot. Cette fois, le scénariste connecte vraiment le cours de sa série aux événements survenus ailleurs (en particulier dans X-Force) et sa narration est plus aventureuse, au point que la caractérisation de certains personnages devient limite. Quant à Matteo Lolli, on sent que son dessin souffre des délais (déjà...).


Sebastian Shaw reçoit à Londres Emma Frost pour décider de celui qui deviendra le nouveau Roi Rouge de la Hellfire Trading Company (HTC). Emma n'a pu convaincre les Stepford cuckoos et ne veut pas du candidat de Shaw. D'autant qu'il a tenté de la doubler récemment en affaires...


En effet, alors que la HTC assure grâce à Kitty Pryde et ses Maraudeurs le transport des remèdes krakoans dans le monde, une cargaison en a été détournée pour des clients riches, à bord d'un navire protégé par le mercenaire français Batroc.


Après avoir mis une raclée à l'équipe, Batroc est neutralisé par Kitty qui s'approprie le navire de ses concurrents. Elle le revend à Taipei où elle doit retrouver Bishop, pour l'aider dans son enquête sur un humain qui aurait disparu en traversant un portail de Krakoa.


Mais Bishop informe les Maraudeurs du raid meurtrier survenu sur l'île. Grâce à Gateway, le mutant aborigène, le groupe rejoint Londres où un nouveau vaisseau les attend, propriété de la HTC. Pendant que l'équipage se familiarise avec l'appareil, Kitty s'éclipse pour affaires.


La discussion entre Shaw et Emma devient de plus en plus tendue et le premier tente par la force de faire entendre raison à sa Reine Blanche. Mais Kitty les interrompt en se présentant comme la Reine Rouge, choisie par Emma.

On s'en doutait mais cet épisode l'acte avec force, les relations entre Sebastian Shaw et Emma Frost ne se sont pas améliorées depuis qu'elle a conquis le titre de leader de la Hellfire Trading Company. Pour la Reine Blanche, Shaw reste un adversaire qu'elle a introduit au sein du Conseil de Krakoa pour le tenir en laisse.

Gerry Duggan articule donc l'épisode au moyen d'une narration parallèle classique mais efficace où les nouvelles aventures des Maraudeurs sont ponctuées par une discussion entre Emma et Shaw sur le choix du nouveau Roi Rouge de leur compagnie. Celui-ci occupera le dernier siège vacant du Conseil de Krakoa.

Bon, sur ce point précis, le suspense a fait long feu, il ne fallait pas être un grand détective pour avoir deviner qui serait le Roi - ou en l'occurrence la Reine Rouge. La couverture de l'épisode dévoile d'ailleurs ce que la dernière page confirme : il s'agit de Kitty Pryde. Mais entretemps, Duggan a sérieusement entamé l'image de la X-Woman favorite de bien des fans (comme moi).

C'est sur ce point que je serai le plus critique car, en matière de maturité du personnage, on ne peut pas dire que Kitty n'a pas changé ces dernières années. Ce n'est plus l'adolescente de ses débuts mais une ancienne professeure, tutrice, directrice, chef d'équipe, comme l'ont écrite Jason Aaron, Brian Bendis, Marc Guggenheim (entre autres). Duggan a choisi d'aller encore plus loin. Trop loin ?

Si on considère que Kitty en a vraiment gros sur la patate de ne pas pouvoir entrer à Krakoa, on peut tout de même s'étonner de la réaction qu'elle adopte. Déjà la voir siffler de l'alcool directement au goulot de la bouteille, c'est audacieux, mais la voir carrément devenir aigrie, se faire tatouer, embrasser le tatoueur, faire la fête et oublier un rendez-vous avec Bishop, et accepter de devenir la Reine Rouge de la HTC (donc la collègue d'Emma et de Shaw), ça fait quand même un peu beaucoup à avaler d'un seul coup. 

Je ne suis donc pas super fan de cette Kitty (ou "Kate" comme Duggan la renomme) qui vire punk, alcoolo et badass. Surtout que cela impacte le reste de la série. Une des règles des mutants est désormais de ne plus tuer d'humains, pourtant on voit Lockheed et Pyro quasiment immoler par le feu des contrebandiers - ce qui n'est pas rien. La scène des tatouages laisse Pyro avec un masque à même la peau indélébile et particulièrement grotesque (mais le personnage est traité comme un imbécile sans nuances). Tornade fait de la figuration, Iceberg le clown.

Duggan fait ce qu'il veut, apparemment il a obtenu carte blanche pour sa série (tout en restant cohérent avec ce qui se passe dans les autres, comme en témoigne le rappel au raid meurtrier survenu à Krakoa). Mais il n'y a pas loin entre faire ce qu'on veut et faire n'importe quoi. D'un côté, c'est rafraîchissant. De l'autre, j'aimerai qu'il se calme un peu.

Matteo Lolli s'en sort très bien, il y a une aisance certaine dans son dessin, comme en témoigne sa gestion des scènes d'action, bien vitaminées. L'affrontement contre Batroc, en plus d'être étonnant, est bien découpé. La diversité des décors est bien suggérée, plus que vraiment traitée. Et les véhicules sont joliment représentés (même si, avec un dessin numérique, on peut facilement représenter tout ce qu'on veut).

En revanche, Lolli paraît parfois (déjà ?) pressé par le temps et son trait s'en ressent. Il y a des finitions aléatoires, des visages un peu ratés (le pompon revenant à celui de Kitty sur la dernière page), des attitudes un peu empruntées (on voit qu'il cherche à conserver des postures provocantes chez Emma mais pas toujours avec bonheur). Malgré tout, l'ensemble reste très agréable (même si, après le premier épisode, des voix se sont élevées pour que le coloriste Federico Blee fonce un peu la peau de Tornade - qui vient du Kenya).

Je conserve ma sympathie à Marauders, avec l'espoir que la caractérisation s'affine.   

vendredi 15 novembre 2019

FOLKLORDS #1, de Matt Kindt et Matt Smith


Bien que je me sois juré de ne pas entamer de nouvelle série régulière (j'en ai bien assez à suivre), je fais une exception pour Folklords, publiée par Boom ! Studios (et je vous explique pourquoi plus loin). Ecrite par l'hyper-productif Matt Kindt et dessiné par Matt Smith, ce récit initiatique est immédiatement accrocheur et joliment mis en images. 


Ansel est un jeune garçon de dix-huit ans qui vit avec ses parents dans un village. Mais sujet à des rêves récurrents et des visions, dans lesquels il a accès à un monde semblable au nôtre, il s'habille et pense différemment, ce qui lui vaut des regards désapprobateurs ou moqueurs.
  

Il se rend à une fête où sont ses amis. Chacun dévoile la quête qu'il entend accomplir, comme c'est la tradition, mais quand Ansel révèle qu'il ambitionne de trouver les Seigneurs du Folklore (les "Folklords"), on lui rappelle que c'est interdit et passible de mort.


Vexé, il s'en va, mais son amie Dee le rattrape. Elle s'inquiète de ce qu'elle a entendu et tente de le dissuader. Mais Ansel réplique que c'est sa destinée, puis avise Dee que les quêtes visées par les autres ne les aident pas à s'accomplir. Piquée au vif, elle lui tourne le dos.


Le lendemain a lieu la cérémonie où chacun fait part en public de sa quête. Archer, un ami d'Ansel, lui vole son projet, ce qui lui vaut un rappel à l'ordre musclé de la Guilde des Bibliothécaires. Celle-ci annule la cérémonie et attribue des missions aux jeunes.
  

L'ineptie de ces objectifs motive Ansel encore davantage et il propose même à Ansel de l'accompagner à la recherche des Folklords. Les deux garçons fuguent à la nuit tombée, couverts par Charles le Troll et un énigmatique chevalier...

Donc, à l'origine, j'avais l'intention de jeter un oeil à ce premier épisode tout en me défendant d'en écrire la critique. Je suis déjà beaucoup de séries et j'ai décidé de ne plus en ajouter à la liste, notamment pour trouver le temps de me consacrer à d'autres choses que ce blog.

La critique est un exercice, plaisant le plus souvent, mais aussi parfois éprouvant - quand on tombe sur une mauvaise histoire, quand des auteurs et artistes sont déplacés, quand l'humeur n'est pas là... Il faut aussi compter avec ceux qui vous lisent car c'est quelquefois un peu décourageant de rédiger des articles que peu de gens consultent. J'ai bien conscience que des séries sont plus attendues que d'autres et que mon humble avis est plus souhaité ici que là, mais évidemment on espère toujours qu'on va piquer la curiosité d'un maximum de visiteurs sur un titre improbable et pourtant authentiquement réussi.

Revenons aux déceptions, ponctuelles ou durables, des séries en cours. J'avais prévu de consacrer cette entrée à Superman #17, mais sa lecture m'a affligé. Bendis n'est vraiment pas en forme (déjà que la fin d'Event Leviathan m'a horripilé) et Kevin Maguire en dessous de tout. Je n'avais pas envie de m'énerver là-dessus. Surtout que Folklords #1 m'avait absolument ravi.

Et donc, exit Superman (au moins ce mois-ci). Je ne connais absolument pas la production de Matt Kindt, alors qu'il est pourtant très prolifique, mais le pitch de cette nouvelle série m'a tout de suite intrigué. D'ailleurs, si je devais résumer l'affaire, c'est justement la simplicité de l'argument qui m'a captivé : un cadre de fantasy, un jeune héros sujet à des visions de notre monde, une quête interdite. Tout va très vite, les personnages sont attachants, la situation vous attrape pour ne plus vous lâcher, on a envie d'en savoir plus, de suivre Ansel et Archer.

A quoi tient l'envie de lire une série finalement ? A cela. Après ? Bien sûr, il faudra confirmer, que Matt Kindt sache développer ce bon début, très prometteur, plein de potentiel. Mais j'ai l'intuition que le bonhomme connaît son affaire et maîtrise son sujet, qu'il en a sous le pied.

C'est aussi cette impression qu'on a avec le dessin de Matt Smith. C'est aussi un inconnu pour moi, même si j'ai découvert qu'il avait travaillé chez Dark Horse, sur Hellboy & the BPRD (pour un récit complet écrit par Mignola lui-même), entre autres. 

Son trait est absolument mûr, c'est un artiste accompli, pas un débutant sorti de nulle part. Cela se voit à la manière de planter le décor, de camper les personnages, d'établir une ambiance. Tout semble simple et en même temps bien défini, ouvragé, préparé. Pas de fioritures, mais l'art de poser un ensemble à la fois familier et original en même temps. A l'image d'Ansel qui s'habille comme un lycéen en uniforme (un costume cravate noir et une chemise blanche, qui tranche avec les allures médiévales des habitants de son village mais aussi des trolls et elfes environnants) : il se dégage une assurance tranquille de tout ça.

Idem pour le découpage : le flux de lecture est très fluide, chaque plan est lisible, les finitions sont impeccables, avec un effort porté aux costumes, aux décors. Les couleurs de Chris O'Halloran sont douces et justes. Un vrai régal.

Pas besoin de chercher midi à quatorze heures : cette BD me plaît, et elle devrait plaire à n'importe qui parce qu'elle est bien foutue, séduisante, intrigante. Achetez ce premier numéro, comme moi vous devriez en redemander une fois arrivé à la dernière page. 

BLACK HAMMER / JUSTICE LEAGUE : HAMMER OF JUSTICE ! #5, de Jeff Lemire et Michael Walsh


Hammer of Justice ! s'achève avec ce cinquième épisode. Quoiqu'il soit permis d'en douter car Jeff Lemire laisse la porte ouverte à une suite, très accrocheuse. Espérons donc que DC et Dark Horse s'entendront pour laisser le scénariste réaliser cela. Avec Michael Walsh toujours au dessin, ce qui ne gâcherait rien...


Mr. Mxyzptlk a promis à Green Lantern, Flash et au colonel Weird de renvoyer tout le monde dans sa dimension d'origine à une condition : que les membres du Black Hammer gang soient tous d'accord pour rentrer à la ferme de Rockwood !


Tout repose donc sur la décision de Gail car, depuis que, grâce à Zatanna, elle est redevenue adulte, elle ne souhaite évidemment plus revenir en arrière. Pourtant, en observant la situation critique de Batman, Superman, Cyborg et Wonder Woman, elle cède.


Abe, Barbalien, Gail, Mme Dragonfly retournent donc à Rockwood où ils prêtent main forte avec Flash à la Justice League contre les monstres échappées de la cabane de Dragonfly. Mr. Mxyzptlk glisse à Dragonfly la solution pour renvoyer à Metropolis les héros de la Terre, une fois le combat fini.
  

La Justice League et le Black Hammer gang partagent un bon repas pour fêter l'heureuse issue de cette aventure. Batman promet de tout faire pour permettre aux membres de Black Hammer de quitter la Ferme. Le colonel Weird disparaît pendant ces échanges.


Il reparaît dans la Para-Zone où se trouve Mr. Mxyzptlk, qui avoue avoir provoqué toute cette intrigue dans l'unique but d'accéder à cet endroit. Il s'éclipse, laissant Weird inquiet à la perspective de ce que pourrait faire le lutin dans cette dimension à l'avenir...

Lorsqu'on compare le dénouement de Hammer of Justice ! à celui de Event Leviathan, il faut bien admettre que Jeff Lemire donne une leçon de narration à Bendis. Son crossover est mieux bâti, développé, plus drôle et inventif que le thriller publié par DC. La différence majeure : la liberté certes, mais surtout l'imagination au pouvoir, l'imagination affranchie des contraintes des events habituels.

Bien entendu, comparaison n'est pas raison et je mesure bien la futilité de confronter Event Leviathan à Hammer of Justice !. Mais, en termes de plaisir de lecture, il n'y a pas photo. En cinq épisodes, Lemire arrive à faire vivre, co-exister plus d'une douzaine de personnages, dans une histoire à la fois délirante et captivante, sans jamais se prendre les pieds dans le tapis, en parvenant à établir un vrai suspense.

La rencontre entre Justice League et Black Hammer ne laissera aucune trace dans leurs continuités respectives, c'est un récit type "Elseworlds", détaché de tout, qui n'existe (et n'a été possible) que grâce à cela. A la fin, les jouets ont été rangés et personne ne se plaint, ni les fans de la série de Dark Horse ou de celle de DC. Mais néanmoins, Lemire a été assez fort et malin pour jouer sur des ressorts dramatiques, des éléments de caractérisations, qui ont animé son récit et pourraient inspiré les futurs auteurs de la Ligue de Justice (car Scott Snyder va bientôt quitter le titre - en espérant que son successeur produira des épisodes plus digestes).

Ces qualités s'expriment entre autres via les dialogues, brillants et ironiques, comme lorsque Gail fiche une raclée à Aquaman, qui est ensuite convoité par Barbalien lors d'un repas de fête ; ou quand Dragonfly se moque du goût du secret de Batman (qui venait de reprocher à la sorcière ses cachotteries). Et la fin, entre Weird (dont le nom inspire également un mot d'esprit savoureux) et Mr. Mxyzptlk, est épatante car elle donne un relief particulier au chaos provoqué par le farfadet (tous ces héros n'ont pas changé de place pour son seul divertissement, il voulait surtout découvrir comment entrer dans la Para-Zone).

Michael Walsh se déchaîne dans cet ultime épisode, très rythmé et dense. Les rebondissements se succèdent et grâce à son découpage simple, on ne perd jamais le fil. C'est l'oeuvre d'un narrateur efficace qui a compris que pour ne pas égarer le lecteur, il fallait raconter sobrement et directement ce que le scénariste avait écrit.

Pour autant, le talent de Walsh ne se limite pas à de la sagesse illustrative : quand il a l'occasion de se fendre d'une double-page pour représenter la bataille de Rockwood assaillie par les monstres de la cabane des horreurs de Mme Dragonfly, il le fait avec brio, toujours avec ce souci de lisibilité dans les enchaînements de plans. Et, là encore, les dernières pages, dans la Para-Zone, sont impeccables, traduisant parfaitement le malaise du colonel Weird...

On se dit que si, chez Marvel comme chez DC, on avait laissé Jeff Lemire aux commandes d'un event, les mains libres, cela aurait été grand. Mais Hammer of Justice ! est un très beau lot de consolation. 

jeudi 14 novembre 2019

X-MEN #2, de Jonathan Hickman et Leinil Yu


Dans les comics, si le premier épisode est délicat à produire car il lui faut accrocher le lecteur, le deuxième l'est sans doute encore plus car son auteur doit confirmer ses bonnes dispositions. Jonathan Hickman aime se compliquer les choses puisqu'il s'est fixé l'objectif de nous passionner avec une histoire animée par Cyclope, Rachel Summers et Kid Cable. Et Leinil Yu, serait-on tenté d'ajouter. Mais le résultat est épatant !


Après les événements tragiques des derniers jours sur Krakoa (cf. X-Force #1), Cyclope sollicite l'aide de sa fille Rachel et son fils Nathan pour une mission peu ordinaire. Une île est apparue au large et Krakoa se déplace vers elle, alors qu'elle est peuplée de monstres.


Précédés par Vega et Aurora qui ont reconnu, par les airs, la zone, le trio atterrit sur ce territoire inconnu. Il progresse dans une jungle touffu jusqu'à ce qu'il rencontre sa faune, d'abord inoffensive puis plus terrifiante.
  

Dans le cratère du volcan actif de cette île, un enfant albinos est prévenu de la présence des visiteurs et part à leur rencontre. Mais ils ne réussissent pas à communiquer. Kid Cable (Nathan Summers) prend une initiative sournoise et hostile en offrant une grenade à l'enfant qui la dégoupille.


Survivant à l'explosion, il riposte en invoquant trois démons. La bataille s'engage jusqu'à ce que Rachel réussisse à parler télépathiquement avec l'enfant. Les représailles cessent en même temps que les deux îles fusionnent.


A la nuit tombée, l'enfant, dans une clairière, est rejoint par Apocalypse à qui il explique être le fils de Guerre, un de ses anciens cavaliers. En Sabbah Nur promet de les protéger, lui et l'île, qui n'est autre que Arakko, la moitié originelle de Krakoa.


Comme le premier épisode, cette histoire est un done-in-one, un récit complet. Mais déjà on devine que Jonathan Hickman pose les bases d'une intrigue secondaire qu'il développera certainement dans l'avenir proche - on sait que la série aura un rythme de parution soutenu (douze épisodes dans les huit premiers mois). Tout comme il l'avait fait avec un retour sur la station Orchis dans le #1.

Pour ceux qui sont un peu familiers des productions du scénariste, aussi bien chez Marvel que chez Image, des motifs se distinguent, se détachent : l'enfant albinos renvoie à des personnages comme on en a vus dans ses New Avengers aussi bien que dans East of West ou Black Monday Murders. Il s'exprime dans une langue incompréhensible aux autres (même si, là, Hickman se contente de le signaler en entourant de crochets les paroles, alors que, ailleurs, il invente des glyphes vraiment cryptiques). C'est aussi une créature surpuissante sous son allure frêle (en l'occurrence un Invocateur, capable de recevoir l'aide de trois démons).

Cela fait écho avec les X-Men puisque, depuis HoX-PoX, Hickman a souligné le caractère particulier de la société mise en place par les mutants sur Krakoa. Ces derniers se comportent désormais comme une nation souveraine, peuplée d'êtres supérieurs, et n'acceptant le dialogue avec autrui qu'à leurs conditions. En présence de ce jeune garçon étrange, dont l'identité et les origines sont intimement liées à son île et à Krakoa mais surtout à Apocalypse, les X-Men sont face à un autre, à la fois semblable à eux et très différent (au point qu'ils ne soupçonnent pas dans quelle mesure).

Hickman aime les défis et avec les X-Men, il semble volontiers s'amuser à se fixer des contraintes que ses pairs évitent et qui laissent le lecteur perplexe. Ainsi, la perspective de lire une aventure conduite par Cyclope, Rachel Summers et Kid Cable n'a a priori rien d'excitant. De ces trois-là, ma favorite est Rachel (dont Hickman a conservé le dernier pseudo, Prestige, donné par Marc Gugghenheim durant son run sur X-Men : Gold). Cyclope a été totalement corrigé. Et Kid Cable est l'invention improbable de Ed Brisson durant la mini-série Extermination (où les cinq X-Men originaux ont été renvoyés, de manière musclée, à leur époque).

Pourtant, le scénariste réussit à créer une dynamique plaisante avec ces trois personnages, surtout parce qu'il ne s'appesantit jamais sur leur parenté artificielle (en effet Rachel comme Nathan Summers proviennent de réalités alternatives et ne sont pas réellement les enfants de Cyclope). Mais voir Cyclope donner du "your old man" à ses deux pseudo-rejetons et assister aux chamailleries entre Kid Cable (dépeint comme une sorte d'ado vicieux et arrogant) et Prestige (complice de son père et peu impressionnée par son frangin) a quelque chose de spécialement savoureux - et plus abouti, parce que moins superficiel, que le repas de famille des Summers du précédent numéro.

Côté dessin aussi, l'épisode est périlleux car Leinil Yu n'affiche pas la grande forme. L'artiste apparaît absent, en pilotage automatique, sa prestation est paresseuse, sans énergie. Il faut un script impeccablement écrit pour soutenir des images aussi désincarnées. Comme d'habitude désormais, Yu est à son avantage quand rien ne bouge, mais dès que ça s'anime, les compositions de ses plans, son découpage sont d'une mollesse terrible, figés par l'encrage de Gerry Alanguilan (qui suit au plus près le trait de Yu, sans lui donner la moindre nuance, la moindre texture).

La plus belle scène qu'ils arrivent à pondre est la dernière, entre l'enfant et Apocalypse, au clair de lune, dans une clairière. Soudain on retrouve un Leinil Yu inspiré, avec un encreur investi, bien soutenus par les couleurs de Sunny Gho.

Quant aux événements relatifs à X-Force #1, très rapidement évoqués, il confirme que le Pr. X n'est sans doute pas vraiment mort (de toute manière, la mort est devenue accessoire pour les mutants, comme on a pu le voir dans HoX... Et comme le confirment les images des couvertures des futurs numéros).

Outre cela, en tout cas, c'est un épisode épatant. Comme on dit, c'est une belle période pour être (à nouveau) fan des X-Men. 

EVENT LEVIATHAN #6, de Brian Michael Bendis et Alex Maleev


Ainsi s'achève Event Leviathan. C'est une énorme déception, que je sentais un peu venir depuis deux épisodes, mais qui se confirme, hélas ! Rarement une saga aura donné une telle impression de vacuité, de "tout ça pour ça". Brian Michael Bendis a complètement raté son coup, échouant à surprendre, à construire un récit bien dosé, original. Alex Maleev ne peut rien sauver dans ce naufrage. Le pire, c'est que ce n'est pas vraiment fini...


Superman retrouve Lois Lane. Elle lui demande des explications sur les Manhunters. Trois heures auparavant, Talia Al Ghul et Silencer ont stoppé Batman et sa bande pour qu'ils lui remettent Kate Spencer alias Manhunter.


Le scan révèle des interférences dues à son costume et son équipement. Coincée, elle tente de fuir mais est vite neutralisée. Batman comprend qu'elle a été un agent double de Leviathan depuis le début et que son bâton permet sans doute à l'adversaire de continuer à les écouter.


En communiquant par signes, Batman et ses partenaires évaluent la situation avant d'être rejoint par le groupe de détectives de Zatanna et Lois. La magicienne les téléporte ailleurs. Pendant ce temps, Superman voit Leviathan se démasquer et se présenter : il s'agit de Mark Shaw, un ex de la Suicide Squad, le premier Manhunter.


Comme les Manhunters galactiques originaux, il a voulu avec ses alliés imposer un nouvel ordre mondial et espère rallier Superman à sa cause en soutenant que les super-héros échouent à maintenir la paix. C'est alors que les détectives surgissent et engagent le combat.


Leviathan fuit. Lois Lane décide de court-circuiter son plan de révéler au monde les secrets des puissants en divulguant l'identité de Shaw. Mais le problème est loin d'être résolu : d'ailleurs Shaw et ses alliés réfléchissent déjà à la suite, plus offensive, à donner à leur action.

Depuis le début de sa parution, la saga de Brian Michael Bendis a motivé les lecteurs pour découvrir l'identité de Leviathan - se motivations étant révélées très tôt dans l'intrigue, et avec la manière (puisqu'il s'agissait de pointer, avec à propos, l'incapacité des super-héros à maintenir l'ordre et la paix dans le monde).

Le scénariste s'est amusé des théories des fans pour désigner le coupable, sans doute parce qu'il était à la fois ravi que son projet suscite un tel intérêt et aussi parce qu'il était sûr de surprendre tout le monde le moment venu.

Ce sixième et ultime épisode d'Event Leviathan lève donc le voile et s'avère une terrible déception. D'autant plus terrible qu'elle navre et indiffère, car celui qui se cachait le masque indéchiffrable de Leviathan, finalement... A vrai dire, on s'en fout complètement. Il s'agit d'un certain Mark Shaw, son nom ne parlera à pas grand-monde et donc plongera la majorité dans la perplexité, sur l'air de "six épisodes pour apprendre que l'adversaire qui a séché Batman, Lois Lane et les plus fins limiers du DCU est un inconnu, ou un personnage oublié".

Qui est Mark Shaw ? Le héros d'une série des années 80, un avocat insatisfait du système pour lequel il travaille et qui est introduit dans une secte par son oncle, où il assume le rôle de Manhunter, inspiré des Manhunters galactiques, prédécesseurs des Gardiens d'Oa (les patrons du Green Lantern Corps), obsédés par la traque des criminels. Il faut préciser que cette secte est composée d'androïdes, dénués de sentiments donc. Mais leur radicalisme finit par pousser Shaw à se retourner contre eux. Il intègre ensuite la Suicide Squad. 

La logique du personnage est donc respectée et Bendis ne commet pas d'impair à sortant Shaw de son placard. Non, le hic dans cette affaire, c'est qu'on attendait tous un personnage plus connu et surprenant derrière le masque de Leviathan - certains présumèrent même qu'il pourrait s'agir de Superman (ce qui aurait été une bombe). Je suis donc déçu car, en procédant ainsi, Bendis joue contre son sujet en vérité : qui peut bien se soucier du retour d'un ancien héros, certes ambigu, a fortiori maintenant que Lois Lane a divulgué son nom dans les médias ? Il aura baladé Batman et quelques autres détectives, et planifie la suite de ses opérations (à suivre dans Action Comics en 2020). Et après ? Et alors ?

La tension est totalement absente de cet épisode et la conclusion de la saga donne le sentiment que ses six épisodes n'ont servi que de gros teaser pour installer sur la durée un vilain que, peut-être, sans doute, seul Bendis exploitera. On peut nettement préférer le scénariste qui produit Batman Universe et s'amuse à bringuebaler Batman aux trousses d'un Oeuf de Fabergé plutôt que celui qui conduit laborieusement ce thriller qui échoue à nous faire frissonner.

Alex Maleev pour qui Bendis a écrit cette histoire, avec la promesse que Batman en serait la vedette, a perdu son temps et, sans bâcler, termine sans éclat. Quel gâchis.

Le pire, c'est que je m'étais lancé dans Event Leviathan en oubliant presque qu'il s'agissait d'un event. Mais j'aurais dû être plus vigilant : cela fait bien longtemps que ce genre de récit ne me captive plus, et cette tentative n'a rien arrangé.


mercredi 13 novembre 2019

SPACE BANDITS #5, de Mark Millar et Matteo Scalera


Space Bandits s'achève plutôt pas mal alors que l'ensemble a été très décevant. C'est un pur divertissement, bourré d'action et d'outrance, et qui annonce le futur premier crossover au sein du "Millarworld". Ce qui est sûr, c'est qu'en attendant cela, Mark Millar serait bien inspiré de concevoir sa prochaine production avec un peu plus d'originalité. Et, par conséquent, de moins se reposer sur la talent de son artiste, en l'occurrence, ici, Matteo Scalera.



Tandis que Cody Blue a renoué avec son ex, Viggo Lust, Thena Cole planifie déjà un coup fumant pour qu'ils soient tous à l'abri. Elle compte vider les coffres de la Princesse de Most, à laquelle est promis Viggo - dont elle ignore qu'il est en affaires avec Kaiser Crowe.


Tandis que Viggo endort la Princesse, Thena et Cody s'introduisent dans la salle du trésor de la Princesse en mode caméléon. Pourtant elles sont repérées et doivent prendre la fuite précipitamment avec leur butin. Elles sauvent Viggo in extremis des griffes de la Princesse réveillée.


Pris en chasse, le trio parvient à semer la garde de la Princesse en passant en hyper-vitesse pour gagner la planète où Thena a prévue de se replier. Hélas ! Kaiser Crowe les y attend, amené là par Viggo. Thena et Cody comprennent qu'elles ont été doublées par ce dernier.
  

Le sort des deux femmes semble scellée. Pourtant Thena est résolue à ne pas livrer son trésor et a conservé un atout dans sa manche. Des lézards blancs géants, de la même espèce que son animal de compagnie, Cosmo, surgissent et déciment Kaiser et sa bande.


Viggo laissé sur place sera récupéré par la Princesse. Thena et Cody profitent ensemble de leur butin tout en récompensant ceux qui les ont aidées en chemin. Mais, loin de là, les fugitives ont toujours leurs têtes mises à prix et un chasseur de primes est lancé à leurs trousses.

Bon, on va vite passer sur la résolution de ce qui a tenu lieu d'intrigue à Space Bandits. Dans une veine purement "Millarienne", les deux héroïnes s'en sortent de la manière la plus providentielle et violente qui soit grâce à une astuce qu'on voit arriver à des km (les lézards blancs télépathes de la même espèce que Cosmo), les méchants sont dûment et durement châtiés (à la mesure de leurs félonie et de leur brutalité envers les femmes). Et l'épisode se clôt sur l'annonce d'une suite qui sera aussi le premier crossover du "Millarworld".

Ce qui incite à l'indulgence, malgré la médiocrité globale de cette mini-série, c'est tout de même que Mark Millar est plus à son avantage pour écrire un épisode gorgé d'action jusqu'à l'absurdité que pour bâtir une intrigue solide. De ce point de vue, Space Bandits aura été plus agréable à lire que Prodigy, plus dépaysant, plus délirant. Le traitement des personnages, les péripéties auront été mauvais, parmi ce que Millar a fait de pire, c'est entendu. Mais la fin (provisoire) de leur aventure est emballé avec du rythme et une adversité consistants.

Ce qui a manqué à cette mini-série, c'est finalement une radicalité narrative à la mesure de celle de son graphisme car Matteo Scalera a apporté à Millar une sorte de fantaisie visuelle, criarde et cartoony, rafraîchissante. Le dessinateur de Black Science ne s'inscrit pas dans un courant réaliste comme de précédents artistes avec lesquels a travaillé Millar (Immonen, Coipel, Gibbons, Fegredo). Son expressionnisme, les couleurs pétantes de Marcelo Maiolo, le découpage privilégiant les grandes cases, tout concourt à faire de ce Space Bandits un projet farfelu, avec ses vêtements aux coupes issues des années 80, ses vaisseaux spatiaux improbables, ses décors luxuriants. On est clairement dans un univers parodique, qui imite les "buddy movies" et le "space opera" avec une lumière au néon flashy et une galerie de trognes.

Millar, malheureusement, n'avait pas un récit à la hauteur de son dessinateur, il s'est, une fois de plus, contenté d'un hommage à sa manière à une histoire qui l'a marqué dans sa jeunesse (Butch Cassidy et le Kid), dont il a détourné quelques éléments. Ce qui fonctionnait encore sur Starlight a fait "pschiit !" ici, faute d'une vision, d'un souffle. Et Scalera s'est retrouvé seul à tenter de porter l'intrigue vers les hauteurs attendues.

Mais, finalement, ce qu'on retiendra surtout, c'est l'épilogue de ce cinquième épisode, une fois la victoire des héroïnes actée. En effet, un chasseur de primes est lancé à leurs trousses (après tout, elles sont encore des fugitives recherchées pour de multiples délits), et cet individu n'est autre que Sharkey. Dont Millar vient de narrer la propre balade dans Sharkey the bounty hunter, illustré par Simone Bianchi, paru parallèlement à Space Bandits. Je n'ai pas lu cette série car le dessin de Bianchi ne me plaît pas et que j'étais prudent après Prodigy. Mais la rencontre annoncée de Sharkey, Thena et Cody va aboutir au premier titre où des personnages de Millar partageront une même histoire. Qui la dessinera (Scalera ? Bianchi ? Un autre ?) ? Et quand cela sera-t-il publié ? Mystères.

Mais cela sera sans moi. J'ai déjà zappé la suite de Chrononauts, dont les quatre nouveaux épisodes sont tous sortis le même jour, fin Octobre. Et je vais attendre de voir quel est cette mystérieuse BD promise pour la fin 2019 par Millar et Netflix (qui semble être une suite d'une mini-série déjà publiée). En vérité, je guette plutôt 2020, qui devrait voir la parution de Requiem, troisième et dernier acte de Jupiter's Legacy, dessiné par Frank Quitely, et peut-être du Livre II de The Magic Order (en priant pour que Coipel soit encore de la partie). Sans oublier Empress Book Two (maintenant que Immonen sort de sa retraite, bien qu'il se soit engagé sur un projet avec Joe Hill pour revenir)...