mercredi 31 mai 2023

POWER GIRL SPECIAL #1, de Leah Williams et Marguerite Sauvage, Joanne Starer et Natacha Bustos


Si vous avez lu les back-up stories dans Action Comics #1051-1053, alors vous avez pu apprécier Power Girl Reborn écrit par Leah Williams et dessiné par Marguerite Sauvage. Visiblement, cela a convaincu DC de produire ce one-shot d'une cinquantaine de pages avant de donner une série régulière à Karen Starr. En prime, on a un aperçu de l'autre future série Fire & Ice par Joanne Starer et Natacha Bustos, qui paraîtra cet automne.


Omen et Power Girl ont découvert que le responsable des troubles de leurs patients n'était autre que Johnny Sorrow. Mais celui-ci, avec quatre complices du Royaume Subtil, a lancé une attaque de grande ampleur et les deux femmes sont seules à se dresser contre lui.


Power Girl est l'objet de l'attention de Johnny Sorrow qui veut la convaincre de rallier la Terre-2 d'où ils viennent pour la refonder et la diriger. Et pour vaincre cet ennemi qu'elle repousse, Power Girl devra, contrairement à lui, accepter de tourner la page de ce passé et s'ouvrir aux autres comme jamais...


Même si j'ai laissé tomber la lecture d'Action Comics, j'avais pris rendez-vous pour ce Power Girl Special qui fait suite à Power Girl Reborn, que j'avais beaucoup aimé. Leah Williams, à qui on doit l'excellent X-Terminators (chez Marvel), a su s'approprier le personnage de Starr comme peu d'autres auteurs avant elle (hormis le duo Jimmy Palmiotti et Justin Gray, dans un run illustré par Amanda Conner, sur un registre entre comédie loufoque et action).

La scénariste a pour cela tiré profit de l'event Lazarus Planet dans lequel Power Girl, affectée par la tempête magique déclenché par le Diable Nezha, a communié avec la magicienne Omen (ex-membre de Titans). Power Girl Reborn montrait les deux amies ouvrir une sorte de cabinet de psychothérapie pour soigner les maux de super-héros. A la fin du dernier numéro, on comprenait qu'un méchant unique se cachait derrière les troubles des patients et qu'il s'agissait de Johnny Sorrow, un des adversaires de la JSA.

Ce one-shot est découpé en deux parties, dont la plus importante compte une quarantaine de pages qui conclut cette intrigue. On y découvre les motivations de Johnny Sorrow et comment Power Girl va tenter d'en venir à bout. Leah Williams se montre encore une fois inventive pour justifier les agressions du vilain et pourquoi il cible particulièrement Power Girl. Elle traite d'une relation toxique via le prisme super-héroïque en convoquant des figures du tarot, mais aussi des thèmes comme la séparation, le deuil, la famille. Tout ça est formidablement écrit, avec nuance et efficacité, loin de tout cliché, sans manichéisme.

A la fin de ce Special, les cartes sont rebattues pour Power Girl, son association avec Omen, ses liens avec la Super-famille, ses origines. Sur ce point Williams souligne le déracinement de Karen Starr qui vient de Terre-2 et qui dans sa dimension était l'équivalent de Supergirl, avec un rapport spécial avec le Superman de la JSA. Et on comprend pourquoi elle n'a jamais réussi à s'intégrer à la Super-famille sur la base de malentendus jamais formulés et purgés.

De même Johnny Sorrow devient un adversaire particulièrement singulier qui répète un schéma pervers (il avait déjà tenté de contraindre Stargirl par le passé), coincé dans une sorte de boucle narcissique (ancien acteur du muet que l'arrivée du cinéma parlant a ruiné, il veut renouer avec une existence fantasmée). Et tout le contraste repose sur la résilience dont fait preuve Power Girl, sa capacité à surmonter ses propres traumas exploités par Sorrow, ses regrets enfin  digérés.

Le script bénéficie en outre de la mise en images toujours aussi somptueuse de Marguerite Sauvage. Celle-ci assume dessin, ecnrage, et colorisation dans un découpage qui s'affranchit volontiers des cadres bien sages en vigueur dans les comics. Souvent l'artiste favorise l'esthétisme à la fluidité, l'illustration à la narration graphique, créant par ses images une sorte de couche supplémentaire au propos du scénario.

Cela commence dès la première page avec une fausse publicité pour un parfum créé par Johnny Sorrow qui serait capable d'envoûter Power Girl. Plus loin, il suffit d'une page à Sauvage pour résumer à la fois les origines de Power Girl (avec des vignettes occupant toute la largeur de la bande et qui reprennent les motifs de tous les survivants de Krypton) mais aussi pointer du doigt ce qui a distingué l'héroïne. Un admirable raccourci.

Les personnages sont expressifs sans exagération et chaque image correspond à une idée, chaque planche permet de faire progresser visuellement le récit. Et c'est en plus très beau. Quel dommage alors que la future série Power Girl (qui conservera la même scénariste) se passe de Marguerite Sauvage au profit d'Eduardo Pansica (un dessinateur solide mais inégal, et surtout infiniment moins élégant). Pourquoi ?!
 

- FIRE & ICE (Joanne Starer/Natacha Bustos) - Baltimore est sous la menace d'un raz-de-marée mais Fire et Ice interviennent pour sauver des civils. Pourtant, de peur d'être dépassée, Ice contacte Guy Gardner. Lorsqu'il arrive en renfort, la situation se règle, sauf pour Fire qui s'emporte contre le Green Lantern toujours aussi toxique envers Ice...


Cet automne, DC lancera une série (limitée ?) avec Fire et Ice en vedette. Et il est impossible de ne pas voir dans cette initiative la conséquence du regain de popularité de Ice suite à The Human Target de Tom King et Greg Smallwood (même si, comme la majorité des mini-séries publiées sous le DC Black Label, il s'agissait d'un "elseworld").

Joanne Starer (une auteur jusque-là ayant oeuvré dans des projets indés) introduit donc le duo d'héroïnes dans un schéma fidèle à celui de Justice League International et The Human Target : Ice est une jeune femme surpuissante mais timorée tandis que Fire a une personnalité enflammée comme son pouvoir. Entre elles deux, il y a Guy Gardner, qui fut longtemps le petit ami de Ice, mais qui est un parfait abruti possessif et vaniteux. Si Fire n'était pas attirée par les hommes, on pourrait facilement penser qu'elle est amoureuse de Ice - et, comble de l'ironie, aussi jalouse que Guy Gardner.

A la fin de ce petit épisode, Superman propose une solution pour que les deux filles fassent un break en les envoyant à Smallville. Bien entendu, à n'en pas douter, les ennuis vont les suivre. La dizaine de planches dessinée avec une fraîcheur jubilatoire par Natacha Bustos (qui, il n'y a pas si longtemps, était pourtant promue "stormbreaker" par Marvel sans que l'éditeur lui confie la moindre série) donnent très envie de donner sa chance à ce titre en devenir (dans lequel il y a fort à parier que d'autres membres de la JLI feront un tour).

La rentrée sera l'occasion de vérifier l'attrait de ces deux séries, même si, donc, je regrette que Marguerite Sauvage soit remplacée sur Power Girl, et que j'ai été très agréablement accroché par Fire & Ice dont je n'attendais vraiment rien.

lundi 29 mai 2023

CITADELLE imprenable ?


Je n'en ai pas l'habitude et, à vrai dire, je n'aime pas beaucoup le faire, mais ce week-end, j'ai "binge-watché" la saison 1 de Citadelle. Lancé comme la série la plus chère de tous les temps (on parle d'un budget total de 300 millions $), produite par les frères Russo, ce show à grand spectacle dans le milieu de l'espionnage se veut le point de départ d'un univers partagé. Pour l'heure, c'est d'abord six épisodes très efficaces même si, curieusement, parfois, aux allures très sobres compte tenu de ses moyens.

Quelques spoilers, mais l'essentiel est préservé !


Citadelle, c'est le nom d'une agence d'espions mondiale, ne dépendant d'aucune autorité gouvernementale et fonctionnant depuis plus d'un siècle pour assurer la sécurité partout sur la planète. Deux de ses meilleurs agents, Mason Kane et Nadia Sinh, sont piégés lors d'une mission par leurs adversaires de l'organisation Manticore, aux mains des six familles les plus puissantes du globe. Huit ans après, Mason a survécu mais sa mémoire a été effacée comme l'exige le protocole de Citadelle et il a refait sa vie sous le nom de Kyle Conroy en Oregon avec femme et enfant. Jusqu'à ce que Bernard Orlick, cadre de l'agence, le localise et les enlève pour lui demander de l'aider à récupérer la mallette X, contenant les derniers secrets de Citadelle, convoités par Dahlia Archer, chef des opérations de l'ennemi.


Nadia a elle aussi survécu et après avoir été sauvé par un homme qui l'a séquestrée mais qu'elle a réussi à tuer, elle est partie pour Valence, sans aucun souvenir autre qu'une inscription sur un de ses avant-bras. Orlick et Mason repèrent la mallette et la récupèrent mais ils sont pris en chasse par les agents de Manticore qui blessent Bernard. Mason réussit à semer ses assaillants et grâce à la mallette détecte la présence de Nadia en Espagne. Là-bas, il lui rend la mémoire grâce à un sérum dans une seringue tandis que la sienne se brise quand Vink, un agent de Manticore, les surprend.


Bernard est livré à Dahlia Archer qui tente, sous la torture, de lui soutirer des codes de têtes nucléaires ayant appartenu à Citadelle. Nadia et Mason gagnent une planque où elle tente de contacter d'autres survivants de l'agence : elle découvre que Manticore a éliminé pratiquement tous ses collègues sauf Carter Spence qui a lancé un s.o.s. depuis le Maroc avant de disparaître. Mason veut aider Nadia mais elle considère qu'il la gênera. Toutefois elle se ravise quand elle pense que le seul homme à pouvoir leur dire où est Carter ne parlera qu'à Mason.


Au Maroc, Mason apprend par l'informateur de Nadia que Carter est détenu dans une prison secrète de Manticore dans le désert. Ils s'y rendent et le libèrent mais Carter accuse alors Nadia d'avoir causé la chute de Citadelle en livrant la liste de leurs agents à Manticore il y a huit ans. Interrogé par Vink, Bernard tente de l'amadouer en lui montrant sur son téléphone la photo de Brielle, la seule femme qu'il a aimée et qu'il croyait morte. Mais Dahlia abat Vink avant qu'il ne s'en aille avec Orlick puis elle menace ce dernier d'abattre sa femme, celle de Mason et leur fille cachées dans une planque du Wyoming. Orlick livre alors les codes.


Un an avant la chute de Citadelle (il y a neuf ans donc), Mason demande Nadia en mariage après une longue liaison. Elle veut d'abord lui présenter une recrue en qui elle a toute confiance car elle l'a sauvée lors d'une mission dans les forces spéciales. Celeste Graham doit se lier aux frères Vink qui ont conçu la Clé Oz, un appareil commandé par Manticore. Mais Celeste, sous le faux nom de Brielle, ne donne bientôt plus signe de vie et Mason pense qu'elle va trahi l'agence en revendant la clé pour rembourser les dettes de jeu de son frère. Il ordonne donc son exfiltration mais la clé est introuvable. Mason demande à Bernard d'effacer les souvenirs de Celeste sans le dire à Nadia et de la renvoyer à la vie civile. La disparition soudaine de Celeste éveille les soupçons de Nadia, qui refuse d'épouser Mason.


Rattrapés par Manticore, Carter, Nadia et Mason sont obligés de remplir une mission pour Dahlia Archer qui tient la fille de Nadia, Asha, fruit de ses amours avec Mason et qu'elle avait confiée à son père. Ensemble, les deux agents et leur collègue récupèrent six disques qui désarment des têtes nucléaires puis se rendent à Valence pour les livrer à une membre de Manticore contre Asha. Mason sauve la fillette tandis que Nadia garde les disques. Ils trouvent refuge dans l'ancien Q.G. de Citadelle où la femme de Mason et leur fille les attendent, conduites ici par l'épouse de Bernard. Carter injecte le sérum à Mason qui recouvre la mémoire... Et se rappelle de qui a trahi l'agence...

... Mais, hé, hé, je ne vous dirai pas qui c'est ! Parce que ce twiste final est vraiment très réussi, imprévisible et relève vraiment le niveau de cette première saison. En effet, malgré tous les superlatifs qui entourent sa production, Citadelle peut (un peu) décevoir compte tenu des ambitions affichés et des moyens financiers qui lui ont été alloués.

Amazon Prime Video a beaucoup communiqué sur l'implication de Joe et Anthony Russo pour promouvoir ce show épique et coûteux. Les frères Russo, auréolés du succès de leurs deux films Captain America (Le Soldat de l'Hiver et Civil War) puis de leurs deux opus des Avengers (Infinity War/Endgame), ont été soustraits à Netflix (pour qui ils avaient écrits et mis en scène The Gray Man) : une belle prise indéniablement (même si, en théorie, rien ne les empêche de retravailler pour la concurrence). Mais il convient de rester mesurer sur leur investissement dans Citadelle.

En effet, les Russo n'ont ni participé à l'écriture ni à la réalisation des six épisodes mis en ligne : ils font partie des producteurs et on peut donc considérer que leurs noms servent de caution pour attirer des abonnés plus que comme d'authentiques créateurs ayant imaginé ce qui se veut comme le point de départ d'un univers partagé conçu par Josh Applebaum, Bryan Oh et David Weil.

Car Amazon a de grands projets pour Citadelle destinée à être déclinée non seulement en une série centrale sur plusieurs saisons (la deuxième devrait être tournée l'an prochain) mais aussi des spin-off (dont le premier sera Citadelle : Diana, qui sera diffusé en 2024). Et Tim Cook n'a pas donc pas hésité à sortir le chéquier (comme il l'a déjà fait pour The Rings of Power, le prequel du Seigneur des Anneaux).

Mais assez parlé de gros sous. Que raconte et que vaut Citadelle ? On est entraîné dans un monde de super-espions au service d'une agence indépendante qui oeuvre dans l'ombre depuis des décennies pour instaurer un nouvel ordre mondial. Cette influence a motivé les six familles les plus puissantes du globe à s'unir pour fonder l'organisation Manticore, dont le projet est de démanteler Citadelle et d'accélérer le désarmement des nations, quitte à employer des méthodes radicales.

Rien n'est réaliste dans cette série qui emprunte à James Bond mais aussi à la science-fiction (avec un protocole qui efface les souvenirs des agents de Citadelle quand ils sont compromis). On voit à l'oeuvre des clichés qui suscitent un sourire amusé comme le fait que Citadelle a un quartier général à flanc de canyon, ce qui n'est vraiment pas discret pour une agence d'espions. Les agents en question sont tous des gravures de mode, maniant n'importe quelle arme avec un dextérité insensée, pilotant n'importe quel véhicule, survivant aux cascades les plus ahurissantes. Et leurs adversaires ressemblent à une mafia ayant infiltré les plus hauts cercles du pouvoir politique, avec une chef de mission établie en Angleterre, en poste dans le gouvernement de sa Majesté, et qui donne malgré tout des interviews à des lanceurs d'alerte en suggérant en direct qu'ils pourraient être des agents à la solde de forces étrangères hostiles (comprenez : des russes).

Si on joue le jeu, exactement comme on le fait en regardant n'importe quel film de la saga James Bond, Citadelle est donc un divertissement très efficace et plaisant. La durée des épisodes explique aussi ces sentiments car si le compteur affiche de 40 à 50', en vérité, une fois le résumé de l'épisode précédent, le générique et le teaser pour le prochain épisode, on est plus proche de 35' en moyenne et les scénaristes ne perdent donc pas de temps en caractérisation trop poussée ni en circonvolutions dramatiques au profit d'intrigues menées à toute allure, avec un quota d'action calibrée, de romance sexy, de coups de théâtre réguliers. Tout ici procède d'archétypes, de conventions.

Les flashbacks qui émaillent les épisodes pour revenir sur les années précédant la chute de Citadelle ou pour faire croire au téléspectateur qui a trahi l'agence il y a huit ans, qui étaient Mason Kane et Nadia Sinh (et dans une moindre mesure Carter Spence, Bernard Orlick, Celeste Graham et Dahlia Archer), sont des ponctuations et souvent de fausses pistes qui aboutissent à un twist final vraiment très réussi et renversant. Et c'est ce qui motivera les fans à revenir pour une saison 2 (voire pour le premier spin-off).

Mais, car il y a un "mais", Citadelle déçoit un peu quand même quand on en revient au budget car alors que les américains excellent à peupler leurs séries, à les décorer, on remarque ici une forme étonnante de pauvreté. Le QG de Citadelle par exemple devrait être une vraie fourmilière, compte tenu du champ d'action de l'agence, grouillant d'agents, de terrain ou affectés à la logistique, au renseignement, etc. Or le décor se résume à des open spaces souvent dépeuplés qui font davantage penser à une organisation de résistants faisant avec les moyens du bord qu'avec des moyens rivalisant avec ceux que Amazon a mis pour financer ce show. Idem pour Manticore dont on ne voit rien, au point que lorsque Bernard est torturé par Dahlia Archer et ses hommes, cela se passe dans le salon-salle à manger de sa propre maison. Où est passé l'argent ?

Si, pour The Gray Man par exemple, Netflix s'était offert un casting certainement très onéreux (Ryan Gosling, Chris Evans, Ana de Armas, etc), ici, on ne peut pas dire que les acteurs principaux soient des stars. Ce ne sont pas non plus des inconnus ni de mauvais interprètes, loin s'en faut. Stanley Tucci est le seul dans le lot à avoir une carrière fournie et son personnage a la lourde tâche d'apporter un peu de finesse dans ce barnum, tout comme celui de Lesley Manville dans la partie adverse.

Les héros sont incarnés par deux comédiens familiers des amateurs de séries : Richard Madden a été révélé par Game of Thrones puis Bodyguard avant de se commettre dans Les Eternels (un des pires films de la Phase IV du MCU) et il est parfait en super spy athlétique et au charme ténébreux. Il n'est certes pas très expressif mais apporte une intensité indéniable à son rôle jusqu'à la fin de la saison. Face à lui se tient celle qui s'impose comme la star du show : Priyanka Chopra Jonas. Révélée dans Quantico, l'actrice indienne est d'une sensualité affolante mais surtout elle parvient à habiter très crédiblement son personnage d'agent et de traître idéale (ce qui ne veut pas dire qu'elle l'est...). A chaque fois qu'elle est à l'image, elle vole les scènes et de ce point de vue Citadelle impose une héroïne charismatique dans le registre de l'action comme le fut Jennifer Garner au temps de Alias.

A condition de ne pas réclamer du réalisme et de pardonner quelques facilités ou négligences, suivre Citadelle assure un excellent moment de détente, avec un dénouement tout à fait épatant. 

dimanche 28 mai 2023

LOVE & DEATH ou la promesse d'un Emmy pour Elizabeth Olsen


Le sous-titre de cette critique n'engage bien sûr que moi, mais ce ne serait que justice que Love & Death rafle quelques récompenses lors de la prochaine remise des Emmy awards. Car cette mini-série en 7 épisodes, créée par David E. Kelley et dirigée par Lesli Linka Glatter et Charles Johnson, est une fantastique adaptation d'une histoire vraie : celle de l'affaire Candy Montgomery, jugée en 1981 pour avoir tué la femme de son amant de 40 coups de hache !

Attention, ce qui suit contient des spoilers !


1978. Wylie, Texas. Candy Montgomery est l'épouse de Pat et la mère de leurs deux enfants. Mais elle n'est pas satisfaite par son existence et éprouve de l'attirance pour Allan Gore, un membre de la chorale de l'église dans laquelle ils chantent tous les deux. Elle a deviné que Allan n'est pas heureux dans son couple avec Betty, sur le point de donner naissance à leur second enfant, et elle lui avoue ses sentiments un soir sur le parking de l'église. Jackie, la pasteur et amie de Candy, tente de la dissuader de se lancer dans une aventure extra-conjugale - en vain. Après avoir planifié de longues semaines durant leur premier rendez-vous clandestin, Candy et Allan débutent leur liaison en Décembre.


Elle se poursuit pendant plusieurs mois, à une fréquence régulière, et ils deviennent de plus en plus intimes au point de tomber amoureux, la limite qu'ils s'étaient fixés avant de rompre pour ne pas détruire leurs couples. Mais après la naissance du bébé de Betty et Allan, il préfère en rester là et part à Dallas pour participer à un séminaire avec sa femme qui doit les aider à consolider leur vie conjugale. Jackie, la pasteur, quitte son poste et est remplacée par le jeune Ron Adams, froidement accueilli mais que Candy tente de faire accepter de la communauté de Wylie.


Octobre 1979. Allan rompt définitivement avec Candy. D'abord furieuse, elle se reprend et convainc son mari, Pat, d'assister au même séminaire qu'avaient suivi Betty et Allan. Betty commence à soupçonner que son époux a eu une aventure avec Candy tout comme Pat. Candy avoue tout à ce dernier qui lui pardonne mais veut à présent prendre ses distances avec les Gore, qui ne fréquentent plus l'église depuis l'arrivée du pasteur Ron Adams.
 

Le 13 Juin 1980, Candy se rend chez Betty pour prendre le maillot de bain d'Alysa, la fille des Gore qu'elle emmène à la piscine. Allan s'est absenté pour ses affaires et Betty demande à Candy si elle a une liaison avec lui - ce qu'elle reconnaît. S'absentant un moment, Betty réapparaît avec une hache et s'en prend à Candy. Durant toute la journée et la soirée, alors qu'il est dans le Minnesota, Allan cherche à joindre Betty et finit par demander à des voisins d'aller s'assurer que tout va bien. Ils trouvent son cadavre, sauvagement frappé à côté d'une hache. 


La police prévient Allan qui rentre en urgences. En apprenant que Candy a rendu visite à Candy, les policiers l'interrogent et comme Allan leur a avoués avoir une liaison avec elle, elle le reconnaît à son tour mais nie avoir assassiné Betty. Elle engage Don Crowder, membre éminent de la communauté de Wylie et avocat, pour la défendre, et elle lui dit avoir effectivement tué Betty, mais en état de légitime défense. Candy est arrêtée puis remise en liberté après paiement d'une caution. Les médias s'emparent de l'affaire, l'opinion accable Candy, et la communauté de Wylie se déchire. Don tente de dépayser le procès mais le juge Ryan s'y oppose.
 

A la surprise générale, lors de la sélection des jurés, Don déclare que Candy a bel et bien tué Betty mais pour se défendre. Afin de soutenir cette thèse, il emmène Candy chez un psychiatre réputé, le docteur Fred Fason, qui l'hypnotise et découvre qu'elle a réagi à l'attaque de Betty dans un phénomène de dissociation de la personnalité en réaction à un traumatisme survenu dans son enfance. Le procès commence mais l'attitude froide de Candy joue contre elle. Don découvre qu'elle prend des calmants pour ne pas flancher et lui interdit de continuer. Devant la cour, Don plaide donc pour un meurtre non prémédité tandis que la partie adverse insiste sur l'acharnement dont Candy a fait preuve pour tuer Betty. 
 

Don joue son va-tout en appelant Candy à témoigner et elle raconte sa version des faits puis fait face à un contre-interrogatoire musclé. Le Dr. Fason vient lui aussi à la barre et explique ce qu'il a découvert. Lors de sa plaidoirie, Don argumente en s'appuyant sur le diagnostic du psychiatre mais le réquisitoire est terrible. Contre toute attente, le jury se prononce rapidement et déclare Candy non coupable. Pat convainc sa femme de déménager et huit jours plus tard, ils quittent définitivement Wylie, après que Candy se soit arrêtée chez Allan pour s'excuser et lui souhaiter le meilleur.

Même si Love & Death affiche des précautions en précisant que certains événements ont été romancés et d'autres inventés pour les besoins de la dramatisation narrative, on suit les 7 épisodes de cette mini-série en étant captivé de bout en bout. Il faut dire que cette histoire est extraordinaire.

Je ne suis pas pourtant pas un fan des faits divers mais qu'importe, je n'ai pas voulu regarder Love & Death pour ça. Ce qui m'a motivé, c'est de revoir la trop rare Elizabeth Olsen après WandaVision et Doctor Strange in the Multiverse of Madness. L'actrice a récemment expliqué dans une interview pour la promotion de cette série qu'en signant pour plusieurs films avec Marvel, elle avait dû renoncer à de beaux rôles par ailleurs et qu'elle conseillait à quiconque voudrait s'engager dans le MCU de ne signer que pour un long métrage à la fois.

On peut aisément la comprendre car, d'une part, elle avait une carrière avant d'incarner Scarlet Witch et, d'autre part, parce que Kevin Feige a finalement peu exploité le talent de Olsen - à l'heure qu'il est, l'avenir de Wanda Maximoff est inconnu d'ailleurs.

L'histoire édifiante de Candy Montgomery a fait l'objet il y a quelques mois d'une autre série, produite et diffusée par, ironie du sort, Disney +, avec Jessica Biel dans le rôle. Je ne l'ai pas vu mais il n'y a aucune raison de douter de sa qualité car Biel a également prouvé qu'elle pouvait être remarquable dans un registre dramatique (il suffit de voir la saison 1 de The Sinner, disponible sur Netflix, pour en être convaincu). C'est un fait divers glaçant qui a de quoi fournir un script ambitieux.

Produite par le revenant David E. Kelley (souvenez-vous : Ally McBeal, The Practice mais aussi Big Little Lies, co-produit par Nicole Kidman, comme ici), Love & Death prend le parti de ne pas poser de jugement moral sur l'affaire. Cela donne une ambiguïté passionnante au récit et quand, dans son dernier tiers, on entre dans la partie procédurale du show, tout est fait pour présenter de manière équitable les deux aspects de l'affaire.

Bien entendu, le crime décrit est horrible, c'est une boucherie : 40 coups de hache infligés à une femme ! Mais Candy Montgomery n'a pas prémédité son acte, ce n'est pas un crime passionnel, et surtout le Dr. Fason, psychiatre sollicité par la défense, a découvert de manière troublante un trauma ancien lié à cette femme qui explique dans quelles conditions elle a trouvé la force de prendre une hache et de se déchainer sur la victime sans se rendre compte de ce qu'elle faisait, dissociant complètement son acte de sa volonté.

Le téléspectateur est donc en mesure de se faire sa propre opinion sur Candy Montgomery, de voir en elle un monstre capable d'une sauvagerie ahurissante ou quelqu'un dépassé par ce qui s'est produit. Est-elle une meurtrière glaçante ? Ou quelqu'un qui a craqué sous la pression sociale qu'on lui a imposée depuis son enfance, avec une mère l'obligeant à toujours faire bonne figure quelles que soient les circonstances ? 

Love & Death radiographie aussi une micro-société, celle de Wylie, avec une communauté très religieuse, mais également d'une hypocrisie grinçante, où la sexualité était réprimée mais où les ouailles de l'église pouvaient juger indigne d'elles un nouveau pasteur un peu trop zélé dans sa façon de prêcher la bonne parole. La responsabilité d'Allan Gore n'est pas non plus négligé : mari malheureux mais amant consentant, il a, comme Candy, trompé sa femme pour s'évader d'une vie de couple aliénante avant d'être rattrapé par la culpabilité et de revenir au foyer, sans se soucier du sort de sa maîtresse. Quand à Pat Montgomery, il est décrit comme un mari indifférent puis un soutien moral, même s'il finira par divorcer après le procès. Quant à Don Crowder, il saisit l'affaire du siècle mais n'écoute pas son épouse quand elle le met en garde contre le danger d'être hanté par ce dossier - elle a raison : il se suicidera en 1998 après avoir tenté de devenir gouverneur du Texas.

Cette romance tragique qui a abouti à un crime sanglant illustre parfaitement comment une affaire somme toute banale d'adultère brise plusieurs vies et déchire une communauté, embrase un pays, puis tombe dans l'oubli, balayé par un autre fait divers.

Le choix des acteurs est décisif et le casting est irréprochable, même si, à l'évidence, la production n'a pas cherché à recruter des interprètes qui ressemblent absolument aux véritables protagonistes. Jesse Plemons (M. Kirsten Dunst, vu dans la saison 1 de Fargo) est fabuleux, tout comme Tom Pelphrey (Iron Fist) ou Patrick Fugit (l'ex-gamin de Presque Célèbre). Lily Rabe incarne Betty Gore de manière exemplaire, à la fois horripilante et pathétique puis sacrificielle. Krysten Ritter hérite d'un rôle plus ingrat (la meilleure amie de Candy, trop en retrait).

Mais celle qui, évidemment, attire tous les regards est Elizabeth Olsen. Sa prestation, magistrale, vertigineuse, mérite d'être récompensée par un Emmy lors de la prochaine édition de cette remise de prix. Elle convie un maximum de sentiments et d'émotions avec un jeu d'une finesse extraordinaire, passant de la fébrilité de la femme infidèle au bonheur de l'épouse délaissé enfin aimée à nouveau jusqu'à l'accusée complètement à côté d'elle-même lors d'un procès où on se demande si elle n'a pas tout fait pour être jugée coupable. Olsen est une comédienne hors du commun qui n'a pas la reconnaissance qu'elle mérite (et qui songe d'ailleurs à ne plus se consacrer uniquement à son art, ce qui serait désolant). C'est aussi pour ça qu'il faut que ses pairs l'honorent.

Love & Death marque durablement, de façon tranchante mais nuancée. Vivement recommandé donc.

samedi 27 mai 2023

NIGHTWING #104, de Tom Taylor et Travis Moore


Nightwing #104 marque la fin de l'arc qui a servi de prologue à la relance de la série Titans, également écrite par Tom Taylor et dont le n° 1 est sorti la semaine dernière. Le scénariste conclut cette histoire sans éclat et il est regrettable comme d'habitude avec lui que ce soit l'habitude. Travis Moore termine son intérim avec classe avant le retour de Bruno Redondo le mois prochain.


Doté par Neron de pouvoirs pour deux heures, Nightwing renonce à les utiliser contre son adversaire et préfère demander conseil à Superman. Il part ensuite aider les Titans sur l'île de Themyscira et sauver Olivia Desmond, qui sera confiée aux amazones...


Commençons par parler de ce qui va se passer le mois prochain et ensuite : en Juillet et Août nombres de séries vont se mettre en pause pour s'aligner sur l'event Knight Terrors, écrit par Joshua Williamson et qui va confronter plusieurs personnages à leurs pires cauchemars. Nightwing fera partie du lot et donc la série reprendra ses droits en Septembre au n°106.


Ce qui signifie que le n°105 sera le dernier avant ce break et pour l'occasion Bruno Redondo sera de retour au dessin pour un épisode très spécial, entièrement raconté du point de vue de Nightwing (en caméra subjective donc), un exercice de style à la manière du n°87 (avec ce plan-séquence unique).


Je pense que j'écrirai à cette occasion ma dernière critique sur la série puisque je n'ai pas l'intention de la poursuivre (et que je vais également zapper les épisodes tie-in à Knight Terrors). J'avais décidé d'accorder une dernière chance à Tom Taylor sur Nightwing après le #100, mais ça n'a pas été concluant.

En parlant encore de calendrier, on notera la bizarrerie de celui de DC qui a donc relancé Titans une semaine avant Nightwing #104 qui lui sert pourtant de rampe de lancement. L'arc qui se termine aura en effet vu les Titans s'inviter dans les pages des aventures de Nightwing de manière curieuse et pour une intrigue qui a fait long feu.

C'est aussi un bon résumé de tout ce qui cloche avec Tom Taylor, auteur plus à l'aise avec des histoires hors continuité, où son imagination débridée est plus inspirée. Jamais, avec Nightwing, il n'a semblé en mesure de proposer des arcs narratifs aussi inventifs, aussi libérés, même si son affection pour le personnage est sincère et qu'il a contribué à le remettre sur de bons rails.

Mais, comme je l'ai (trop ?) souvent écrit, Nightwing par Tom Taylor souffre trop de la comparaison avec ses modèles plus ou moins déclarés, comme Daredevil (période Waid/Samnee) ou Hawkeye (période Fraction/Aja). Le fait que DC ait voulu par-dessus le marché suspendre la publication de Justice League et faire des Titans la nouvelle équipe première de super-héros de leur univers, avec Nightwing comme symbole de Dawn of DC, a placé Taylor dans le rôle d'un scénariste leader au même titre que Joshua Williamson.

Il ne fait pourtant aucun doute qu'avant la fin 2023 un relaunch de Justice League sera mis en route et les Titans seront à nouveau à la seconde place qu'ils ont souvent occupée dans la hiérarchie du DCU, un peu comme les New Mutants n'ont jamais remplacé les X-Men.

Pour en revenir à ce #104, Taylor expédie le dénouement de son récit avec une désinvolture proche du complet je-m'en-foutisme. Pourvu de pouvoirs par Neron, Nightwing fait des allers-retours Themyscira-Metropolis (pour demander à Superman que faire des talents offerts par le maître des bas-fonds). Cela donne lieu à une scène dont on hésite à dire si elle est sympathique ou grotesque, car si la relation Superman-Nightwing a souvent été exploitée par les auteurs, elle ne fait ici que souligner l'évidence (c'est-à-dire que Nightwing ne se laissera jamais déborder par le pouvoir). Les Titans sont réduits à de piteux soldats incapables de s'en sortir sans leur leader temporairement doté de capacités extraordinaires.

Je vous passe le reste, qui est aussi croquignolet avec la gamine Desmond et un cliffanger avec Raven qui n'intéressera que ceux qui lisent le relaunch de Titans (ce qui n'est pas mon cas). Tout Taylor est concentré dans cette vingtaine de pages, avec à la fois cette naïveté mais aussi cette incapacité à conclure dignement. On reprochait beaucoup ça à Bendis dans le temps, qui démarrait fort mais ne savait pas finir, mais au moins Bendis, dans ses bons jours, imaginait des histoires moins fumeuses (je sais qu'en écrivant ça, beaucoup ne seront pas d'accord, mais prenez ça pour de la nostalgie de fin de semaine puisque Bendis publie désormais dans l'indifférence générale, y compris la mienne).

Visuellement, c'est au moins joli et c'est grâce à Travis Moore, le fill-in de luxe, qui vaut bien mien mieux que Geraldo Borges (qui est aillé grossir les rangs des séries créées par Kyle Higgins chez Boom ! Studios). Il y a une certaine fadeur chez ce dessinateur, au demeurant très doué, solide techniquement, mais il mériterait mieux que de jouer les remplaçants pour des collègues qui ne tiennent pas leurs délais. C'est propre, élégant, efficace en tout cas, avec un découpage toujours impeccable, des personnages beaux, des compositions soignées. La critique glisse sur Travis Moore simplement parce qu'il fait le job et il le fait bien consciencieusement.

Un dernier mot encore. J'ai bien en tête que la lecture de critiques comme celles de cette semaine n'a rien de très distrayant, mais je refuse de mentir sur mon ressenti. Il n'y a pas eu de très bons comics sortis ces mardi et mercredi et c'est aussi frustrant pour moi car je sais après les avoir lu que je n'aurai pas d'articles captivants à rédiger. La semaine prochaine aussi, la moisson risque d'être maigre, avec peu d'achats de mon côté. Mais les comics fonctionnent par cycles, et si ce n'est pas très excitant en ce moment, la roue finira par tourner.

vendredi 26 mai 2023

THE AMBASSADORS #5, de Mark Milar et Matteo Buffagni


C'est déjà le pénultième épisode de The Ambassadors et même si on retrouvera ces héros dans le crossover festival Big Game, il subsistera quelque chose de frustrant dans ce projet de Mark Millar. Tout ça ne ressemble qu'à un vaste prologue pour la suite. Cette fois, c'est au tour de Matteo Buffagni (Prodigy : The Icarus Society) de se charger de la partie graphique, et c'est donc encore une fois très beau et efficace.


"Big" Boy Taylor, contrairement aux précédentes recrues de Choon-He Chung, candidate spontanément pour intégrer l'équipe. Très malade, il veut une seconde chance après une carrière sportive comme rugbyman et politique comme premier ministre de l'Australie. Mais des déclarations racistes et homophobes de sa part pourraient compromettre ses chances. Sauf qu'il a un atout dans sa manche...


Imaginons un peu comment The Ambassadors aurait pu être moins frustrant. C'est assez simple mais c'est un jeu auquel je m'adonne parfois en me rappelant que j'ai également écrit des scénarios dans une autre vie. Il n'est bien sûr pas question de prétendre donner des leçons à quiconque, Mark Millar est un auteur expérimenté, qui n'a pas besoin de moi. Mais amusons-nous quand même.


Le principe de cette série, c'est qu'à chaque épisode on fait la connaissance d'un individu sélectionné par une scientifique géniale qui a décrypté le "super code" et peut donc doter de super-pouvoirs ceux qu'elle estime en mesure de faire le bien. Et chaque chapitre est illustré par un grand dessinateur.


Millar a aussi pensé son histoire en voulant démontrer que les super-héros ne sont pas l'exclusivité de l'Amérique du Nord et puisqu'il travaille pour Netflix qui produit et fournit des programmes pour le monde entier, il sait aussi qu'il peut être judicieux de gagner des lecteurs en s'adressant à des publics que les comics ignorent souvent.

L'inconvénient de cette construction, c'est que l'intrigue ne progresse pas suffisamment. Millar prend son temps pour caractériser ses Ambassadors et ne consacre que une ou deux pages par épisode pour traiter d'une menace qui compromettrait le projet de Choon-He Chung, leur fondatrice - menace d'ailleurs sommaire, peu originale : l'ex-mari de Choon-He, Jin-Sung, copie ses travaux et monte une équipe concurrente.

Si on voulait dynamiser cela, faire progresser l'intrigue sans sacrifier les personnages, leur présentation, le recrutement, Millar aurait pu commencer par leur consacrer moins de pages, ce qui dans certains cas aurait abouti à des épisodes plus nerveux. Trop souvent Millar a traîné pour le simple plaisir d'un twist de dernière minute (le nombre d'années passées dans le coma pour le candidat coréen, le nombre d'opérations menées par la mère et son fils français, le retournement de situation au profit de la recrue brésilienne).

Cela n'aurait pas empêché Quitely, Kerschl, Charest et Coipel de signer un épisode entier, mais cela leur aurait surtout permis de signer chacun un épisode bien plus dense et tonique. Ôtez par exemple le trop long prologue du premier épisode (avec la description de la propagande américaine pour faire croire aux russes qu'un super-héros U.S. existait) et franchement ça fonctionnait aussi bien. Parfois, le hors champ est même plus fort : ainsi les origines du héros coréen délestées de l'attentat dans lequel il s'est sacrifié pour sauver celle qu'il aimait auraient pu être relatées en moins de pages, voire uniquement dans un dialogue sans perdre de sa force. Idem pour l'intro de l'épisode parisien quand la mère révèle à son fils avoir été choisie comme membre des Ambassadors.

Parfois aussi, ce n'est pas le début qui a alourdi l'épisode mais la fin, comme dans le n°4 où l'Ambassador brésilien se venge sur trop de pages juste parce qu'on devine que Millar a voulu offrir un morceau de bravoure à Olivier Coipel. La série n'est pas mauvaise ni mal écrite, mais mal équilibrée dans sa construction, dans la structure de chacun de ses épisodes.

Et on le remarque d'autant plus avec ce cinquième épisode qui, comme par magie, au moment où on n'en attendait plus rien, se révèle une belle mécanique, bien huilée, parfaitement dosée. Encore une fois Millar fait preuve d'originalité dans le profil du nouvel Ambassador : ex-rugbyman, ex-Premier Ministre, "Big" Bob Taylor est un personnage charismatique, hors du commun, avant même de posséder des super pouvoirs. Il n'est pas non plus irréprochable (et on notera d'ailleurs une rupture depuis l'épisode 4 car la première moitié de la série présentait des individus sympathiques, puis beaucoup moins).

Mais il est plein de ressources et surtout pressé car mourant. Il trouve le moyen de convaincre Choon-He Chung de le choisir et fait ses preuves sur une mission de sauvetage en montagne qui est rondement menée. Matteo Buffagni est peut-être de tous les artistes engagés sur la série le moins célèbre, le moins fameux (il faut dire qu'il passe après des poids lourds et avant Matteo Scalera, qui se pose aussi là). Mais ça ne signifie pas qu'il mérite moins d'attention que ses collègues ou que son travail est moins abouti. Au contraire.

Le découpage est très rythmé et d'une lisibilité impeccable. Buffagni excelle dans la composition d'images spectaculaires mais toujours proche des personnages, personnages qui ont une carrure, un charisme immédiat. "Big" Bob Taylor est aussi mémorable par son aspect qui tranche avec le reste du casting puisqu'il s'agit d'un homme âgé, d'abord diminué par la maladie puis ragaillardi par les ressources auxquelles il a accès (tous les Ambassadors sont comme Néo dans Matrix, disposant d'une batterie de pouvoirs, mais ne pouvant en utiliser qu'un à la fois).

Au cours de sa mission, Taylor va croiser la route d'un autre surhomme et déjà c'est un premier indice, placé plus tôt que d'habitude sur l'existence d'autres individus dotés de pouvoirs et qui n'appartiennent à aucun camp connu. Puis ensuite l'épisode se conclut avec Jin-Sung Chung, l'ex-mari de Choon-He, et là aussi on voit plus clairement ce qu'il a mis en marche, de façon impressionnante, avec la confirmation de ce qu'on supposait déjà (il a un espion au sein des Ambassadors).

Millar réussit cette fois ce qu''il a trop traîné à faire précédemment, en accordant plus de pages à ce qui menace les Ambassadors, à (au moins) un autre surhomme indépendant. Que cela se produise seulement un épisode avant la fin de la série, c'est vraiment dommage. Mais bon, mon hypothèse, c'est que Jin-Sung va faire partie de la clique des méchants de Big Game (avec Wesley Gibson, la Fraternité, Nemesis) et que donc les Ambassadors seront dans le viseur avec tous les autres héros du MillarWorld...

Rendez-vous pour la fin dans quinze jours, avec Matteo Scalera au dessin cette fois.

jeudi 25 mai 2023

GUARDIANS OF THE GALAXY #2, de Collin Kelly & Jackson Lanzing et Kev Walker


Ce deuxième épisode de Guardians of the Galaxy est sorti la semaine dernière mais je l'avais mis de côté après été voir Les Gardiens de la Galaxie vol. 3 de James Gunn. Je voulais le lire à tête reposée sans penser au film. Collin Kelly et Jackson Lanzing se démarquent nettement de ce qu'a fait James Gunn et même des autres auteurs sur la série avant, tout comme visuellement Kev Walker apporte une vision singulière. Mais ça n'empêche pas quelques reproches...


Star-Lord et Mantis rencontrent Krakeen Toreth, un ami de longue date de Peter Quill à qui il remet un message provenant de Spartax. Les deux Gardiens évoquent la menace de Grootfall. Mais Krakeen refuse de déplacer ses troupes face à l'ennemi. Ennemi qu'abordent Nebula et Gamora pour lui voler du Mysterium...


Le mois dernier, la relance de Guardians of the Galaxy en mode western cosmique a pu dérouter mais il faut reconnaître que Collin Kelly et Jackson Lanzing nous embarquaient dans une histoire intrigante menée tambour battant, qui tranchait avec tout ce qu'on avait lu avec ces personnages.


On était donc en droit d'espérer que l'épisode de ce mois-ci allait en dévoiler un peu plus sur plusieurs points : qu'était-il arriver à Groot ? Où était passé Rocket Raccoon ? Que faisait Nebula dans l'équipe ? Pourquoi Mantis en faisait-elle à nouveau parti ? C'est donc assez légitimement qu'on est déçu et frustré que les deux scénaristes ne proposent rien de tel.


En effet, au lieu de ça, on a droit à un épisode qu'on peut facilement juger dispensable puisqu'il ne fait pas progresser l'histoire d'un iota, ne dévoilant rien des mystères montrés dans le premier numéro. Comme si, déjà, les auteurs tiraient sur la corde, gagnaient du temps. Un comble.

Pourtant, il serait injuste et précipité de s'emporter car en examinant les sollicitations pour les prochains épisodes (les annonces des publications Marvel pour Août prochain sont tombées), on se rend compte que tout a l'air de bouger et donc nous devrions être bientôt affranchis sur ce que Kelly et Lanzing ont concocté.

Pour l'heure donc, on a droit à un épisode en narration parallèle avec, d'un côté, Peter Quill, accompagné par Mantis, qui avertit un vieil ami, Krakeen Toreth de la menace de Grootfall et lui conseille de quitter les positions qu'il tient avec ses troupes militaires s'ils ne veulent pas être détruits. De l'autre, Nebula entraîne Gamora chez les ennemis de Krakeen, moins pour les convaincre de s'en aller eux aussi que pour leur dérober du Mysterium qu'elles comptent revendre pour s'approvisionner en carburant.

Sur cette deuxième partie, les lecteurs de SWORD se rappelleront du Mysterium, ce minerai découvert par l'équipe d'Abigail Brand, dans la série éponyme d'Al Ewing et Valerio Schiti, et qui assure une nouvelle fortune aux mutants. On est dans la configuration d'un hold-up mené par deux femmes qui n'hésitent pas à tuer quiconque se dresse sur leur chemin pour récupérer ce qu'elles convoitent. La représentation de leur violence est atténuée par les dessins de Kev Walker qui forcent les expressions et expédient la bagarre dans des planches découpées volontairement grossièrement. Il ne cherche pas à rendre les deux héroïnes séduisantes, d'ailleurs Nebula n'a plus grand-chose d'humain comme ses adversaires.

Dans la première partie, Star-Lord et Mantis font face à Krakeen qui a l'aspect d'un homard rouge imposant. Là encore, Kev Walker a recours à un design qui empêche toute identification pour le lecteur et en conséquence lui fait prendre fait et cause pour les deux Gardiens. Quand le ton monte, on espère que les héros s'en sortent et tant pis pour le militaire ami de Peter Quill.

Ceci pris en compte, reste qu'on ne saisit pas vraiment l'utilité toute simple de consacrer un épisode à une mission de sauvetage qui tourne court ou au vol d'un minerai précieux et rare, surtout face à des individus qu'on n'a jamais vus auparavant et qu'on ne reverra jamais après. Au contraire du village où sont intervenus les Gardiens le mois dernier, on se fiche totalement du sort auquel se condamnent ces deux camps en guerre dans un coin perdu de l'univers. Grootfall peut bien les détruire que ça n'empêchera personne de dormir.

A cet égard, la situation de Drax, qui refuse de suivre une ou l'autre des délégations des Gardiens, et n'intervient que pour couvrir ses amis quand ils regagnent leur vaisseau sous les tirs des deux belligérants, traduit bien le sentiment du lecteur, spectateur d'une histoire dont il se fiche éperdument.

In fine, le seul élément qui justifie cet épisode est peu mis en valeur et on pourrait même l'oublier complètement si la dernière page ne nous le rappelait pas. Krakeen remet à Star-Lord un courrier provenant de Spartax (la planète de son père) et à la toute fin donc, on voit Quill le lire et prendre un air inquiet. Mais là aussi, Lanzing et Kelly, inexplicablement, ne nous en disent pas plus, on ignore la teneur du message, et donc la raison de l'inquiétude de Star-Lord (même si on devine que c'est en lien avec Grootfall, mais ce n'est qu'une hypothèse étant donné que Spartax n'est pas du tout dans le secteur où les Gardiens attendent Grootfall).

On n'est donc pas loin de l'épisode pour rien. Ou du moins d'un épisode pour quelque chose mal mis en scène et qui ne justifiait pas vingt pages même mouvementées. On va donc espérer que le prochain numéro sera plus consistant et plus en relation avec la transformation terrifiante de Groot.

mercredi 24 mai 2023

JUSTICE SOCIETY OF AMERICA #4, de Geoff Johns, Mikel Janin et Jerry Ordway

 

Deux mois ont passé depuis la parution du précédent numéro de Justice Society of America, mais (normalement), on devrait lire le n°5 le mois prochain (et le 6 en Juillet). Il faut vraiment espérer que la périodicité de la série soit plus ponctuelle car cela rendrait sa lecture plus agréable. Geoff Johns réussit sans doute son meilleur épisode, même s'il est frustrant. Mikel Janin s'acquitte lui de (presque) toutes les planches, à l'exception de deux qui sont signées par Jerry Ordway, toujours irréprochables.
  


Le détective Chimp et Deadman ont abouti le globe quantique de Huntress à Madame Xanadu pour qu'elle tente d'y lire l'avenir. Cependant, au QG de la JSA, Per Degaton affronte l'équipe sans réussir à neutraliser Huntress et Doctor Fate. Mme Xanadu, Deadman et Chimp arrivent ensuite mais Power Girl interrompt la réunion de crise...


Je ne crois pas me mouiller beaucoup en annonçant, après avoir lu ce quatrième épisode de Justice Society of America, et donc avoir atteint le premier tiers de l'histoire, que Geoff Johns ne fera pas mieux que ses deux précédents passages sur le titre. Et les raisons ne manquent pas pour être aussi affirmatif.


Cela ne signifie pourtant pas que le scénariste, qui fut autrefois le grand architecte du DCU, fasse du mauvais boulot. Mais ça ne suffit pas non plus pour dire qu'il aboutit à quelque chose de concluant. En fait, le souci qu'on a avec ce projet ressemble à celui qu'on avait en lisant Flashpoint Beyond : où situer cette mini-série ? Comment l'appréhender ? Et la critiquer, justement ?


En parlant du dernier épisode de Batman - Superman : World's Finest, j'expliquai en quoi, selon moi, ce que Mark Waid et Dan Mora faisaient résumait ce que propose Dawn of DC, le nouveau statu quo mis en place après l'event Dark Crisis (on Infinite Earths) : cette volonté de l'éditeur de donner aux fans des héros plus positifs et surtout à nouveau accessibles, sans se débarrasser de la continuité mais sans non plus écraser quiconque avec.

Tout cela est contredit par Justice Society of America, pur produit "Johnesque" où l'intrigue repose sur un vilain qui se déplace dans le temps pour éliminer la première équipe de super-héros du DCU. Les épisodes sont traversés d'éclairs de violence, d'images brutales, en rupture avec la tonalité plus lumineuse de beaucoup de titres actuels chez DC. C'est comme si Geoff Johns écrivait à contre-courant, mais sans qu'on sache si c'est pour se distinguer ou par provocation ou par passéisme.

En tout cas, l'impression qui s'en dégage est suffisamment curieuse pour qu'elle interroge sur la situation de cette mini-série qui semble hors-continuité, tel un "elseworld" ou une production DC Black Label, tout en voulant malgré tout s'inscrire dans le grand tout du DCU. Ainsi Johns a ajouté des éléments divers (nouveaux personnages, rétro-continuité, voyages temporels) comme autant de façons d'imprimer encore sa marque sur un ensemble dont il n'est plus le chef d'orchestre.

On peut donc légitimement douter que quiconque prenne en compte ce qu'il ajoute. Mais on peut aussi se poser la question, plus importante, de savoir à qui Johns s'adresse. Mon sentiment, c'est que son destinataire est le fan de Geoff Johns plus que le lecteur lambda, car si vous n'avez pas lu Flashpoint, Flashpoint Beyond, Doomsday Clock (et moi-même je n'ai pas lu tout cela), alors plusieurs points vous laisseront sur le bas-côté. 

Dans ces conditions, ne serait-il pas plus avisé pour Johns de développer son propre pré carré, comme Sean Murphy avec ses titres estampillés White Knight, un bac à sable privé où il peut réécrire l'histoire, les personnages à sa guise, plutôt que d'enrichir une mythologie déjà bien peuplée et qui échappe au commun des lecteurs ?

Comme je l'écris plus haut, Justice Society of America #4 est sans doute le meilleur épisode depuis le début de cette mini-série. On a tout ce qu'on peut venir y chercher : des interactions dynamiques entre les personnages, de la baston, de nouvelles pistes narratives, un cliffhanger efficace... Mais c'est plutôt la façon dont Johns distribue ses cartes qui trouble. En effet, la seule scène d'action, opposant la JSA actuelle avec Per Degaton dans le QG des héros, ne dure que huit pages. Elles sont proprement animées par le dessin de Mikel Janin qui nous gratifie d'une double page et d'une pleine page et d'un découpage tonique. La manière dont Degaton neutralise la plupart de ses adversaires est maline et bien mis en valeur à l'image tout comme la réplique des deux seuls héros qui échappent à ses assauts.

On peut être frustré par la brièveté de ce combat qui aurait pu (dû ?) être plus long, plus spectaculaire, plus épique, car teasé depuis quasiment le début. Mais il faut s'en contenter et le brio visuel de Janin est satisfaisant malgré tout. Tout comme il l'est quand il illustre l'ouverture de l'épisode chez Mme Xanadu avec de fort beaux cadrages chantournés, ou plus tard avec cette courte scène entre Power Girl et Huntress sur fond de soleil couchant, ou encore avec la scène finale qui prépare à une rencontre accrocheuse...

Jerry Ordway doit se contenter de deux pages : une splash assez lugubre et sanglante et une autre dispensable, soulignant ce que tout le monde comprend tout seul. Mais Ordway est impeccable quelle que soit la place dont il dispose.

On a aussi le fin mot du plan de Degaton enfin révélé. Et à ce sujet, s'il faut encore huit épisodes pour savoir s'il l'accomplira ou comment la JSA (quelle que soit la formation, quelle que soit l'époque) l'en empêchera, ça risque d'être un peu longuet quand même. Johns agrémente ce programme déjà improbable de secrets concernant Dr. Mid-Nite (Elizabeth Chapel) et Wildcat II (Yolanda Montez) en relation avec les conséquences de Lazarus Planet (et là, j'avoue avoir été complétement paumé). Toujours cette impression d'une série le cul entre deux chaises, avec Johns qui, d'un côté, joue avec des noms que lui seul connaît (the Witch Girl) et des faits qu'il emprunte à un event récent. C'est... Compliqué.

Je doutais il y a deux mois d'aller au-delà de ce quatrième épisode, envisageant de rédiger une critique globale de la mini-série une fois qu'elle sera achevée. Mais finalement je vais persévérer en espérant que les prochains numéros sortiront à l'heure et en souhaitant que Johns me prouve que son histoire en vaille la peine. Croisons les doigts.

lundi 22 mai 2023

FLORIDA MAN ne sait plus où donner de la tête


Aujourd'hui, je vous recommande une de ces pépites pas forcément mise en avant par Netflix et qui vaut pourtant le détour. Florida Man est une série en sept épisodes qui ravira tous ceux qui aiment les comédies policières avec un scénario bien dense et loufoque. Créée par Donald Todd et mise en ligne le mois dernier, on ne sait pas trop où on met les pieds en démarrant la lecture mais on la finit ravi.


Son addiction au jeu a ruiné la carrière de policier et la vie de couple de Mike Valentine. Le jeune caïd de la pègre, Moss Yankov, a racheté ses dettes et l'a engagé comme chauffeur sans savoir que Mike allait devenir l'amant de sa copine, la magnifique Delly West. Mais quand celle-ci disparaît sans explication, Moss envoie Mike la retrouver et il pense savoir où elle est allée : en Floride. Problème : c'est là que vit la famille Valentine avec laquelle Mike a coupé les ponts.


Si Mike sait où est allée Delly et la retrouve rapidement d'ailleurs, en graissant la patte de quelques-uns ou en faisant quelques promesses à d'autres sur place, c'est parce que la jeune femme lui avait confié avoir entendu Gil Franco, un autre joueur qui devait de l'argent à Moss, parler d'un trésor avec lequel il comptait le rembourser. Mais Franco est retrouvé mort, démembré par Iris, l'ex-femme de Mike, convaincu qu'il est impliqué et qui tente, en vain, de convaincre sa supérieure de la laisser partir enquêter à Orlando.


Le retour à Orlando de Mike fait plaisir à sa soeur, Patsy, mais pas à son père, Sunny, un ancien flic. Or, sans prévenir Mike, Delly s'est adressée à Sunny pour trouver et et récupérer le trésor. Mike, lui, préfère obtenir des informations auprès de Deacon, son beau-frère, dont l'entreprise va prochainement reboucher la doline au fond de laquelle gît le magot. Ces manoeuvres peu discrètes des Valentine intriguent le shérif Andy Boone et la journaliste Kaitlin Fox, persuadés que cela cache une affaire encore plus louche.
 

A Philadelphie, Moss organise des funérailles pour Delly après que Mike l'ait appelé pour lui dire qu'elle était morte dans un accident tandis que Iris désobéit aux ordres et s'envole pour la Floride. Là-bas, l'opération de renflouage du trésor se complique à mesure que le nombre de complices (des amis de Sunny) augmente. Intrigué que Mike ne rentre pas, Moss contacte Marvin, un ami sur place, pour qu'il le localise. Mike le repère en train de le suivre et tente d'acheter son silence mais la négociation dégénère quand un associé de Sunny s'en mêle et tue Marvin.


Quelques années auparavant, après les obsèques de son père, Delly apprend par sa mère qu'il devait de l'argent au père de Moss. Elle entreprend de le venger mais c'est trop tard car le père de Moss décède et son fils reprend la direction de son business. Delly le séduit mais tombe sous le charme et ne peut se résoudre à l'éliminer. Jusqu'à ce qu'elle entende Gil Franco évoquer le trésor avant que Moss ne le liquide. Elle décide alors de filer récupérer le magot en invitant Mike à la rejoindre et maquille sa mort en accident avec la complicité d'un ambulancier qu'elle soudoie. Iris coince Delly chez Sunny et glisse un micro dans son sac à main, ce qui la conduit jusqu'à Mike.


Sans nouvelles de Marvin, Moss fait le voyage jusqu'à Orlando pour s'expliquer directement avec Mike. Il découvre que Delly n'est pas morte et apprend pour le trésor. Il s'invite chez Patsy pour un dîner de famille au terme duquel il suit Sunny et Mike jusqu'à la doline. Mais le shériff Boone arrête Mike et Sunny en route. Iris, qui les suivait tous, va prévenir les complices de Sunny qui, ne la reconnaissant pas, tente de l'éliminer. Elle en tue un avant d'être blessée.


Moss paie la caution de Mike et avec Delly, ils gagnent la doline pour renflouer le trésor qui dort à l'intérieur d'un fourgon. Quand Mike l'ouvre, le magot a disparu. Moss menace Mike qui se jette sur lui. Delly récupère l'arme de Moss et l'abat. C'est alors que l'agent de police Fletcher débarque : en vacances en Floride, il court après son pistolet qu'il avait mis en gage pour s'acquitter d'une dette auprès de Moss. Il accepte de fermer les yeux sur le meurtre de ce dernier s'il récupère son flingue. Mike reçoit un appel de l'hôpital qui le prévient de l'admission de Iris et file.
Quelque temps après, Mike a repris le restaurant familial de son père. Il consulte le GPS de son bateau et refait son dernier trajet, aboutissant à une marina où mouille un yacht. A l'intérieur, il trouve le trésor qu'avait récupéré Sunny la veille du renflouage... Et Delly, qui l'a suivi et avec laquelle il décide de partir.

Si Florida Man avait été produit il y a 15-20 ans, ç'aurait été non pas une série limitée de sept épisodes mais un feuilleton avec des saison de 20 chapitres. Car ce qui frappe avec cette création Netflix, c'est la densité étonnante de son scénario, qui donc, par le passé, aurait alimenté cette production pour plusieurs années.

Mais il n'y a pas que ça qui donne à Florida Man ce petit côté rétro. En effet, le show créé par Donald Todd investit le registre de la comédie criminelle avec brio. On n'est en vérité pas si loin de Fargo, à la fois le film des frères Coen et la série qui en est dérivée par Noah Hawley. Avec son intrigue tortueuse au casting riche, cette mini-série ne souffre pas de la comparaison.

Enfin, si vous êtes amateur de polars et spécialement de la littérature écrite par Donald Westlake ou Elmore Leonard, alors Florida Man devrait vous séduire avec sa galerie de personnages haut en couleurs, ses dialogues débités à toute allure, ses rebondissements excentriques, et en définitive sa résolution aussi malicieuse qu'aboutie.

Pourtant je n'avais pas prévu du tout de m'intéresser à cette série. Je cherchais quelque chose de plaisant à regarder en attendant la fin d'une autre production (dont j'aurais l'occasion de vous parler le moment venu) et c'est l'affiche qui m'a intrigué. Que signifiait-elle, que cachait-elle ? Et comment interpréter ce titre ?

J'ai alors fait la connaissance de Mike Valentine, ses amours, ses emmerdes, et son mantra : "I can handle this" (autrement dit : "je peux arranger ça"). Evidemment, malgré son esprit plein de ressources, vous pouvez être sûr que quand il dit ça, non seulement il ne va rien arranger mais au contraire encore plus compliquer la situation, mais surtout énerver tous ceux à qui il le dit et qui se doutent bien que malgré toute sa bonne volonté, ça ne va faire qu'empirer.

Pourtant il est impossible de ne pas sympathiser avec cet ex-flic devenu chauffeur d'un mafieux à cause de son addiction au jeu et des dettes qu'il a contractées. Il a déjà beaucoup perdu : son métier, son couple (avec une collègue, qui veille sur lui comme le lait sur le feu, sachant qu'il s'attire les ennuis facilement), et il s'est brouillé avec sa famille. Sur ce dernier point, cependant, la raison est plus douloureuse et explosera au moment le plus inattendu (quand justement il essaiera d'arranger les choses pour un autre affaire) dans un groupe de parole. On découvre alors la triste histoire qui a miné la confiance d'un fils pour son père, lequel était accablé par la maladie de sa femme et avait consenti pour elle à un geste terrible (je n'en dis pas plus, mais vous serez cueillis par cette scène).

Florida Man manie tous les clichés du genre en l'assumant : il y a donc le loser magnifique qui croit tout contrôler et à qui tout échappe, la femme fatale, la figure paternelle obsédante, la femme flic pugnace, le caïd aussi bête que méchant... Et le cadre de la Floride, avec son côté exotique qui dissimule des combines crapoteuses (qui finiront pas rattraper un des personnages principaux). C'est superbement filmé, photographié, monté, on ne s'ennuie jamais. Et je le répète, c'est tellement riche narrativement que ça aurait pu fournir assez de matière pour le double d'épisodes. Mais ça réussit à passer sans être jamais indigeste grâce à une construction très habile, avec des retours en arrière, des scènes racontées selon plusieurs points de vue, une caractérisation fouillée.

Le casting ajoute à la qualité de l'ouvrage. Edgar Ramirez (qui avait joué le rôle du terroriste Carlos dans le film éponyme d'Olivier Assayas) incarne Mike Valentine avec sobriété, conscient qu'il a là un rôle en or qu'il ne faut surtout pas surjouer. Anthony LaPaglia (que j'avais beaucoup aimé il y a quelques années dans F.B.I. : Porté disparu) est excellent en père bourru et filou. La superbe Lex Scott Davis est impeccable dans le rôle d'Iris, cette flic têtue. Et quelle bonne surprise de revoir Emory Cohen, lui qui avait disparu des écrans après le formidable The Place beyond the pines (David Cianfrance, 2012) !

Mais celle qui vole la vedette à tout ce beau monde, c'est Abby Lee Kershaw. Cette mannequin et actrice, d'une beauté à tomber à la renverse, vampe tous les hommes et s'impose comme la vraie star du show. Aguicheuse, manipulatrice, fébrile, insaisissable, elle est sensationnelle dans la peau de Delly West.

Ah, et que je n'oublie pas de mentionner Clark Gregg (Agents of SHIELD) dans un rôle en pointillés mais absolument irrésistible. Je vous défie de deviner quel est son rapport avec toute l'histoire avant le dernier épisode !

Bref, Florida Man, c'est vraiment une sacrée affaire. Ne passez pas à côté de cette perle rare.