Le Hellfire Gala se poursuit cette semaine avec trois nouveaux chapitres, mais j'ai choisi de consacrer une critique à part pour le sixième épisode de S.W.O.R.D., écrit par Al Ewing et dessiné par Valerio Schiti, car il représente une étape importante dans l'event et pour la suite de la franchise. Attention : spoilers !
Après le feu d'artifice, Captain America et Dr. Fatalis échangent sur ce à quoi ils viennent d'assister. Pour Steve Rogers, c'est une avancée considérable mais qu'il veut considérer positivement. En revanche, Victor Von Doom n'entend pas se subir la loi des mutants.
Cependant, dans la station du Pic, Abigail Brand a convoqué le conseil intergalactique au sujet de la situation, mais surtout à propos du Mystérium, ce métal aux propriétés exceptionnelles que le SWORD a récupéré et qu'elle est prête à distribuer à ses alliés.
Tout le monde est intéressé, sauf l'empire du Wakanda. Nova s'interroge sur le prix à payer. En effet, comme pour la médecine krakoane, il faut pour disposer du Mystérium reconnaître Arakko comme capitale du système solaire. Fatalis surgit et réclame de parler à l'autorité d'Arakko.
Au même moment, Magneto, sur l'île de Mykines, savoure le succès de cette soirée quand apparaît la Sorcière Rouge. Il lui explique qu'elle reste sa fille, malgré tout, et fera tout pour que la Nation X l'accepte à nouveau.
Avec S.W.O.R.D. #6 sortent cette semaine Way of X #3 et Wolverine #13, dont je parlerai dans une entrée groupée. Mais il m'a paru indispensable de dédier une critique à part pour SWORD car c'est un épisode important, sans doute le plus important de l'event Hellfire Gala après X-Men #21 et Planet-Size X-Men #1. Beaucoup de choses y sont dites et exposées qui vont avoir un impact durable pour toute la franchise X.
Tout débute après le feu d'artifice du gala, autrement dit ce qui a été narré dans Planet-Size X-Men, avec la terraformation de Mars où ont été déplacés les mutants d'Arakko. Les invités de la soirée sont encore bouleversés par ce spectacle ahurissant (comme le lecteur) et Captain America a besoin de s'isoler un moment pour réfléchir à ce qui vient de se jouer. Il est interpelé par le Dr. Fatalis.
Leur échange est superbement dialogué par Al Ewing, qui souligne, non sans malice, que les deux hommes sont en quelque sorte l'emblème de leurs pays respectifs. La remarque peut faire sourire, d'autant que pour tous les fans Captain America incarne le parangon de la figure héroïque alors que Fatalis est un tyran : difficile d'être plus dissemblables. Et pourtant, il y a quelque chose de vrai dans les mots de Fatalis car il est la Latvérie comme Steve Rogers est l'Amérique (du Nord).
Mais surtout, il est question d'appréhender le moment historique auquel ils viennent d'assister. Pour Captain America, cela lui rappelle le premier homme à avoir marché sur la Lune et il veut y voir un progrès, car cela répond en vérité à la question qu'il posa quelques jours avant à Cyclope à propos de la crainte internationale que suscitait la population d'Arakko. Mais pour Fatalis, ce n'est pas la même chanson : il a vu une démonstration de force qui ressemble pour lui à un défi lancé par les mutants à la Terre entière et il n'entend pas s'incliner devant une quelconque supériorité des mutants. S'il se sent menacé, il n'organisera pas, autrement dit, un gala pour annoncer sa réaction.
Ce prologue est excellent et pose des bases intéressantes. A voir si Dan Slott (le scénariste actuel des Fantastic Four) et Jason Aaron (celui des Avengers), voir le prochain pilote de la série de Captain America (qui succédera à Ta-Nehisi Coates, sur le départ), l'exploiteront (à mon avis ? Non. Slott écrit n'importe quoi actuellement. Aaron ne rêve que d'un nouvel event Avengers vs X-Men.).
Ensuite, on passe au coeur de l'épisode, une grande séquence où Ewing impresssionne. Rappelez-vous : dans le premier épisode de SWORD, l'équipe récupérait au terme d'une téléportation groupée à haut risque aux confins du cosmos une étrange petite pyramide noire baptisée Mystérium par Abigail Brand et présentée comme le futur des mutants. Depuis, entre des n° liés à King in Black et au sort de Fabian Cortez (expulsé du groupe), la série n'avait pas pu traiter de cette chose et le lecteur en était légitimement frustré.
Wiz-Kid fait un exposé devant le conseil intergalactique (et le lecteur) sur les propriétés phénoménales du Mystérium qui est un métal et une matière première. On sait qu'il protège des radiations, résiste à n'importe quel température, est plus solide que l'adamantium, mais surtout que le SWORD en a stocké des tonnes depuis. Abigail Brand met sur le marché une partie de cette marchandise et les ambassadeurs se l'arrachent aussitôt, sauf le Wakanda (qui continue de refuser tout ce que commercialisent les mutants - après ça, qui dira encore que les mutants sont les plus arrogants ?). Et Nova (Richard Ryder), présent en qualité de représentant de la Terre (mais qui se fait gentiment mais fermement remettre à sa place quand Frenzy lui rappelle qu'il était notoirement absent pendant les événements de King of Black - à sa décharge, il était occupé par les Olympiens avec les Gardiens de la Galaxie, mais bon...) se demande quel est le vrai prix pour avoir du Mystérium.
La réponse renvoie à ce qui encadrait déjà la médecine de Krakoa : la reconnaissance. Mais cette fois elle concerne Arakko, donc Mars, que les mutants ont proclamé, unilatéralement, capitale du systéme solaire. Cela ne pose pas de problèmes à toutes ces délégations aliens (qui en ont vu d'autres), sauf (encore une fois) au Wakanda (qui ne veut rien avoir à faire avec les mutants et ne reconnaissent rien de ce qu'ils prétendent posséder - je vous le dis, les wakandais vont finir par recevoir une gifle et ils ne l'auront pas volée). Mais un invité surprise a son mot à dire. Et c'est...
... Le Dr. Fatalis, toujours aussi fumasse après avoir parlé avec Captain America. Comme si la Latvérie était un satellite de la Terre, avec une voix à part dans ce concert, Fatalis exige de parler directement avec l'autorité d'Arakko. Abigail Brand est reconnue par Fatalis comme une "planificatrice", ce qui est plutôt un compliment de sa part, et il sait donc qu'elle s'attendait à sa venue et à sa requête - mieux : qu'elle y accèdera. Il a raison. Mais ni lui ni le lecteur ne se doutent de la surprise sur l'identité du régent d'Arakko.
Je suis désolé de vous spoiler mais je ne peux guère faire autrement car cela m'aurait obligé à écrire à demi-mots, à opérer des circonvolutions, à dire sans dire, ce qui revient à des acrobaties réthoriques que je n'ai sûrement pas la souplesse d'accomplir. Donc vous voilà prévenus.
Tornade a été nommée régente d'Arakko. Jordan White, l'editor-in-chief de la franchise X, avait teasé depuis des mois qu'en 2021 quelque chose d'important allait être raconté au sujet de Tornade, qui poserait le nouveau statut du personnage dans la suite logique d'événements qu'elle traverserait à partir de X of Swords. Dans cet event en effet, elle avait réussi à vaincre Mort, un des cavaliers d'Apocalypse lors du tournoi dans l'Outremonde, ce qui l'avait ébranlé. Plus tard, dans la série X-Men, elle avait sauvé la princesse Xandra, héritière du trône Shi'ar. Et récemment, elle avait quitté les Marauders. Tout cela présageait d'un changement de vie pour Ororo Munroe, qui n'avait rien de gratuit, mais tout d'un long cheminement spirituel (le personnage est coutumier du fait : depuis son changement de look dans les années 80 après son duel contre Callisto, jusqu'à la perte de ses pouvoirs à cause d'une arme fabriquée par Forge, son rôle de chef des X-Men en l'absence de Cyclope, etc.).
C'est aussi logique dans la mesure où l'on sait que les Arakki sont tous des mutants de niveau oméga, donc ils ne peuvent que tolérer leur égale à leur tête et Tornade est littéralement une déesse, une mutante classée parmi les plus puissantes de son espèce. Cela vient aussi confirmer ce que je disais dans ma critique de Planet-Size X-Men : le déplacement des Arakki sur Mars n'est pas une façon de s'en débarrasser car en plaçant Tornade à leur tête, il est évident que Jonathan Hickman a voulu, avec Gerry Duggan et Al Ewing, montrer que le lien avec Krakoa, donc la Terre, restait fort. S'il s'agissait de se débarrasser d'Arakko, ils n'auraient pas envoyé Tornade sur Mars car elle est une X-woman trop emblématique. Et en même temps, cela a une conséquence directe, immédiate : cela signifie qu'elle quitte non seulement notre planète, l'île de Krakoa, et donc son siège au conseil de Krakoa (qui est de plus en plus dépeuplé, après les départs d'Apocalypse et Jean Grey).
Enfin, arrive la conclusion de l'épisode et Ewing a gardé une cartouche explosive dans son chargeur. Magneto savoure seul le succès du gala. Il observe son casque, posé sur la table devant lui, comme un vieux compagnon. Il l'a porté durant tant d'années, pour la guerre contre les humains et d'autres mutants. Aujourd'hui, il contemple l'avènement de la race mutante, qui a atteint un niveau incomparable, qui a gagné le respect de (presque) tous. Magneto a consenti à changer de méthode et il a gagné. Que peut encore attendre un homme de sa trempe lorsqu'il en est là ?
L'apparition de la Sorcière Rouge est une image qui frappe le lecteur. Listée comme une des criminelles les plus honnies par les mutants depuis House of M, où elle déposséda de leurs pouvoirs la majorité de la population, elle a appris entretemps qu'elle n'était pas la fille de Magneto (dans les pages d'Uncanny Avengers, période Rick Remender, et de l'event Axis), tout comme son frère Vif-Argent. Durant l'event Empyre, elle a tenté de corriger ses erreurs, maladroitement, mais sans que cela soit vraiment reconnu car ce fut raconté en marge de la saga, dans un tie-in raté. La question qui se posait alors, c'était : la Sorcière Rouge a-t-elle encore un rapport avec les X-Men ? Ou, autrement dit, les X-Men s'intéressaient-ils encore à elle dans la mesure où, certes, elle était reconnue comme une de leurs pires ennemies, mais qu'ils ne faisaient rien pour la chasser, la capturer, la juger (ce qui aurait impliqué un conflit prévisible avec des héros amis de la Sorcière) ?
Et là, Al Ewing repose ces questions en changeant de perspective, de manière plus sensible et durable pour le futur. En vérité, il lance ni plus ni moins qu'une piste narrative impossible à ignorer (reste à savoir s'il la traitera lui-même ou si Hickman la récupérera par exemple). Car Magneto attendait sa "fille", il espérait même qu'elle assiste au feu d'artifice. On comprend, sans même qu'elle le dise, qu'elle ne se sentait pas d'être présente. Mais qu'importe, ce n'est pas ce qui compte. Car Magneto affirme qu'elle reste son enfant, en dépit des retcons stupides, et surtout qu'il va s'employer à ce que Krakoa accepte que Wanda lui pardonne pour qu'elle vive parmi les mutants, en paix.
Sachant qu'on va assister au procès de Magneto dans une mini-série proche (pour une affaire qui trouve son origine précisément dans le gala - un meurtre. Mais qui sera la victime ? Un autre mutant ? Un humain ?), et ensuite que l'event Inferno surviendra, cela risque de prendre un peu de temps car Erik Lensherr va être bien occupé dans les prochains mois. Mais ce que vient de (re)mettre en avant Ewing, nul ne peut l'ignorer : le cas de la Sorcière Rouge devra se règler, et sa résolution impactera la place de Magneto en même temps (sûrement davantage que son procès, dont je ne crois pas que l'issue compromettra le statut du mutant dans la hiérarchie de Krakoa. Pour moi, le vrai futur tournant pour la franchise, c'est Inferno, car c'est Hickman aux commandes.).
Je conclus cette critique par les dessins. SWORD #6 est le dernier épisode de Valerio Schiti, qui, on le sait, va illustrer Inferno (je l'ai interrogé à ce sujet en lui demandant s'il allait s'occuper des quatre épisodes, laissant à Stefano Caselli et RB Silva des parties plus réduites, mais il m'a répondu qu'il ne pouvait pas me donner ces précisions pour l'instant. Néanmoins, je crois que ce sera le cas).
L'italien, depuis son long run sur Guardians of the Galaxy période Bendis, semble avoir du mal à se fixer sur un titre (même s'il a fait le plus gros de Tony Stark : Iron Man, écrit par Dan Slott). Après avoir emballé Empyre (dont l'intrigue n'était hélas ! pas à la hauteur de ses efforts), il plie bagages après seulement cinq épisodes et demi sur SWORD (il avait partagé le n°3 avec d'autres artistes), alors qu'il s'était beaucoup investi (en designant les costumes, l'intérieur de la station du Pic et en ne s'économisant pas pour le reste).
Mais il part en beauté, en nous gratifiant de planches superbes. Schiti est au sommet de son art, et il en a encore sous le pied, c'est certain. Quoiqu'il fasse demain et après-demain (c'est-à-dire après Inferno), il reste un dessinateur à suivre car à chaque fois il se surpasse. Il est à l'aise partout, son dessin est généreux, le plaisir qu'il a à dessiner est manifeste. Jamais on ne sent chez lui une quelconque lassitude à animer des super-héros, à évoluer dans cet univers, et c'est réjouissant. Il y a chez Schiti une sorte de joie simple qui rappelle les vétérans qui se donnaient tout entier aux comics, comme Sal Buscema, John Romita Sr., Jack Kirby. Il n'a pas de prétention d'auteur et pourtant il marque de son empreinte chacun de ses projets, ses scénaristes savent ce qu'il apporte à leurs scripts : une énergie, une fluidité, un sens du spectacle, de l'efficacité, des personnages vraiment animés. Il y a tout ça dans cet ultime numéro de sa main. S'il laisse la série entre de bonnes mains (celles de Caselli), je le regretterai quand même.
Allez, rendez-vous très vite pour la suite du gala, dans Way of X #3 et Wolverine #13...
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